Les jeunes utilisateurs de drogues n’ont pas la possibilité de s’exprimer comme ils le devraient. Des chercheurs de la Colombie-Britannique veulent y remédier.

Les réalités de nombreux jeunes utilisateurs de drogues qui vivent dans la rue ne sont pas prises en compte. Pour obtenir les meilleures chances d’avoir un avenir sain, ils doivent pouvoir se faire entendre. Une équipe de recherche de Vancouver prend l’initiative de les aider en ce sens pour améliorer les possibilités qui s’offriront à eux.

« La société tente étrangement de cacher le fait que les jeunes consomment des drogues : ils en consomment et ils en meurent », affirme Kali-olt Sedgemore, de Vancouver.

« Les jeunes utilisateurs de drogues méritent de se faire entendre. Ils sont responsables de leurs choix, et eux seuls peuvent s’assurer que les choses sont faites correctement pour les aider. »

Sedgemore travaille auprès de jeunes de la rue à titre de travailleur d’approche et de soutien communautaire dans les sites d’injection supervisée partout à Vancouver, en plus d’œuvrer à la présidence du groupe Coalition of Peers Dismantling the Drug War (en anglais seulement), qui représente des utilisateurs de drogues.

« Mon objectif principal est de m’assurer que ces personnes sont à l’aise dans les endroits généralement destinés aux adultes ».

« Je m’assure aussi qu’elles comprennent qu’ici, elles sont les bienvenues et ont le droit d’être en sécurité. »

Sedgemore collabore au projet Mobilizing Knowledge with Young People Who Use Drugs, Caregivers, and Providers: Informing Improved Youth Mental Health and Substance Use Services (en anglais seulement), soit l’un des 25 projets que soutiennent les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) par l’entremise de la Subvention catalyseur : Normes de services en santé mentale – enfants et jeunes. Ce projet est dirigé par la Dre Danya Fast (en anglais seulement), chercheuse au BC Centre on Substance Use (en anglais seulement) et professeure adjointe à la Faculté de médecine (en anglais seulement) de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Nous voulons solidifier notre déclaration nationale sur la réduction des méfaits, car il s’agit d’une pierre angulaire des normes pancanadiennes relatives à l’utilisation de substances psychoactives chez les jeunes », précise la chercheuse.

« Malgré le caractère difficile et la lourdeur du sujet et du domaine de recherche en raison de la crise de surdoses sans précédent qui est absolument tragique, j’adore les jeunes avec qui je travaille et qui participent à ma recherche. »

Générer des données essentielles pour assurer la sécurité des jeunes de la Colombie Britannique

La Dre Fast et Sedgemore font partie de l’équipe menant l’étude Care Pathways (en anglais seulement), une initiative visant à suivre les parcours et les résultats de plus d’une centaine de jeunes de la rue utilisateurs de drogues sur le plan de la santé mentale et de la consommation de substances dans la région métropolitaine de Vancouver, à Prince George et à Kelowna. Cette étude a donné lieu à différentes recommandations visant à réduire les méfaits, qui sont résumées dans le rapport intitulé Youth Voices on Treatment in the Shadow of the Overdose Crisis [ PDF (2.2 Mo) - lien externe ] (en anglais seulement).

Malgré les différences notables dans le niveau de services relatifs à l’utilisation de substances offerts dans différentes régions de la Colombie-Britannique, le duo a aussi relevé des ressemblances frappantes.

« Il y a beaucoup plus de services offerts au centre-ville de Vancouver qu’à Prince George ou à Kelowna », souligne la Dre Fast.

« Cependant, dans tous les milieux, nous avons entendu des gens dire qu’ils ne veulent pas se faire imposer de traitement, qu’ils ne sont pas prêts à commencer un traitement, ou qu’ils ne voient pas l’utilité d’en suivre un avant d’avoir réglé la question de leur logement, de leur couple et de leur emploi. Des jeunes de partout dans la province ont tenu de tels propos. »

« Nous avons aussi entendu “Ne me forcez pas à prendre des pilules ou des médicaments. Je n’aime pas les endroits où c’est l’objectif principal.” Voilà une ressemblance marquante : nous avons entendu cela de la bouche de jeunes de Prince George, de gens de Kelowna et de centaines de jeunes de Vancouver. »

