À micro ouvert avec Mike no 9 : Le Dr Michael Hendricks discute du super ver C. elegans
Dans cette édition d’À micro ouvert avec Mike, le Dr Michael Strong s’entretient avec le Dr Michael Hendricks, chercheur à l’Université McGill, qui explore ce qu’un minuscule vers sans os, coeur ni appareil circulatoire peut nous enseigner sur la santé humaine. Le Dr Hendricks explique pourquoi C. elegans est indispensable à la biologie du développement, et nous parle d’un microscope qu’il crée de toute pièce.
Cette vidéo a été tournée en novembre 2019, avant l'éclosion de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre des mesures de distanciation physique.
Écoutez l'entrevue ici ou sur Apple Podcasts, Google Podcasts ou Spotify.
Transcription
Dr Mike Strong : Bonjour et bienvenue à cet épisode d’À micro ouvert avec Mike. Nous sommes à l’Université McGill à Montréal, plus précisément au Cercle universitaire. La décoration et les œuvres d’art aux murs sont sublimes et riches d’histoire. Aujourd’hui, nous rencontrons Michael Hendricks. Ce chercheur de l’Université McGill fait un travail fascinant sur C. elegans. Il nous expliquera de quoi on parle et son utilité en recherche. Sa carrière est brillante, et son enthousiasme pour la science, débordant. Suivez-moi. Tout un échange nous attend!
C’est parti pour À micro ouvert avec Mike. Je suis avec Michael Hendricks. Nous discuterons dans un instant de son parcours et de sa carrière. Mais parlons d’abord de ce lieu unique : la salle Maude-Abbott de l’Université McGill. Dites-nous-en un peu plus.
Dr Michael Hendricks : Oui. Maude Abbott était chercheuse dans le domaine des maladies cardiaques. Elle fait partie des premières femmes à avoir obtenu un baccalauréat à l’Université McGill. Elle y est aussi devenue professeure de médecine. Cette pièce a été nommée en son honneur. Elle est ornée de moulures variées.
Dr Strong : C’est très impressionnant. On raconte qu’elle se faufilait dans la salle à manger des hommes.
Dr Hendricks : Oui. Elle a été l’une des premières femmes acceptées comme membres du club. Mais la ségrégation a pris fin bien après. Maude Abbott a été admise dans les années 1930, mais il a fallu attendre les années 1970 pour qu’hommes et femmes puissent se réunir dans une même section du club.
Dr Strong : Intéressant. Mais revenons à nos moutons. Si je suis ici, c’est pour que nous parlions un peu de vous. Votre histoire est assez particulière, celle de votre arrivée en science.
Dr Hendricks : Ça aura pris quelques détours. J’ai grandi avec un intérêt pour les sciences, entre autres parce que mon père était scientifique. Il travaillait en psychopharmacologie. Dans un sens, mon parcours a fini par se rapprocher du sien, mais les sciences ne m’intéressaient pas tant au début de mon baccalauréat. Je détestais surtout la biologie à cause de mon expérience au secondaire.
Dr Strong : Et pourtant, vous travaillez avec des vers.
Dr Hendricks : Aujourd’hui, oui, mais la biologie n’était pas mon fort. J’aimais la physique et les math. En entrant à l’université, je voulais faire une majeure en anglais et une mineure en musique.
Dr Strong : OK.
Dr Hendricks : C’est intéressant. J’y pensais récemment. Mon père est décédé il y a quelques années. À l’époque, des gens m’avaient avoué que c’est lui qui leur avait transmis l’amour des sciences dans ses cours. J’ai habité avec lui pendant 18 ans sans vouloir devenir scientifique. La magie n’a pas opéré sur moi.
Puis je me suis inscrit à un cours de biologie. Je devais suivre un cours en sciences pour obtenir mon diplôme. Celui-là était destiné aux étudiants hors des disciplines scientifiques. Je l’ai adoré parce qu’on y faisait des activités sur le terrain partout dans le Maine, où j’étudiais. On remontait la côte pour visiter des parcs. J’ai donné une autre chance à la biologie après ça. Quand j’ai suivi un cours en biologie du développement, j’y ai vraiment pris goût. C’était génial.
