Science ou science-fiction : Le sexe et le genre influencent-ils l'arrêt du tabagisme?

Les comportements liés au tabagisme – incluant les efforts pour arrêter de fumer – diffèrent entre les hommes et les femmes. L'arrêt du tabagisme tend à être plus difficile chez les femmes que chez les hommes, Note en bas de page 1, Note en bas de page 2, Note en bas de page 3, Note en bas de page 4, Note en bas de page 5, Note en bas de page 6,Note en bas de page 7, Note en bas de page 8 et des recherches ont montré que les traitements les plus connus, tels que les timbres à la nicotine, sont beaucoup plus efficaces chez les hommes que chez les femmes.Note en bas de page 9, Note en bas de page 10 En plus de cette difficulté supplémentaire liée à l'arrêt du tabagisme, la santé des femmes serait davantage affectée par le tabagisme que celle des hommes. Le fait de comprendre comment le sexe et le genre interagissent avec la génétique et comment ces facteurs influencent les comportements liés au tabagisme et à sa cessation pourrait aider à clarifier pourquoi il est plus difficile pour les femmes d'arrêter de fumer. Se pourrait-il que l'intégration du sexe et du genre dans la recherche en pharmacogénomique dans le domaine du tabagisme soit essentielle à la découverte de moyens qui aideront les femmes à se départir de cette dépendance?

Stress, genre et tabagisme

Les femmes sont plus vulnérables aux maladies associées au tabagisme, telles que le cancer du poumon et les maladies cardiaques, ainsi qu'à des conséquences du tabagisme qui sont spécifiques au sexe, soit l'infertilité et le cancer du col de l'utérus.Note en bas de page 11, Note en bas de page 12, Note en bas de page 13

Le genre (rôles, normes et comportements socialement construits) influence significativement les raisons pour lesquelles les personnes fument, leurs habitudes liées au tabagisme, et les réponses aux traitements de désaccoutumance au tabac.Note en bas de page 14 Les facteurs associés au genre, tels que l'augmentation du stress et la pression associée à un objectif de perte de poids, favorisent souvent les comportements liés au tabagisme chez les femmes. Note en bas de page 15, Note en bas de page 16, Note en bas de page 17 Des recherches ont montré que les femmes sont plus à risque de commencer à fumer dans le but de réduire leur stress, et rapportent une plus forte anxiété lorsqu'elles essaient d'arrêter de fumer. Note en bas de page 15 Bien que les facteurs reliés au genre constituent une pièce essentielle du puzzle, des facteurs associés au sexe – incluant notamment la génétique – peuvent aussi jouer un rôle important. Note en bas de page 18, Note en bas de page 19, Note en bas de page 20

Les femmes sont plus vulnérables aux maladies associées au tabagisme, telles que le cancer du poumon et les maladies cardiaques, ainsi qu'à des conséquences du tabagisme qui sont spécifiques au sexe, soit l'infertilité et le cancer du col de l'utérus.Note en bas de page 11, Note en bas de page 12, Note en bas de page 13

Il n’y a pas de fumée sans différence liée au sexe

La génétique influence les réactions de l'organisme à la nicotine et aux agents cancérigènes de la fumée, ainsi que le degré de dépendance, les réponses aux traitements de désaccoutumance au tabac et les risques de cancers associés au tabagisme.

Deux types de gènes sont principalement reliés aux différences observées dans les interactions entre la nicotine et l'organisme.Note en bas de page 21, Note en bas de page 22 Le premier type de gènes contribue à spécifier la fonction métabolique du CYP2A6 et influence la vitesse de métabolisation de la nicotine, ce qui module le temps entre deux envies de fumer. Le second type de gènes, qui inclut les gènes CHRNA5 et CHRNA3 codant certaines protéines, joue un rôle en aval, soit dans la relâche de sérotonine et de dopamine, deux neurotransmetteurs qui interviennent dans les circuits neuronaux de récompense qui sont associés à l'acte de fumer. Les variations dans l'expression de ces gènes ont des impacts sur le métabolisme et sur les réponses des individus à la nicotine, en agissant à la fois sur les mécanismes menant à la dépendance au tabac et sur ceux qui influencent leur capacité à arrêter de fumer.

