COVID-19

Maintenant, on se comprend!
Communications sur les risques de la COVID-19 créées par et pour les Premières Nations

« L’idée de tenir un appel de demandes accéléré était géniale, car les processus de concours et de financement se sont achevés en quelques semaines, au lieu de quelques mois. Les chercheurs et les intervenants ne sont donc pas limités à une analyse rétrospective après la crise pour déterminer les bons et les mauvais coups; au contraire, ce financement nous permet d’être sur la ligne de front pour soutenir activement les communautés et les organisations tribales régionales alors qu’elles s’adaptent et font face à la pandémie. »

Dr Stephane McLachlan, Université du Manitoba

« Cette recherche a permis de confirmer l’existence d’iniquités dans les communautés des Premières Nations, certes, mais elle a aussi mis en lumière la résilience des Premières Nations et leur capacité de mettre au point des contremesures pour lutter contre la COVID-19. »

Dre Myrle Ballard, Université du Manitoba

« Ce projet nous offre l’occasion de découvrir comment les pandémies et les autres urgences sanitaires touchent les Premières Nations. La recherche nous donnera aussi un important aperçu des façons dont ces communautés répondent à de telles crises. »

Dre Ramona Neckoway, Collège universitaire du Nord

La pandémie de COVID-19 prend peut-être toute la place dans les médias de masse, mais il serait incorrect de présumer que les messages sur les risques d’infection et les directives de santé publique sont transmis équitablement à l’ensemble de la population.

Durant la crise de la grippe H1N1, par exemple, les communautés autochtones du Canada ont souvent eu un accès insuffisant à l’expertise médicale et à l’information pertinente, ce qui a contribué à la mésinformation et à la peur, dont les effets se font toujours ressentir une dizaine d’années plus tard.

Malgré cela, beaucoup de communautés et d’organismes autochtones ont pris des mesures efficaces pour limiter les ravages de l’épidémie, quoique leurs interventions soient très peu documentées. Ce succès montre qu’il y a beaucoup à apprendre de leurs expériences. La mise en pratique de ces apprentissages durant la pandémie de COVID-19 offre la possibilité de s’inspirer des succès connus pour mener des interventions sanitaires ancrées dans les priorités communautaires.

Kitatipithitamak mithwayawin, expression crie qui signifie « nous sommes maîtres de notre santé », est un projet de recherche multicentrique conçu selon cette mentalité. Le projet réunit des chercheurs-boursiers autochtones et alliés, des chefs de communauté et des aînés autochtones, ainsi que des organismes de santé et des organismes politiques autochtones pour lutter contre la pandémie de COVID-19 de façon stratégique et adaptée à la culture.

Le projet est codirigé par le Dr Stephane McLachlan, professeur au Département de géographie et d’études environnementales à l’Université du Manitoba, la Dre Myrle Ballard, professeure adjointe en chimie et universitaire autochtone à l’Université du Manitoba et membre de la Première Nation de Lake St. Martin, et la Dre Ramona Neckoway, professeure adjointe au Département d’études autochtones et nordiques au Collège universitaire du Nord et membre de la Nation crie de Nisichawayasihk.

Les membres de l’équipe sont déterminés à sauver des vies en prônant l’efficacité des pratiques culturelles et des traditions autochtones, et en reconnaissant la richesse du savoir traditionnel en vue d’orienter les mesures préventives contre la COVID-19.

Apprendre des erreurs du passé pour créer un avenir meilleur

Historiquement, les maladies infectieuses ont affligé de façon disproportionnée les communautés autochtones. En immigrant au Canada, les colons européens ont amené avec eux des agents pathogènes auxquels les peuples autochtones n’avaient jamais été exposés; le système immunitaire de ces derniers n’était donc pas préparé à produire les défenses biologiques nécessaires pour résister à ces infections mortelles.

La santé et le bien-être des peuples autochtones ont grandement pâti de maladies comme la variole, la tuberculose et la grippe espagnole, qui ont profondément perturbé les modes de vie, les moyens de subsistance et les pratiques culturelles traditionnels. Des communautés autochtones florissantes ont été décimées durant ce sombre chapitre de l’histoire canadienne.

Depuis lors, les peuples autochtones se sont heurtés à des vagues successives de difficultés, démontrant une résilience incroyable pour surmonter l’adversité. L’envahissement de leurs territoires par les industries et les colonisateurs a causé des pertes d’habitats pour le gibier et les poissons, ainsi que la contamination des aliments locaux traditionnels. Qui plus est, les pensionnats et la rafle des années 60 ont interrompu la transmission du savoir traditionnel d’une génération à l’autre. Ensemble, ces facteurs ont miné la sécurité alimentaire, ce qui a forcé les peuples autochtones à dépendre de plus en plus de produits alimentaires coûteux et peu nutritifs achetés en magasin.