Dr Strong : Expliquez-moi. Y a-t-il une personne en particulier qui vous a inspiré? Le domaine en général?
Dr Hendricks : J’ai eu un bon professeur. Je crois qu’il s’appelait Keri Phillips. Il a pris sa retraite depuis. Mais c’était le domaine, cette idée de la nature autogénératrice du développement et d’organisation autonome de l’embryon. Comment se créent les axes structurels dans le temps et l’espace, et comment se fait la différenciation cellulaire? Le problème me fascinait.
Dr Strong : Là, on reconnaît quelqu’un qui travaille sur C. elegans, non?
Dr Hendricks : Oui.
Dr Strong : Il s’agit d’un ver, pour les non-initiés. C’est un des plus formidables outils découverts en biologie du développement. Vous êtes arrivé avant ou après la découverte?
Dr Hendricks : J’étudiais au premier cycle avant la grande révolution de l’ARN. C’était plus à la fin des années 1990 environ que Victor Ambros et Cathy Rankin planchaient là-dessus. Mike, vous travaillez avec les microARN, vous le savez.
Dr Strong : D’accord. Mais C. elegans, c’était plus important parce qu’il permettait enfin de suivre la différenciation cellulaire.
Dr Hendricks : Exact. Puis sont arrivés les gènes hétérochroniques qui font partie des premiers microARN découverts. Cela nous a menés à beaucoup de voies apoptotiques programmées. C’est devenu très intéressant pour l’immunothérapie, entre autres.
Dr Strong : J’ai du mal à en parler avec des amis. Quand on m’interroge sur le modèle animal au labo, je parle de mouches. Puis déboulent les blagues classiques sur la façon de les nourrir et tout. Il est difficile d’expliquer comment un modèle si simple peut être si révélateur. Quand les gens vous interrogent sur C. elegans, j’imagine qu’ils n’utilisent pas ce terme. Ils doivent dire : « Vous travaillez avec des vers. » Comment leur expliquez-vous tout ce qu’ils nous apprennent?
Dr Hendricks : Je fais très attention. Ça peut facilement précipiter la fin à l’échange.
Dr Strong : Oui, parfois.
Dr Hendricks : Selon moi, la force de C. elegans – et c’est pourquoi Sydney Brenner l’a choisi – est qu’on peut en énumérer tous les éléments. On peut séquencer le génome et retracer toute la lignée cellulaire. Son développement et son anatomie très stéréotypés en font un système très utile pour détecter les variations génétiques et les influences environnementales. Comme les cellules sont toujours censées se diviser et se différencier exactement de la même façon, on peut, avec une très bonne résolution, chercher la source du problème, le cas échéant. Pour le contrôle en génétique du développement, c’est extrêmement précis.
Dr Strong : Des modifications génétiques sont possibles?
Dr Hendricks : Bien des gènes en cause dans le développement régulent la chronologie de la division cellulaire ou la différenciation en tissus bien précis. En examinant des parties du ver, on voit qu’un organe se compose de 18 cellules, toujours créées de la même façon. Puis, on peut utiliser un microscope optique et voir ce qui cloche au besoin. C’est incroyable.
Dr Strong : Quel est le lien avec votre intérêt pour la psychopharmacologie?
Dr Hendricks : Je ne me suis pas intéressé à C. elegans comme biologiste du développement. En fait, j’adore le poisson-zèbre. Ma thèse de doctorat traitait du guidage axonal chez ce poisson. C’est un système magnifique : l’embryon est transparent et permet de voir les nerfs se former. Je m’intéressais au fonctionnement et au comportement des circuits neuronaux. Avec le poisson-zèbre, ç’aurait été trop compliqué : il a trop de neurones, il va trop vite, il se tortille. Les vers ont 300 neurones, toujours interconnectés de la même façon. C’est le seul animal pour qui on a un schéma complet du système nerveux. Tous ses comportements sont lents. Il rampe et rampe encore. Alors, ces questions sont traitables. C’est bien plus facile d’associer l’activité d’un neurone à un comportement qu’avec un vertébré.
