Le lien négligé entre les hormones et le cerveau des femmes

Des membres du laboratoire de la Dre Galea

Les femmes subissent des changements hormonaux importants au cours de la vie, depuis la puberté jusqu’à la ménopause. Pourtant, les effets de ces changements sur le cerveau demeurent peu compris et largement sous-étudiés en neurosciences.

« Pendant des années, on nous a affirmé que les changements hormonaux associés à la grossesse et à la ménopause n’avaient que peu d’incidence sur le cerveau des femmes », explique la Dre Liisa Galea, neuroscientifique au Centre de toxicomanie et de santé mentale et à l’Université de Toronto. À ses yeux, cette idée fausse n’a rien d’étonnant, puisque seulement 3 % des études en neurosciences portent exclusivement sur la santé des femmes.

La Dre Galea s’emploie à corriger cette lacune. Sa recherche, financée par les IRSC, examine l’influence des variations hormonales, de l’adolescence à un âge avancé, sur le cerveau des femmes. Elle milite également pour la prise en compte des réalités propres aux femmes dans les soins de santé.

Une analyse récente (en anglais seulement) menée par la Dre Galea montre que les fluctuations hormonales durant la grossesse peuvent avoir des effets à long terme. À la trentième semaine de grossesse, une hormone clé de la famille des œstrogènes atteint des niveaux trois cents fois supérieurs à ceux observés à tout autre moment de la vie, avant de diminuer rapidement après l’accouchement.

Ces fluctuations ont été associées à des changements dans certaines régions cérébrales, comme l’hippocampe et le cortex frontal.

« Une partie importante de la neuroplasticité observée pendant la grossesse et la période postpartum est liée au développement de la dyade mère-enfant, mais ces changements au cerveau se perpétuent même chez les femmes d’âge mûr », précise la Dre Galea. Des études récentes menées sur des souris et des sujets humains montrent effectivement que l’expérience de la grossesse pourrait être associée à un vieillissement cérébral moins important plus tard dans la vie. Pour la Dre Galea, il ne fait aucun doute : les effets à long terme de la grossesse doivent occuper une place plus importante en neurosciences.

L’équipe du laboratoire Galea à l’œuvre

Selon les travaux (en anglais seulement) de la Dre Galea, la ménopause constitue une autre transition hormonale déterminante, susceptible d’avoir des effets notables sur le cerveau et, dans certains cas, d’accroître le risque de maladies neurodégénératives. Les effets observés dépendent toutefois du type de symptômes ménopausiques et de caractéristiques biologiques propres à chaque personne. Une hormonothérapie sur mesure, fondée sur les antécédents médicaux de la patiente, s’avère essentielle pour atténuer les symptômes et réduire les risques.

En se servant des données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, la Dre Galea s’est penchée sur les effets de l’hormonothérapie sur la santé cérébrale de plus de 7 000 femmes ménopausées. Les résultats (en anglais seulement) montrent que l’œstradiol (un type d’œstrogène) administré par voie transdermique pourrait améliorer la mémoire épisodique, soit un type de mémoire souvent perturbé aux premiers stades de la démence.

La Dre Galea estime toutefois que pour favoriser la santé cérébrale des femmes, une réflexion s’impose sur les biais systémiques qui influencent les soins de santé, depuis la formation médicale jusqu’aux soins prodigués aux patientes. L’élimination de ces biais passe par des soins plus inclusifs, et, selon la Dre Galea, cela signifie d’exhorter les fournisseurs de soins de santé à prendre au sérieux les symptômes des femmes.

« Pour de nombreux troubles, les symptômes rapportés par les femmes sont souvent jugés atypiques et ignorés, même si les femmes constituent la moitié de la population, souligne-t-elle. Comment peut-on nous considérer comme atypiques? Une partie de mon travail vise à éliminer ces biais dans le système de santé. »

La Dre Galea insiste également sur la nécessité d’améliorer la formation liée aux transitions hormonales, comme la périménopause et la ménopause, rappelant que de telles lacunes dans la formation médicale peuvent entraîner des erreurs ou des retards de diagnostic. Une prise en charge inadéquate des symptômes ménopausiques entraîne également des répercussions économiques et sociales beaucoup plus vastes. La Fondation canadienne de la ménopause estime qu’une femme sur dix quitte le marché du travail en raison de ces symptômes.

« Il faut s’attaquer aux lacunes majeures dans la recherche sur la santé des femmes et au manque de données précises sur leur santé, conclut la Dre Galea. C’est la seule façon d’adapter les pratiques cliniques aux besoins uniques des femmes à chaque étape de leur vie. »

En bref

L’enjeu

Les femmes représentent plus de la moitié de la population canadienne, mais les effets des fluctuations hormonales sur leur cerveau demeurent largement sous-étudiés. Ce grave manque de données entrave la création de soins fondés sur des données probantes, l’établissement de diagnostics précis et la mise en place de traitements adaptés aux femmes.

La recherche

La Dre Liisa Galea contribue à faire progresser les neurosciences en étudiant la manière dont les changements hormonaux influencent le cerveau des femmes au cours de la vie. Ses travaux montrent le potentiel d’une hormonothérapie sur mesure pour favoriser la santé du cerveau.

Elle travaille avec une équipe de recherche dans son laboratoire de neuroendocrinologie comportementale (en anglais seulement) et dirige le groupe de recherche Women’s Health Research Cluster (en anglais seulement), qui offre des ressources, des possibilités de réseautage et des outils de sensibilisation pour les chercheurs, les cliniciens et le public.

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