Des chercheurs donnent un nouveau souffle aux efforts pour accroître l'efficacité des greffes pulmonaires

Deux chercheurs de Toronto financés par les IRSC analysent le fonctionnement des poumons hors du corps humain

Le système de perfusion pulmonaire Ex Vivo (Photo utilisée avec la permission de UHN)
Dre Ana Andreazza
Dr Marcelo Cypel

Les humains inspirent et expirent environ 22 000 fois par jour. Mais les personnes qui ont de la difficulté à maintenir une respiration régulière et dont la mobilité s'en trouve diminuée ont peut‑être besoin de plus que des antibiotiques ou d'un inhalateur comme traitement – une greffe de poumons donnés pourrait s'avérer nécessaire.

En 1983, l'Hôpital général de Toronto a été le théâtre de la première greffe pulmonaire réussie dans le monde. Aujourd'hui au Canada, les greffes pulmonaires ne se pratiquent plus seulement à Toronto, mais aussi à Vancouver, Edmonton et Montréal. Le nombre de receveurs a aussi augmenté à 361 en 2020. Bien que cela constitue un progrès important, 270 personnes figuraient sur une liste d'attente de greffe pulmonaire en 2018, et 28 ont attendu en vain et sont décédées.

Heureusement, les recherches des Drs Marcelo Cypel et Ana Andreazza que financent les IRSC profitent aux patients de diverses façons. L'équipe conserve les poumons donnés de façon différente de manière à les maintenir en vie beaucoup plus longtemps après les avoir prélevés, ce qui pourrait augmenter la disponibilité de ces organes pour la transplantation. Ayant placé les poumons sous un dôme protecteur avec de l'oxygène et des nutriments de base, les Drs Cypel et Andreazza en profitent aussi pour étudier pourquoi certaines greffes ne sont pas viables.

En bref

L'enjeu

Même si 361 greffes pulmonaires ont été réussies au Canada en 2020, il pourrait y en avoir davantage si tous les poumons donnés étaient utilisés grâce à des stratégies de préservation et de traitement des organes.

Les retombées

Des chercheurs et des chirurgiens de Toronto ont découvert que les mitochondries contribuaient à maintenir des poumons en vie pendant 36 heures si conservés à une température de 10 °C. Étant donné que les mitochondries produisent plus efficacement de l'énergie à partir de l'oxygène dans les cellules à cette température, des chercheurs financés par les IRSC vérifient maintenant si des injections de cette structure génétique pourraient réparer des poumons endommagés maintenus en vie hors du corps dans un appareil semblable à un dôme qui alimente les organes en oxygène et en nutriments à une température de 37 °C.

Les résultats

Si ces recherches s'avèrent fructueuses, un plus grand nombre de patients auront accès aux greffes pulmonaires. Il est également possible que les greffés vivent plus longtemps après la transplantation, car ils auront reçu des poumons en meilleur état.

Renseignements connexes

Améliorer le nouveau départ des patients

Auparavant, les chirurgiens ne disposaient que de 6 à 8 heures pour transplanter des poumons d'un donneur à un receveur, car il était cliniquement nécessaire de conserver les organes sur de la glace à une température de 4 °C.

En conservant jusqu'à deux paires de poumons à une température de 10 °C dans un incubateur, le Dr Cypel – chirurgien en chef au Centre de transplantation Ajmera du Réseau universitaire de santé (RUS) de Toronto et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en transplantation pulmonaire – a découvert que les mitochondries pouvaient protéger les organes jusqu'à 36 heures au lieu de seulement 6 à 8 heures.

En tant que directrice scientifique de la Mitochondrial Innovation Initiative à l'Université de Toronto et que titulaire de la chaire Thomas-C.-Zachos en recherche sur les maladies mitochondriales, la Dre Andreazza aide le Dr Cypel à analyser plus en détail les retombées de cette découverte.