Dr Strong : Les vers seraient-ils doués de sentience?
Dr Hendricks : Selon moi, non. J’étais à un atelier d’été il y a quelques années pour parler de sentience animale. Le but de l’atelier était un peu de présenter tous les points de vue sur le sujet. Des gens y défendaient l’idée d’un certain degré de sentience. La question se pose. Je pense qu’on retrouve chez le ver cet élément quasi essentiel pour qu’un animal soit un organisme doté d’un comportement : les systèmes d’autorégulation. Cette vision est de plus en plus universelle. Toute perception doit être intégrée aux mouvements continus et au comportement. Il faut départager les stimuli liés au comportement de ceux liés au monde extérieur. J’aime bien utiliser l’exemple qu’on ne peut pas se chatouiller soi-même. Le mouvement de la main est anticipé. Mais quelqu’un d’autre peut nous chatouiller. C’est ce qui différencie la réafférence de l’exafférence. Ce qui est curieux, c’est que les personnes schizophrènes sont souvent capables de se chatouiller. Le flou entre réafférence et exafférence semble être un symptôme de schizophrénie. Les hallucinations auditives, la dissociation et les délires de contrôle se rapportent tous à cette incapacité à distinguer l’autostimulation des stimuli externes.
Dr Strong : Comment appliquer cela à la psychopharmacologie?
Dr Hendricks : Bonne question. La schizophrénie est tout un casse-tête. Elle semble impliquer tant de systèmes cérébraux. C’est difficile de savoir par où commencer. Ça va au-delà de mes compétences pharmacologiques.
Mais il y a dans le ver des circuits et systèmes qui font ce type d’opération. Ils suivent les mouvements de l’animal et lui permettent de savoir dans quelle direction il bouge la tête en suivant un stimulus olfactif. Alors, nous pouvons dire d’où vient l’odeur.
Dr Strong : D’accord.
Dr Hendricks : Nous croyons que ce genre de circuits est essentiel aux animaux et que les systèmes sous-jacents sont si basaux qu’ils sont présents dans tout le règne animal – comme les caractéristiques de biologie cellulaire. L’hypothèse reste à confirmer.
Dr Strong : Ça se tient. À vous entendre, et selon les recherches que j’ai faites pour l’entrevue, vous êtes un excellent pédagogue. C’est ce qui ressort. Vous semblez ravi d’expliquer le pourquoi du comment.
Dr Hendricks : Oui. C’est curieux. On s’inquiète toujours de la formation des étudiants des cycles supérieurs et des postdoctorants… de l’approche, des objectifs. Mais personne ne leur apprend vraiment à enseigner. Ils ne sont pas préparés à faire ce travail.
Le rôle d’un chercheur principal n’a rien à voir avec celui d’un étudiant ou d’un postdoctorant. On vous lance dans l’arène. J’étais un peu inquiet, incertain que l’enseignement me plairait, mais j’adore ça. Peut-être parce qu’il faut se creuser la tête pour bien expliquer.
Dr Strong : Enseignez-vous surtout au premier cycle ou aux cycles supérieurs?
Dr Hendricks : Surtout au premier cycle. J’enseignais la biologie du développement. J’adore ça parce que c’est mon sujet préféré. Je ne l’avoue pas souvent, mais je n’ai jamais suivi de cours en neurosciences.
Dr Strong : Le secret est que c’est assez facile.