Dre Rachel Tyndale, chercheure senior et directrice du laboratoire de pharmacogénétique au Centre for Addiction and Mental Health, ainsi que professeure aux départements de psychiatrie, de pharmacologie et de toxicologie à l'Université de Toronto, affirme que «bien que nous ayons plusieurs données importantes montrant qu'il est important de tenir compte du métabolisme de la nicotine pour optimiser les traitements visant l'arrêt du tabagisme, peu de travaux ont examiné les effets des hormones sexuelles dans ce phénomène. L'œstrogène, qui est une hormone sexuelle dont la concentration est plus élevée chez les femmes, accroît la concentration des enzymes métabolisant la nicotine. Ainsi, il est connu que les femmes métabolisent la nicotine plus rapidement que les hommes, ce qui implique qu'elles pourraient nécessiter des thérapies de désaccoutumance différentes. En général, les fumeurs chez lesquels le métabolisme de la nicotine est plus lent ont moins de difficulté à cesser de fumer que ceux qui métabolisent la nicotine plus rapidement. De plus, les thérapies de substitution de la nicotine, telles que les timbres à la nicotine, sont plus efficaces chez les personnes qui métabolisent la nicotine plus lentement, comparativement aux métaboliseurs plus rapides.Note en bas de page 22, Note en bas de page 23 Les femmes, dont le métabolisme est plus rapide que celui des hommes, répondent mieux aux médicaments qui réduisent les envies de fumer et les symptômes de sevrage, telle que la varenicline.Note en bas de page 9, Note en bas de page 10 Tyndale a suggéré que la prochaine étape consisterait à rassembler les données cliniques provenant de plusieurs études afin d'identifier les différences entre les hommes et les femmes : « Rassembler les données des essais cliniques augmentera notre capacité à examiner les interactions entre le sexe et la génétique, ce qui nous permettra de mieux comprendre si le sexe devrait être considéré lors des décisions liées au traitement ».

La double influence du genre et du génotype

Nous savons que les femmes tendent à métaboliser la nicotine plus rapidement que les hommes. Nous savons également que le genre influence les comportements des individus liés au tabagisme et les probabilités qu'ils réussissent à arrêter de fumer. Il serait possible d'approfondir encore davantage notre compréhension du phénomène en adoptant une approche axée sur le sexe et le genre, qui prendrait soigneusement en compte les interactions possibles entre ces deux facteurs et les gènes d'une personne, ainsi que leurs influences sur les comportements associés au tabagisme et à l'arrêt du tabagisme. Les recherches devraient ainsi traiter non seulement de l'influence du sexe et des gènes sur l'arrêt du tabagisme, mais aussi des particularités des expériences liées au genre des individus, qui devraient être prises en compte dans les thérapies. Des approches thérapeutiques spécifiques au genre pourraient intégrer des éléments concernant la gestion du stress et la perte de poids, Note en bas de page 15, Note en bas de page 16, Note en bas de page 17 ainsi que des interventions s'appuyant sur les forces des réseaux en ligne.Note en bas de page 25 Ces approches contribueraient à accroître le succès des actions associées à l'arrêt du tabagisme chez les hommes, les femmes et les personnes de tous genres.

Conclusion

Dans le cadre du développement d'approches de traitements personnalisées pour l'arrêt du tabagisme qui prennent en compte les variations génétiques et les influences de l'environnement, Note en bas de page 21, Note en bas de page 22 un élément clé, soit l'évaluation de l'influence du sexe dans ces phénomènes, permettra de s'assurer que ces thérapies bénéficient autant aux femmes qu'aux hommes. Le fait de rassembler et de relier les différentes pièces du puzzle liées au sexe, au genre et à la génétique constitue une nouvelle voie pour l'amélioration des traitements de désaccoutumance au tabac, par la prise en compte des caractéristiques uniques de chaque personne. Dans notre environnement médical de plus en plus personnalisé, cette voie prometteuse pour les recherches futures et l'optimisation des traitements pourrait inclure des personnes appartenant aux divers genres, donc davantage de personnes qui voudraient arrêter de fumer et bénéficier de meilleures conditions de santé.

Quelques mots sur la chercheure

Les travaux de Dre Rachel Tyndale sont subventionnés par les IRSC; elle est aussi titulaire de la chaire de recherche du Canada en pharmacogénomique. Ses études à l'Université de Toronto et au Centre for Addiction and Mental Health sont centrées sur les variations des réponses aux drogues dans le domaine des dépendances et de la santé mentale. Elle aborde en particulier les effets des variations génétiques liées au métabolisme des drogues sur le risque de dépendances et sur les réponses aux traitements.

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