Lorsque le remède coûte trop cher : un essai clinique qui redéfinit l’accès aux médicaments au Canada

L’équipe de l’essai CLEAN Meds

Lorsque Scott MacMillan regardait l’hélicoptère transportant sa fille de 15 mois s’envoler vers l’hôpital le plus près, il ne connaissait pas encore le terme acidocétose diabétique. Il savait seulement que Rosemary – petite, fiévreuse et luttant pour sa vie – avait besoin d’aide de toute urgence.

« L’assurance-maladie a sauvé la vie de ma fille lors d’une urgence », affirme-t-il, « mais c’est l’assurance-médicaments qui la maintiendra en vie. »

Dans les mois qui ont suivi, M. MacMillan a appris ce que des millions de personnes au pays savent déjà : notre système de santé, aussi universel soit-il, s’arrête au comptoir de la pharmacie. Même les médicaments relativement peu coûteux peuvent obliger les gens à faire des choix impossibles entre l’épicerie, le chauffage et les soins de santé.

L’expérience de la famille de M. MacMillan révèle une lacune plus vaste du système de santé canadien. La plupart des Canadiennes et Canadiens ont recours à des médicaments : les deux tiers d’entre eux en ont pris ou ont reçu une ordonnance en 2021, selon Statistique Canada. Pourtant, le Canada reste le seul pays disposant d’un système de santé universel qui n’inclut pas les médicaments sur ordonnance dans son régime d’assurance. Pour environ 7,5 millions de personnes, cela signifie payer le plein prix ou se priver de soins.

« L’assurance-maladie a sauvé la vie de ma fille lors d’une urgence, mais c’est l’assurance-médicaments qui la maintiendra en vie. »

C’est cette lacune qui a poussé le Dr Navindra Persaud, médecin de famille et chercheur à Toronto, à lancer l’essai clinique CLEAN Meds (en anglais seulement), une étude financée par les IRSC visant à déterminer ce qui se passerait si les gens recevaient gratuitement les médicaments dont ils ont besoin.

« Des millions de personnes au Canada déclarent ne pas prendre de médicaments en raison de leur coût », déclare le Dr Persaud. « Les estimations varient, mais il pourrait s’agir d’environ deux millions de personnes. Ce chiffre ne tient même pas compte des gens qui n’entreprennent pas de démarches pour obtenir des soins, sachant déjà qu’ils n’ont pas les moyens de payer le traitement. »

Menée dans trois centres en Ontario, l’étude a permis de fournir gratuitement à des patients 128 médicaments essentiels, notamment de l’insuline, des médicaments régulateurs de la tension artérielle et des contraceptifs. Les résultats ont été frappants : les participants ont pris leurs médicaments de manière plus régulière, se sont déclarés en meilleure santé et ont visité l’hôpital moins souvent.

Pour le Dr Persaud, ces résultats ont confirmé une réalité simple, mais profonde : « Si les gens sont en mesure de se procurer leurs médicaments, ils les prennent – et restent en meilleure santé. »

Toutefois, l’essai CLEAN Meds ne se résume pas qu’à des chiffres. Il a été conçu en collaboration avec des patients et des membres de la communauté par l’intermédiaire d’un groupe d’orientation communautaire, qui a influencé tous les aspects du projet, du recrutement des participants à la manière dont les médicaments sont délivrés. Diane Charter, membre du groupe et travailleuse de la santé à la retraite, se souvient que des membres de l’équipe vêtus de T-shirts portant l’inscription « Free Medicine? » (Des médicaments gratuits?) se tenaient à différents coins de rue de Toronto pour susciter des conversations.

M. MacMillan, quant à lui, est devenu un ardent défenseur de la cause du diabète et de l’assurance-médicaments après le diagnostic de sa fille, bien que son intérêt pour l’assurance-médicaments remonte à plus tôt. « En tant qu’ingénieur, j’ai toujours cru à la prévention et à l’efficacité », explique-t-il. « L’assurance-médicaments n’est pas seulement une question de compassion; c’est une mesure d’entretien préventif de notre système de soins de santé. »

Même en bénéficiant d’une assurance et d’un programme provincial, M. MacMillan dit que sa famille doit encore payer de sa poche les fournitures, l’équipement et les ressources supplémentaires nécessaires pour prendre en charge la maladie de Rosemary en toute sécurité.

Rosemary s’épanouit, elle a été élue « écolière du jour », elle noue des amitiés et elle envisage la vie scolaire avec confiance.

« L’insuline n’est pas un luxe; c’est comme de l’oxygène », déclare-t-il. « Les pompes et les capteurs qui maintiennent [ma fille] en vie sont comme de l’eau. »

Les travaux du Dr Persaud ont déjà contribué à alimenter la discussion nationale sur la couverture des médicaments. Bien que l’essai CLEAN Meds ait pris fin en 2020, il continue d’influencer d’autres travaux. Depuis, son équipe s’est tournée vers un autre déterminant social de la santé : l’alimentation. Une nouvelle étude (en anglais seulement) fournit des bons mensuels pour des aliments sains à des personnes atteintes de diabète de type 2. Les résultats préliminaires suggèrent une amélioration de la nutrition et une réduction de l’insécurité alimentaire.

Pour le Dr Persaud, le lien entre ces études est tout simplement l’équité. « Dans un pays qui fait grand cas d’offrir des soins de santé universels, les gens ne devraient pas avoir à choisir entre manger, payer leur loyer ou prendre leurs médicaments », affirme-t-il.

Quant à M. MacMillan, il affirme que Rosemary s’épanouit, qu’elle a été élue « écolière du jour », qu’elle noue des amitiés et qu’elle envisage la vie scolaire avec confiance. « Notre objectif est qu’elle s’intègre sans être stigmatisée, qu’elle soit avant tout une enfant, pas seulement une diabétique », explique-t-il.

En bref

L’enjeu

Des millions de Canadiennes et Canadiens ont du mal à se procurer des médicaments essentiels parce que le système de santé universel du pays ne comprend pas de couverture pour les médicaments sur ordonnance.

La recherche

Dans le cadre de l’essai CLEAN Meds financé par les IRSC, le Dr Navindra Persaud et son équipe ont observé ce qui se passe lorsque les patients bénéficient d’un accès gratuit aux médicaments essentiels. Ils ont constaté que l’élimination des obstacles liés aux coûts se traduit par une meilleure santé, une plus grande adhésion aux traitements et moins de visites à l’hôpital.

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