« Les mitochondries jouent un rôle majeur dans la respiration, car elles absorbent l'oxygène et produisent l'énergie qui contribue à préserver la vie des cellules qu'elles habitent », explique la Dre Andreazza. « Pour cette étude, l'équipe de Marcelo m'envoie des échantillons tissulaires prélevés sur des poumons donnés pour que je puisse vérifier si les mitochondries sont encore vivantes après huit heures. Si la réponse est oui, nous pouvons les déposer dans une solution permettant de stabiliser leur état en vue d'une éventuelle transplantation. »

Les mitochondries sont transmises par voie héréditaire de la mère à l'enfant. Nous ne savons toujours pas si la transplantation de mitochondries peut fonctionner si le donneur et le receveur ne sont pas de la même famille.

« Nos trois objectifs de recherche consistent à allonger le temps de préservation des organes, à améliorer la qualité des organes donnés de façon à pouvoir en greffer davantage, et à améliorer les résultats cliniques des patients en limitant les lésions pulmonaires précoces post-transplantation », précise le Dr Cypel.

« À 4 °C, la mitochondrie ralentit et stoppe la respiration », explique la Dre Andreazza. « Le changement de température à 10 °C fait en sorte que les mitochondries cessent d'être inertes et arrivent à maintenir le métabolisme cellulaire. Pour nous, il est tout à fait logique de vérifier si cela pourrait aider les patients à maintenir de meilleurs résultats cliniques. »

« Nous pourrions être en mesure de protéger les mitochondries jusqu'à un certain point », enchaîne le Dr Cypel. « Mais les poumons ont déjà subi des lésions mitochondriales en raison d'autres facteurs, comme l'inflammation, les problèmes de ventilation mécanique ou la pneumonie. S'il était possible de greffer des mitochondries saines dans ces poumons, est-ce que leur métabolisme contribuerait à préserver l'organe plus longtemps après la chirurgie? »

La réponse à cette question de recherche sera connue une fois que de nouvelles mitochondries saines auront été implantées dans des poumons endommagés conservés ex vivo (hors du corps) dans un appareil protecteur semblable à un dôme qui alimente l'organe en oxygène et en nutriments et maintient une température corporelle normale de 37 °C.

Un nouveau souffle aux efforts de recherche salué par les patients

À l'heure actuelle, les chances de survivre six ans après une greffe de poumons donnés sont de 60 %. Cela découle du fait que les poumons constituent un des rares organes à être constamment exposés à l'environnement externe et aux risques d'infection bactérienne, ce qui explique le taux de rejet élevé.

Eric Celentano (Photo de Tim Fraser avec la permission de la Fondation UHN)

Eric Celentano est cependant resté optimiste. En 2018, le Dr Cypel lui a transplanté des poumons donnés au RUS. Ironiquement en 2013, avant son diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique – maladie qui réduit progressivement la capacité pulmonaire par l'accumulation de tissu cicatriciel – M. Celentano était spécialisé dans la vente d'appareils d'inhalothérapie pour Summit Technologies, à Vancouver, depuis 25 ans. Aujourd'hui âgé de 65 ans, il demeure reconnaissant au RUS de lui avoir donné une chance de vivre – même s'il a fallu deux essais pour y arriver.

« La première fois que le Dr Cypel et son équipe m'ont préparé pour une transplantation au RUS, ils ont déterminé – après avoir testé et traité l'organe ex vivo en incubateur pendant environ six heures – que l'organe était incompatible avec mon organisme », raconte M. Celentano. « Je suis donc retourné chez moi, néanmoins rassuré par une telle diligence. Lorsque l'hôpital m'a appelé une deuxième fois pour une greffe pulmonaire, j'ai été de nouveau préparé pour la chirurgie et j'ai attendu six ou sept heures le temps que les médecins analysent l'organe et déterminent que l'opération devrait bien se dérouler. »

M. Celentano a reçu son congé de l'hôpital 16 jours après sa greffe. Il a ensuite été soumis à trois mois de physiothérapie. Heureusement, des membres de sa famille habitaient Toronto, ce qui lui a permis de se rétablir avec sa sœur à ses côtés 24 heures par jour sur une période de trois semaines. Depuis ce temps, il aide les nouveaux patients à comprendre l'importance d'écouter leur médecin en prenant les médicaments prescrits après la greffe, de façon à éviter le rejet de leurs nouveaux poumons par leur organisme, et l'utilité d'intégrer l'exercice à leurs activités quotidiennes.

