Question de méthodes : Intégration prospective et rétrospective de variables liées au genre en recherche clinique
Numéro 4 – Juillet 2021

Trois photos de personnes. À gauche, Louise Pilote regarde la caméra et sourit devant un arrière-plan blanc. Elle a les cheveux courts, bruns et ondulés et porte un collier de perles blanches et un haut noir. Au centre, Valeria Raparelli regarde la caméra et sourit devant un arrière-plan beige. Elle a les cheveux bruns et raides jusqu'aux épaules et porte des boucles d'oreilles pendantes en argent, un grand collier en argent et un haut à rayures bleues, noires et beiges. À droite, Colleen M. Norris regarde la caméra et sourit devant un arrière-plan marron. Elle a des cheveux brun foncé bouclés mi-longs avec une frange droite. Elle porte un collier en argent avec deux pendentifs dessus, une chemise bleu foncé et une veste vert foncé.
GOING-FWD : Louise Pilote, M.D., MSP, Ph.D.; Valeria Raparelli, M.D., Ph.D.; et Colleen M. Norris, IA, GNP, Ph.D.

GOING-FWD (Gender Outcomes INternational Group: to Further Well-being Development (en anglais seulement) est un projet de science des données et de médecine personnalisée financé par les IRSC et par GENDER-NET Plus (en anglais seulement). Ce projet utilise les données de plus de 30 millions de personnes atteintes de maladies chroniques au Canada et dans quatre pays européens. Il est dirigé et coordonné par Louise Pilote, M.D., MSP, Ph.D., chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et professeure de médecine James-McGill à l’Université McGill. Les codirigeantes du projet sont Valeria Raparelli, M.D., Ph.D., professeure adjointe de médecine interne à l’Université de Ferrara (Italie), et Colleen M. Norris, IA, GNP, Ph.D., professeure de sciences infirmières, de médecine et de science de la santé publique à l’Université de l’Alberta. Dans cette édition de Question de méthodes, Louise Pilote, Colleen M. Norris et Valeria Raparelli discutent des méthodes permettant d’intégrer prospectivement et rétrospectivement des variables liées au genre en recherche clinique.

Déterminer quelles variables liées au genre sont pertinentes pour votre étude clinique

Qu’est-ce qu’une variable liée au genre ?

Une variable liée au genre est une variable non biologique dont l’importance, la prévalence ou l’impact diffèrent entre personnes de genres différents. Le genre peut être décomposé en quatre dimensions : l’identité de genre, les relations de genre, les rôles de genre et le genre institutionnaliséNote en bas de page 1. Une variable liée au genre peut toucher n’importe laquelle de ces dimensions. Les membres de la communauté de la recherche pourraient vouloir axer leurs études sur une seule dimension ou mesurer des variables touchant plusieurs dimensions. Voir d’autres exemples de variables liées au genre (en anglais seulement)Note en bas de page 2.

Un organigramme décrivant les dimensions du genre et des exemples de variables liées au genre. En haut du graphique, un texte blanc dans un encadré bleu foncé indique : « Quelles dimensions du genre sont pertinentes ? » Quatre branches s'étendent vers quatre icônes à l'intérieur de cercles turquoise, représentant les dimensions du genre. L'identité de genre est représentée par une personne au genre neutre avec une moustache, portant un collier rose et une jupe blanche. Les relations de genre sont représentées par deux personnes au genre neutre qui se parlent, l'une d’entre elles avec une bulle de dialogue sortant de sa bouche. Les rôles de genre sont représentés par deux personnes au genre neutre. L'une d’entre elles porte une cravate et l'autre tient un bébé enveloppé dans une couverture blanche. Le genre institutionnalisé est représenté par une échelle traditionnelle, avec deux plaques suspendues à un point d'appui. Sous les dimensions du genre, quatre flèches s'étendent vers une liste de variables liées au genre. Au-dessus de cette liste, un texte blanc dans un encadré bleu foncé indique : « Quelles variables liées au genre sont pertinentes ? »
Description détaillée

Quelle dimension du genre sont pertinentes ?

  • Identité de genre : Comment les individus s’auto-identifient, incluant leur comportement, leur expression de genre et comment ils sont perçus par les autres
  • Relations de genre : Comment les individus sont traités et comment ils interagissent avec les autres selon leur identité de genre, perçue ou exprimée
  • Rôles de genre : Attentes et normes sociales typiquement associées avec un genre.
  • Genre institutionnalisé : Façon dont le pouvoir, les ressources et les opportunités sont distribuées dans la société selon le genre.

Quelles variables liées au genre sont pertinentes ?