Aujourd’hui, la réalité géographique de nombreuses communautés impose une nouvelle difficulté, puisque l’accès aux établissements de soins de santé modernes est encore loin d’être universel. Le manque chronique d’eau potable dans beaucoup de communautés autochtones partout au Canada fait également obstacle à l’adoption des pratiques sanitaires les plus élémentaires. Le problème est exacerbé par les lacunes des logements et des infrastructures communautaires (p. ex. accès routiers, réseau d’aqueduc, services publics, Internet).

L’isolement volontaire et la distanciation sociale en temps de pandémie sont quasi impossibles, puisque dans bien des cas, le nombre de logements ne permet pas de répondre aux besoins des peuples autochtones, segment de la population canadienne le plus jeune et qui connaît la plus forte croissance.

Pour ces raisons notamment, il est impératif de tenir compte des effets de la COVID-19 sur les communautés autochtones et de reconnaître la nécessité d’offrir des outils adaptés à la culture et aux circonstances, et créés en collaboration avec la population pour limiter la propagation.

À la croisée des savoirs autochtones et occidentaux

Avec leur projet de recherche, les Drs Ballard, Neckoway et McLachlan cherchent à faire partie de la solution pour un avenir meilleur. Le projet porte sur les mesures préventives mises en place par les peuples autochtones pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et les pandémies précédentes. Il illustre concrètement le pouvoir de la collaboration et de la mise en commun des connaissances sur la santé et le bien-être.

Fondée sur les forces des systèmes de santé autochtones et inexorablement liée à la santé globale de l’écosystème, la campagne de sensibilisation et de soutien souligne l’importance de la santé physique et spirituelle dans son ensemble. Elle intègre la science occidentale (s’il y a lieu), mais demeure ancrée dans le savoir, les traditions et même l’humour autochtones.

Les initiatives ingénieuses des chercheurs servent à transmettre des renseignements essentiels sur la COVID-19 et emploient une approche participative : elles sont dirigées par les communautés et destinées à leurs membres.

C’est la richesse de la tradition orale, qui imprègne tous les aspects de la vie quotidienne chez les peuples autochtones, qui fait le succès de l’équipe.

En peu de temps, le projet a fait son chemin pour joindre une impressionnante quantité de gens (plus de 15 000 personnes) dispersés sur des milliers de kilomètres par l’entremise d’une campagne sur les médias sociaux. Celle-ci met en vedette des vidéos en cri sous-titrées en anglais et a attiré l’attention des médias internationaux. Pour produire les vidéos, les chercheurs ont collaboré avec le marionnettiste Samson Hunter, créateur de « Kahkakiw, un corbeau du Nord du Manitoba », ainsi qu’avec des aînés et éducateurs chevronnés, Phyllis et Donald Hart, tous trois issus de la Nation crie de Nisichawayasihk.

Propulsé par sa notoriété dans la culture populaire crie, Kahkakiw (ᑲᐦᑲᑭᐤ, prononcé Kâ-Kâ-Kiou) présente les mesures de prévention des maladies de façon dynamique et ludique. Il se fait un véritable porte-parole des organismes de santé publique et des experts en santé communautaire qui souhaitent communiquer leurs conseils sur la COVID-19 au public autochtone.

À ce jour, la série « Kahkakiw, Straight Talk About Coronavirus [Kahkakiw cause sans détour du coronavirus] » compte trois vidéos, et d’autres sont en cours de production. La première est une introduction à la COVID-19, la deuxième traite de distanciation sociale, et la dernière s’adresse aux enfants (en anglais seulement). D’autres ressources destinées aux plus jeunes sont également déployées, dont des dessins à colorier et des casse-têtes éducatifs qui les renseignent sur la santé et la culture. Par ailleurs, les membres de la population autochtone sont encouragés à faire connaître leur réalité quotidienne durant la pandémie de COVID-19 sur les médias sociaux et sur le site Web du projet. Ces interactions virtuelles contribuent grandement à réduire l’anxiété et sont une excellente plateforme pour les échanges d’information.

La popularité des vidéos et l’utilisation des ressources sur les médias sociaux augurent bien pour le projet Kitatipithitamak mithwayawin. Elles constituent aussi un rappel important de la nécessité des messages et des programmes de santé publique adaptés à la culture et aux communautés.

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