« C’était absolument fascinant : il y avait honnêtement plus de ressemblances que de différences quant à la détermination des jeunes de décider des soins qu’ils reçoivent. »

Une perspective pancanadienne pour un public mondial

Dans leur plus récent projet financé par les IRSC, la Dre Fast et Sedgemore cherchent à utiliser les propos des jeunes utilisateurs de drogues de la Colombie-Britannique, à élargir la portée de leur travail à l’échelle nationale et à le présenter aux fournisseurs de services, aux décisionnaires et à d’autres personnes afin de leur permettre d’entendre ces jeunes, dont la voix est essentielle et souvent ignorée.

En plus de participer à des conférences, ils transmettront leur message au cours d’un épisode du balado Crackdown (en anglais seulement), produit à Vancouver. Ce balado, décrit comme « la guerre contre la drogue, vue par des utilisateurs de drogues », offre un point de vue unique (et grandement ignoré) sur différentes questions liées à l’utilisation de substances psychoactives au Canada.

La Dre Fast estime que le balado, qui compte plus de 10 000 auditeurs dans le monde, offre la possibilité d’atteindre des gens qui ne consulteraient pas nécessairement un article universitaire.

« Nous allons écrire un commentaire et présenter la réduction des méfaits comme une norme pancanadienne, ce qui pourrait parvenir aux gouvernements partout au pays, mais il est stimulant d’atteindre un vaste auditoire international, car cela rassemble des mouvements à une échelle qui est, à mon avis, extrêmement rare », explique-t-elle.

« C’est un véritable honneur de participer à un balado produit pour et par des utilisateurs de drogues, et non par des universitaires ou d’autres personnes dirigeant des projets qui modèrent en quelque sorte les propos des utilisateurs de drogues. »

Sedgemore est du même avis.

« Grâce à Crackdown, les intervenants de première ligne et sur le terrain ainsi que les utilisateurs de drogues exposent ce qui se passe réellement. Le média aborde les choses différemment, d’où son importance, selon moi, dans la diffusion de ces voix. »

Une approche réfléchie pour faire participer les jeunes

L’épisode à venir prochainement sera axé sur l’expérience de jeunes utilisateurs de drogues qui vivent dans la rue, y compris sur leur participation aux pratiques et aux programmes de réduction des méfaits. Des jeunes de partout au Canada seront interviewés, certains seront guidés à distance pour enregistrer leur voix efficacement, alors que d’autres seront rencontrés sur place. Cependant, le point le plus important est de veiller à ce que ces jeunes soient à l’aise de raconter leur réalité.

« La priorité absolue est qu’ils sentent qu’ils sont en sécurité et qu’ils ont du soutien – que l’expérience soit positive », explique la Dre Fast.

« Nous devons ensuite leur demander s’ils sont à l’aise avec le résultat, si cela leur convient. Cette façon de faire est très différente du journalisme traditionnel. L’idée n’est pas d’interviewer des jeunes, puis de faire ce que nous voulons avec les enregistrements. »

Sedgemore ajoute : « Avec la crise qui sévit en Colombie-Britannique, nous perdons tellement de gens et parfois les personnes vivent un deuil. Nous devons comprendre que certains jeunes peuvent refuser de s’impliquer pour le moment, car ils viennent de perdre une personne qui comptait pour eux. »

« Nous sommes nombreux à vivre des deuils répétés, mais beaucoup de jeunes essaient de trouver des façons de traverser ces épreuves sans aide. »

Le duo veut diffuser son épisode à la fin de 2023, avant de se concentrer à faire entendre la voix des jeunes utilisateurs de drogues dans le cadre de conférences sur l’utilisation de substances psychoactives et la réduction des méfaits, comme Stimulus (en anglais seulement).

« Je m’estime bien chanceuse de mener ce travail en partenariat avec des jeunes, au lieu de faire des recherches sur eux ou avec eux, de façon plus symbolique qu’autre chose », affirme la Dre Fast.

« Nous sommes impatients d’entendre, grâce au balado, ce que des jeunes font pour encourager les soins liés à l’utilisation de substances et participer à leur prestation dans différents milieux au Canada. »

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