  • Identité de genre : Stress, traits de personnalité, anxiété et dépression, identité de genre autodéclarée (p. ex. femme, homme, non-binaire).
  • Relations de genre : État matrimonial ou relationnel, support social (p. ex. Inventaire du support social ENRICHDNote en bas de page 3), réseau familial ou local (c.-à-d. le capital social), expériences de violence sexiste, expérience avec le personnel de la santé (p. ex. utilisation de langage épicène et/ou non sexiste)
  • Rôles de genre : Responsabilités parentales et de proche aidant ou aidante, occupation ou statut d’emploi, statut de principal soutien de famille, genre des fournisseurs de soins de santé
  • Genre institutionnalisé : Écart salarial, niveau d’éducation, éligibilité à la retraite, inégalité de genre (p. ex. Indice d’inégalité du genreNote en bas de page 4*)

*Note : Cet instrument utilise seulement une définition binaire du sexe

Est-ce que toutes les études cliniques rétrospectives et prospectives devraient intégrer des variables liées au genre ?

Puisqu’il s’agit d’un concept multidimensionnel, le genre est pertinent dans la plupart des études cliniques. Il n’est pas nécessaire d’intégrer le genre par acquit de conscience. Songez à regarder au-delà de l’identité de genre autodéclarée. Les variables liées au genre intégrées à votre étude devraient être choisies en fonction du cadre conceptuel, de la question de recherche et de l’hypothèse de l’étude. Par exemple, dans une étude sur l’observance de la pharmacothérapie, la capacité de payer pour les médicaments peut être un facteur valant la peine d’être exploré. Le revenu est une variable liée au genre, car il existe des disparités bien établies et institutionnalisées entre les personnes de différents genres sur le plan du revenu.

Intégrer des variables liées au genre à votre plan d’étude clinique

Lors de la conception d’une étude clinique prospective, que doit-on faire pour s’assurer d’y intégrer adéquatement des variables liées au genre ?

Premièrement, à partir d’une revue de la littérature, déterminez si des variables liées au genre sont pertinentes pour votre question et votre hypothèse de recherche. Faites votre revue de la littérature dans une perspective non limitée au sexe biologique afin de réfléchir à l’incidence possible de facteurs psychosociaux sur les retombées en santé, et tenez compte du caractère multidimensionnel du genre. Ensuite, décidez quelles données liées au genre devraient être recueillies. Songez à travailler avec des patients et des patientes partenaires ou des équipes de recherche interdisciplinaire pour dresser la liste des variables pertinentes et concevoir des outils de mesure. Par exemple, le consortium GOING-FWD a établi une liste de variables pertinentes liées au genre en collaboration avec un groupe de scientifiques multidisciplinairesNote en bas de page 2.

Quelles étapes faudrait-il suivre pour intégrer des variables liées au genre à des études rétrospectives ?

Le cadre de GOING-FWD comporte cinq étapes. En savoir plus (en anglais seulement)Note en bas de page 2.

  1. Dresser une liste de variables liées au genre qui sont pertinentes pour l’étude.
  2. Définir les résultats pertinents.
  3. Dresser une liste finale de variables liées au genre et de résultats à partir des données disponibles dans les ensembles de données qui serviront à l’étude.
  4. Si plusieurs ensembles de données sont utilisés, créer un ensemble de données harmonisées en redéfinissant les variables d’une façon qui inclut de l’information tirée de tous les ensembles de données utilisés. Par exemple, un ensemble de données pourrait mesurer le tabagisme comme une variable dichotomique, tandis qu’un autre pourrait mesurer le nombre de cigarettes consommées par semaine. Une nouvelle variable dichotomique (personne fumeuse / non‑fumeuse) pourrait être créée afin de tenir compte de l’information tirée des deux ensembles de données. En savoir plus (en anglais seulement)Note en bas de page 5.
  5. Si l’étude est multicentrique, définir une structure de données prévoyant des normes d’échange de données au niveau des différents centres. Par exemple, dans le cas d’une étude internationale, il pourrait être nécessaire de mettre en commun ou d’analyser les données au niveau local avant d’acheminer les résultats pour l’ensemble de l’étude à un centre principal.

Pour les études rétrospectives, si des données liées au genre ne sont pas disponibles, est-il possible d’utiliser des données sur le sexe comme substituts ?

Il n’est pas toujours simple de déterminer si les données disponibles sont genrées ou non (p. ex. emploi, niveau de scolarité, obésité), et il peut parfois être nécessaire de faire preuve de créativité au lieu d’utiliser des données sur le sexe comme substituts. Par exemple, les données de différents pays sur les cas de SRAS‑CoV-2 et les décès attribuables à l’épidémie de COVID-19 tiennent parfois seulement compte du sexe. Le consortium GOING-FWD s’est servi d'un indicateur du genre institutionnalisé – l’indice d’inégalité de genre (IIG) (en anglais seulement)Note en bas de page 4 – pour vérifier si les différences entre les sexes observées dans les cas de SRAS-CoV-2 avaient un lien avec le genre. Le consortium a constaté que dans les pays affichant un IIG élevé (c.‑à‑d. de plus grandes inégalités favorisant les hommes au détriment des femmes), davantage d’hommes que de femmes avaient obtenu un résultat positif au test pour le SRAS‑CoV-2Note en bas de page 6. Cela laisse supposer que le genre a un rôle à jouer dans les différences fondées sur le sexe observées, même si seulement des données différenciées selon le sexe étaient disponibles. Si vous ne trouvez pas de variable liée au genre dans votre ensemble de données, c’est une occasion de concevoir une étude permettant de recueillir ce type de données à l’avenir.