Dr Hendricks : Oui, mais le développement, non. J’adore enseigner ce sujet, mais je l’ai laissé à un collègue récemment. Je donne des cours de neurobiologie en laboratoire, où nous étudions l’optogénétique et le comportement à partir de larves de mouches à fruits. Il y a un séminaire avancé ouvert aux étudiants des cycles supérieurs.
Dr Strong : Vous arrive-t-il de repenser à votre premier cours en biologie du développement, et au moment où est né votre intérêt? Voyez-vous cette étincelle dans les yeux de vos étudiants?
Dr Hendricks : J’espère bien. Ce domaine est génial parce qu’il englobe presque tout en biologie. Tout ce que peuvent faire les cellules se produit durant le développement, y compris le génome. J’aimerais que les étudiants intéressés par la médecine ou la physiologie apprécient davantage la beauté de ce processus biologique unificateur. Je ne sais pas si j’ai converti un étudiant en anglais ou en musique, mais ce serait chouette.
Dr Strong : Je dois poser la question. Je l’ai appris en préparant l’entrevue. Vous construisez votre propre microscope?
Dr Hendricks : C’est mon projet de congé sabbatique. Nous utilisons souvent l’imagerie calcique pour visualiser les neurones des vers pendant qu’ils agitent la tête ou que nous leur faisons sentir des odeurs. La routine, quoi. L’idéal serait de le faire pendant qu’ils bougent sans contraintes. Alors, nous créons un microscope assez petit pour pouvoir suivre le ver pendant qu’il rampe sur la lame et cibler la tête pour l’imagerie calcique. C’est une partie de plaisir. J’ai beaucoup appris.
Pour un technonul comme moi, c’était impossible avant. Là, il y a tout plein de matériel libre d’accès génial qui montre comment créer un trajet optique. J’ai fabriqué une source optique. Un logiciel prend en charge le suivi automatisé des mouvements du ver. J’arrive à l’utiliser malgré mes aptitudes très limitées en codage. Quel bonheur d’avoir accès à ces ressources!
Dr Strong : C’est le nerd en moi qui parle ici, mais je l’assume. Vous avez votre propre source optique. Quelle est l’influence de la lumière sur le comportement?
Dr Hendricks : Quelle bonne question! Ça change tout. Deux grands outils en neurosciences sont l’imagerie calcique avec GCaMP, qui émet par fluorescence de la lumière verte lorsqu’exposée à une lumière bleue, et l’optogénétique, qui utilise la lumière bleue pour dépolariser les neurones. Les vers détestent la lumière bleue. Ils sont aveugles, pourtant ils la détestent. On ne sait pas trop pourquoi. Elle est aversive de nature. On a donc deux types de contrôles. Il y a les souches mutantes qui y sont insensibles. Et avec l’optogénétique, dans certaines régions, il faut un élément déclencheur chimique, le rétinal tout-trans. Il est présent dans le cerveau des mammifères, mais pas dans celui des invertébrés. On doit l’introduire, puis le retirer. La lumière bleue déclenche alors une réponse intrinsèque.
Dr Strong : C’était ma question de mordu du jour. Vous avez vraiment l’air d’aimer votre travail.
Dr Hendricks : Oui. J’aime les vers. Je vois leurs limites. Et ils ne sont pas aussi beaux qu’un poisson-zèbre.
Dr Strong : Les mouches non plus. Je vous l’assure.
Dr Hendricks : Mais ils ont un grand potentiel. Le nombre de découvertes liées à cet organisme est incroyable. Selon moi, c’est que ce qui est vrai pour tout le règne animal s’observe chez le ver. Tout y est dans ce modèle simplifié, qu’on peut décortiquer.
Dr Strong : En entendant notre discussion, comment se sentirait le Michael de 18 ans?
Dr Hendricks : Je ne sais pas si je serais déçu. J’adorais la littérature anglaise et la musique. J’aime encore la musique. Au début de mes études de premier cycle, je suivais des cours sur la théorie musicale, l’histoire et les classiques anglais. J’ai réalisé que même en étant mélomane – je joue de la musique et j’en écoute –, je ne suis pas un musicien de talent. Je n’ai pas ce don.
