Les médicaments et les dispositifs médicaux sont-ils plus dangereux pour les femmes?

Les médicaments et les dispositifs médicaux sont susceptibles d’améliorer la santé, mais ils présentent aussi des risques potentiels pour les hommes et les femmes. Le degré et la fréquence de ces risques peuvent différer selon le sexe et le genre des patients. En raison de dissemblances physiologiques, moléculaires et cellulaires, donc du sexe biologique, le corps des hommes et celui des femmes réagissent différemment aux médicaments et aux dispositifs médicauxNote en bas de page 1.

Comment les femmes métabolisent les médicaments différemment des hommes

Tissu adipeux : Les femmes ont normalement plus de tissu adipeux que les hommes, ce qui peut ralentir l’absorption des médicaments liposolubles.

Foie : Les hormones féminines peuvent influer sur la façon dont le foie métabolise les médicaments.

Reins : Les reins des femmes sont plus petits, ce qui a des répercussions sur l’élimination des par le corps.

Cœur : Le rythme cardiaque des femmes diffère légèrement de celui des hommes, donc les médicaments qui agissent sur le cœur pourraient présenter différents risques ou résultats.

Poids : Les femmes tendent à être plus petites que les hommes, donc la même dose peut avoir un plus grand effet sur ellesNote en bas de page 2.

Au-delà de la simple biologie, le construit psychosocial du genre peut, lui aussi, jouer un rôle dans l’efficacité des médicaments et des dispositifs médicaux et les risques qui leur sont associés. Le genre renvoie à des rôles, à des comportements, à des expressions et à des identités socialement construits. Les médecins sont susceptibles de faire preuve de préjugés qui lui sont liés lorsqu’ils traitent des patients, au risque de commettre des erreurs de diagnostic ou de nier l’importance des symptômesNote en bas de page 3,Note en bas de page 4. On n’a souvent pas tenu compte des considérations liées au sexe et au genre lors de la mise au point et de la prescription de médicaments et de dispositifs médicauxNote en bas de page 5,Note en bas de page 6. Résultat malheureux, des médicaments et des dispositifs destinés à améliorer la santé tendent à être plus dangereux pour les femmes.

L’innocuité commence par la recherche

Afin d’expliquer pourquoi les médicaments et les dispositifs médicaux sont plus dangereux pour les femmes, il faut commencer par la recherche préclinique, où la tendance consiste à exclure les animaux femelles des expériencesNote en bas de page 7. Une telle exclusion signifie que les chercheurs n’ont pas l’occasion de repérer et d’étudier les différences liées au sexe des maladies et engendre des hypothèses selon lesquelles des traitements médicaux semblables seront efficaces pour les deux sexes. En outre, les femmes ont traditionnellement été sous-représentées lors des essais cliniquesNote en bas de page 5, ce qui implique que, souvent, l’innocuité des solutions médicales pour les femmes n’est pas mise à l’épreuve avant leur mise en marché. Ainsi, lors d’essais cliniques des statines, employées pour réduire le taux de cholestérol, les femmes ne représentaient que 18,6 p. 100 des participants durant les années 1990 et 31,5 p. 100 dans les années 2000Note en bas de page 8. Ces dernières années, la tendance a commencé à s’améliorer. En 2015 et 2016, les femmes ont constitué 43 p. 100 des participants aux essais cliniques dans le monde entier et 45,2 p. 100 au CanadaNote en bas de page 9. Il s’agit là d’un signe positif en faveur d’une meilleure sécurité pour les femmes, mais, au Canada, celles-ci demeurent sous-représentées dans les essais de phases précoces et les recherches dans certains domaines thérapeutiques.

Les femmes enceintes ou allaitantes sont susceptibles d’être exclues complètement des essaisNote en bas de page 5 parce qu’il est arrivé de constater plus tard, soit après leur mise en marché, que certains médicaments causaient des anomalies congénitales chez les enfants des femmes qui en avaient pris. À titre d’exemples, mentionnons le diéthylstilbestrol (DES), médicament employé pour soutenir les femmes ayant des antécédents d’avortement spontané, et la thalidomide, médicament contre la nausée, qui ont tous deux été prescrits aux femmes enceintes entre les années 1950 et 1970. Depuis, on résiste à l’inclusion des femmes enceintes dans les essais cliniques en raison du risque potentiel de préjudice à la fois pour elles et leurs enfants. Donc, l’exclusion des femmes enceintes des essais cliniques peut sembler bien intentionnée, mais il en résulte aussi un manque de données disponibles sur les femmes malades qui tombent enceintes et les femmes enceintes qui tombent maladesNote en bas de page 10.