Analyser des variables liées au genre

Quels types d’analyses ou d’approches statistiques devrait-on employer lors de l’analyse des dimensions du sexe ou du genre dans des ensembles de données cliniques ?

Plusieurs approches peuvent être suivies, tout dépendant de la question de recherche et de la richesse des données liées au genre dans la base de données cliniques :

Établir un indicateur composite du genre (échelle de genre)

Dans les études explorant de nombreuses variables, il peut être utile de regrouper les différentes variables liées au genre en un seul indicateur compositeNote en bas de page 7Note en bas de page 8. Construisez votre propre échelle par le regroupement de diverses variables binaires ou sur une échelle de Likert. Convertissez des variables numériques ou continues en écarts réduits avant le calcul des moyennes ou des sommes. Inversement, utilisez une analyse des facteurs explicatifsNote en bas de page 9 ou une analyse en composantes principalesNote en bas de page 10Note en bas de page 11 pour réduire le nombre de variables ou établir une échelle de genre.

À gauche se trouvent trois rectangles turquoise alignés verticalement. Des flèches jaunes s'étendent de chacun des rectangles vers un cercle turquoise à droite avec un texte qui indique « indicateur composite ».
Établir un indicateur composite du genre

Le genre comme effet principal

Si vous croyez que le genre exerce un effet indépendant sur le résultat, explorez les variables individuelles liées au genre ou un indicateur composite du genre dans un modèle multivariable en conjonction avec des facteurs de confusion pertinents, afin de mesurer l’effet principal.

À gauche se trouve un cercle turquoise avec un texte indiquant « genre ». À droite se trouve un cercle bleu foncé avec un texte indiquant « résultat ». Une flèche jaune s'étend de « sexe » à « résultat ».
Le genre comme effet principal

Le genre en tant que terme d’interaction

Le genre peut modifier la direction ou la force de la relation entre des variables indépendantes et le résultat. En pareil cas, explorez les effets d’interaction. Par exemple, le sexe et le genre peuvent interagir de telle sorte que l’adhésion aux stéréotypes masculins ou féminins peut influer différemment sur la santé des hommes, des femmes et des personnes intersexuées.

À gauche se trouve un cercle gris foncé avec un texte indiquant « sexe ». À droite se trouve un cercle bleu foncé avec un texte indiquant « résultat ». Une flèche jaune s'étend de « sexe » à « résultat ». Sous cette flèche se trouve un cercle turquoise avec un texte indiquant « genre ». Une flèche jaune s'étend de « genre » à la flèche reliant « sexe » et « résultat ».
Interaction entre le sexe et le genre

CONSEIL PRATIQUE : Si la puissance statistique est insuffisante pour détecter un effet d’interaction, stratifiez les données selon une variable indépendante (p. ex. le sexe) et mesurez l’effet de la variable liée au genre sur le résultat en tant qu’effet principal dans chaque sous-groupe. Ce type d’analyse peut guider les décisions quant à l’utilité d’effectuer de futures études avec une plus grande puissance statistique permettant de mesurer l’interaction.

Analyse de médiation

Si vous croyez que le genre influe indirectement sur le résultat, explorez alors l’analyse de médiation. Cela permet d’expliquer partiellement ou entièrement la relation entre la variable liée au genre et le résultat par un enchaînement de causalité entre la variable liée au genre, un médiateur et le résultat. Par exemple, le genre peut avoir une incidence sur le revenu, qui peut à son tour influer sur la capacité d’observer fidèlement une pharmacothérapie.

Trois cercles placés en forme de triangle. En bas à gauche, un cercle turquoise indique « genre ». Au sommet, un cercle rouge indique « revenu ». En bas à droite, un cercle bleu foncé indique « résultat ». Des flèches jaunes vont de « sexe » à « revenu » et à « résultat ». Une flèche jaune s'étend également de « revenu » à « résultat ».
Effet du genre médié par le revenu

Apprenez-en plus sur les méthodes statistiques permettant l’analyse du sexe et du genre dans les études cliniques (en anglais seulement)Note en bas de page 12 et sur les méthodes applicables à différents types de recherches en santé (en anglais seulement)Note en bas de page 13.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de Louise Pilote, Valeria Raparelli et Colleen M. Norris et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des IRSC ou du gouvernement du Canada.

Date de modification :