« Je cours sur le tapis roulant et je lève des poids au centre de conditionnement physique de mon immeuble, et je vais souvent marcher dehors en plus de jouer au golf », indique M. Celentano. « En tant que retraité, j'ai le temps de parler de la valeur des greffes pulmonaires aux travailleurs de la santé afin qu'ils se sensibilisent au travail accompli pour aider les patients à survivre au processus en étant attentifs à leurs perspectives. Je fais également partie d'un groupe de soutien pour les patients atteints de fibrose pulmonaire. J'agis aussi à titre de défenseur des droits des patients pour le don d'organe au Réseau Trillium pour le don de vie en Ontario, et je suis membre du Toronto Lung Transplant Civitan Club, qui amasse des fonds pour les patients qui doivent déménager à Toronto dans l'attente d'un don d'organe. »

Hélène Campbell

Tout comme Eric, Hélène Campbell avait besoin d'une nouvelle paire de poumons. Même si elle avait reçu un diagnostic d'asthme, elle se doutait que le problème pouvait être plus sérieux, car elle était constamment essoufflée. Après des mois de spéculation médicale, un pneumologue d'Ottawa a conclu qu'elle avait urgemment besoin d'une double greffe pulmonaire.

« C'était bizarre, mais à l'âge de 20 ans j'étais atteinte de fibrose pulmonaire idiopathique, maladie qui touche normalement des personnes de 60 ans et plus », déclare Mme Campbell.

Avec sa mère, une infirmière autorisée, elle est déménagée à Toronto dans l'attente d'une paire de poumons compatibles avec son organisme au RUS. Tout cela a eu un impact psychologique sur Mme Campbell, car elle a été contrainte de laisser sa famille à Ottawa et de payer son hébergement avec l'argent épargné pour ses études, en plus de devoir s'oxygéner constamment. Elle devait aussi se renseigner sur la transplantation comme telle. Mais l'espoir lui a permis de demeurer optimiste.

« Je ne serais pas ici aujourd'hui sans l'appareil ex vivo novateur du Dr Cypel », considère Mme Campbell. « Avant la transplantation, les chirurgiens du RUS avaient dû sectionner les lobes de poumons donnés dans cette machine, car, même si les organes étaient compatibles avec mon organisme, ils étaient trop volumineux pour ma cage thoracique. »

Lorsqu'elle a reçu ces nouveaux poumons en avril 2012, sa capacité respiratoire était rendue à 6 %. Après son rétablissement, elle s'est employée à sensibiliser les gens à la nécessité du don de poumons par des interventions dans les médias sociaux, des entrevues et des discours. Même si le corps de Mme Campbell a fini par rejeter ses nouveaux poumons, elle a eu la chance de recevoir une autre paire de poumons donnés au RUS en septembre 2017. Après sa deuxième convalescence, on lui a remis les clés de la Ville d'Ottawa, qui a nommé une rue en son honneur en reconnaissance de son travail de promotion du don d'organe.

Mme Campbell adore l'équipe du RUS et admire le travail de recherche concerté des Drs Cypel et Andreazza visant à améliorer le sort des futurs greffés.

« C'est tellement excitant! » s'exclame-t-elle. « C'est aussi encourageant de voir que leurs recherches de pointe sur les mitochondries visent à contribuer au succès des transplantations en s'appuyant sur la vigueur des poumons donnés. Ce sont clairement deux chercheurs passionnés qui ont aussi beaucoup de cœur. »

En tant que patiente partenaire de l'Organisation des normes en santé, Mme Campbell travaille maintenant avec des experts et des personnes ayant un vécu pertinent pour établir des normes, des programmes d'évaluation et un niveau de qualité qui auront pour effet d'améliorer les services de santé partout dans le monde.

« Je trouve très valorisant de faire partie de ce partenariat, sachant que mon travail contribuera à améliorer la santé d'autres personnes », confie-t-elle. « Pour moi, c'est tout ce qui compte. »

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