Même lorsque des hommes et des femmes sont inclus dans les recherches précliniques et cliniques, les résultats des études doivent être ventilés selon le sexe afin de tenir compte des différences importantes en matière d’efficacité et d’innocuité. Par exemple, des hommes et des femmes ont participé à des essais cliniques sur la desmopressine, médicament utilisé pour traiter la nycturie, c’est-à-dire l’augmentation du besoin d’uriner la nuit. Or, les chercheurs ont dû ventiler les données tirées des essais pour découvrir que la dose sûre et efficace de desmopressine pour les femmes est beaucoup moins élevée que celle pour les hommesNote en bas de page 11.

L’innocuité des médicaments

Les hommes et les femmes absorbent, métabolisent et excrètent les médicaments différemment en raison de facteurs biologiques, mais, souvent, on ne tient pas compte de ces dissemblancesNote en bas de page 12. Entre 1997 et 2000, la FDA aux États-Unis a retiré du marché dix médicaments à cause d’évènements indésirables. Étonnamment, huit d’entre eux comportaient plus de risques pour les femmesNote en bas de page 13. La terfénadine, un antihistaminique, et le cisapride, un médicament contre le reflux gastrique, ont été retirés parce qu’ils causaient des arythmies mortelles ou une fréquence cardiaque anormale chez les femmes seulement. Ces arythmies sont survenues parce que l’intervalle entre les battements du cœur est naturellement plus long chez les femmes et que les hormones sexuelles masculines diminuent la sensibilité cardiaque aux médicaments qui favorisent l’arythmieNote en bas de page 13. Par ailleurs, les posologies sécuritaires peuvent être différentes selon le sexe. Ainsi, Santé Canada a publié en 2014 un avertissement demandant de réduire de moitié la dose recommandée du somnifère Sublinox pour les femmes. Les concentrations sanguines matinales de ce médicament étaient 40 p. 100 plus élevées chez les femmes, ce qui augmentait leur risque de conduite avec des facultés affaiblies si elles prenaient la même dose que les hommesNote en bas de page 14.

L’innocuité des dispositifs médicaux

Les dispositifs médicaux à risque élevé qui exigent une chirurgie doivent être mis à l’essai avec de petits groupes et moins longtempsNote en bas de page 6. Ils font l’objet d’une moins grande surveillance et nombre d’entre eux sont lancés sur le marché sans subir d’essais cliniques, ce qui les rend risqués tant pour les hommes que pour les femmesNote en bas de page 15. Cependant, il y a eu récemment de nombreux exemples de dispositifs médicaux qui ont comporté de plus grands risques pour celles-ci. Les cœurs artificiels font partie de ce groupe. La majorité des cœurs artificiels sont fabriqués dans une dimension normalisée et sont trop grands pour de nombreuses femmes. Les fabricants justifient offrir davantage le plus gros cœur parce que 80 p. 100 des patients qui choisissent de recevoir un cœur artificiel sont des hommes. Cependant, cela s’explique peut-être par les préjugés liés au sexe qui entourent les traitements et les renvois proposés par les médecins relativement aux cœurs artificiels, étant donné qu’en fait, le nombre d’hommes et de femmes qui souffrent de maladies cardiaques est le mêmeNote en bas de page 16.

Certains problèmes qui exigent des dispositifs médicaux ne concernent que les femmes. Les timbres contraceptifs peuvent accroître le risque d’accident vasculaire cérébral chez les patientesNote en bas de page 17. Les implants mammaires texturés, qui sont fabriqués pour empêcher les implants de glisser et de laisser des cicatrices, ont aussi été liés au lymphome, cancer qui affecte les lymphocytes, cellules essentielles du système immunitaire.Note en bas de page 18.

Les bandelettes vaginales sans tension (TVT) ou les implants vaginaux en treillis, qui servent à traiter l’incontinence et le prolapsus des organes pelviens chez les femmes, sont souvent fabriqués en polypropylène, matériau susceptible de se briser et de causer une douleur intense. Santé Canada et la FDA des États-Unis ont publié de nombreux avertissements entre 2008 et 2011 après que des milliers de femmes eurent signalé des effets secondaires douloureux causés par les implantsNote en bas de page 6,Note en bas de page 19. Une étude du Centre for Evidence-Based Medicine de l’Université d’Oxford a constaté que les treillis pelviens n’avaient pas fait l’objet d’essais cliniques chez les femmes avant leur approbationNote en bas de page 20.

Conclusion

Les médicaments et les dispositifs médicaux comportent des risques tant pour les hommes que pour les femmes, mais celui de préjudice dépend du sexe et du genre des patients et il y a de nombreux exemples récents de danger potentiel pour les femmes. Le risque accru pour celles-ci découle du manque de participantes aux essais précliniques et cliniques, de l’absence de ventilation des données selon le sexe (même si des femmes sont incluses dans les essais) et des préjugés des cliniciens en rapport avec le sexe. Peu importe leur sexe ou leur genre, les gens méritent de disposer de médicaments et de dispositifs médicaux sûrs. Assurer l’innocuité commence par l’intégration appropriée du sexe et du genre dans la recherche en santé.

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