Dr Strong : D’accord. On dirait que vous étiez très curieux et ouvert à d’autres horizons.
Dr Hendricks : Oui. Je ne sais pas si c’est dans votre dossier de recherche. Après le bac, j’ai mis mes études sur pause.
Dr Strong : Je n’allais pas en parler, mais allez-y.
Dr Hendricks : J’ai trouvé ma voie sur le tard. Je n’étais pas prêt à faire des études supérieures ni à commencer une carrière. J’ai pris un autre chemin, vous voyez? Il n’était pas lié au milieu universitaire ou scientifique. J’ai déménagé en même temps que des amis à San Francisco. C’était les années 1990. Il suffisait d’avoir un bac et un pouls pour trouver du boulot.
Dr Strong : Je vois.
Dr Hendricks : Je me sens toujours un peu coupable en voyant ce qui attend les nouveaux diplômés sur le marché du travail. Mais c’était une belle époque pour moi. J’ai eu des emplois intéressants. Mais je n’y ai pas trouvé ma vocation.
Dr Strong : Quand je parle avec de jeunes étudiants ou adolescents qui pensent à leur avenir, je vois à quelle vitesse ils feront leur bac. Je m’inquiète pour beaucoup d’entre eux. Ils commencent en se disant : « OK. Je donne un coup pour finir au plus vite. » Ils n’auront pas la même expérience que nous comme étudiants de premier cycle. Pourtant, il n’y a pas de presse. Ils ont le temps. Prenez l’âge de survie médian. Il est autour de 95 ans. Pourquoi se précipiter?
Dr Hendricks : Très juste. Quand j’ai fait mon entrée aux cycles supérieurs, j’étais bien mieux préparé. J’avais la volonté et la détermination requises. J’avais développé mes compétences en méthodes quantitatives et en statistiques entretemps. Je savais quel type de travail faisait mon bonheur. Sans cela, j’aurais probablement douté de mes choix.
Dr Strong : Vous avez des enfants?
Dr Hendricks : Non.
Dr Strong : À l’évidence, votre père a eu une influence. À un certain point, vous vous êtes dit : « Je ne ferai pas ça. » Mais vous y êtes. Qu’est-ce qui a changé? Vous en étiez conscient à l’époque.
Dr Hendricks : C’est très intéressant. Nous en sommes venus à discuter beaucoup plus souvent de science qu’avant. Nos domaines étaient différents, mais assez proches pour que je commence à aller aux réunions de la Society for Neurosciences [Société des neurosciences] quand lui a arrêté.
Dr Strong : À l’époque où il y avait 30 000 personnes?
Dr Hendricks : J’ai passé de merveilleux moments avec lui à parler de science.
Dr Strong : Referiez-vous les mêmes choix?
Dr Hendricks : Je ne sais pas. Les choses ont bien tourné. C’est durant ma « pause » que j’ai rencontré ma femme. J’ai eu de belles expériences de voyage, de vie, avec la musique et mes amis. C’était super.
Dr Strong : Je crois savoir la réponse, mais je pose quand même la question. Projetez-vous dans 5 ou 10 ans. Ensuite, pensez à quand vous serez grisonnant et aurez fait le tour. Vous faites le bilan et vous vous félicitez. Donc, à court terme et à long terme…
Dr Hendricks : Ce que je vais faire? Ou si je pense être satisfait?
Dr Strong : À vous de choisir.
Dr Hendricks : À moyen terme, je suppose que tout dépendra du taux de réussite aux IRSC.
Dr Strong : Bon point. Je comprends.
Dr Hendricks : J’aime avoir un labo. Je n’aspire pas à diriger un immense groupe de recherche. Je doute d’avoir la capacité requise pour bien m’intégrer et gérer ça. Mon équipe actuelle compte six membres. Elle pourrait être encore plus petite.
Dr Strong : D’accord.
Dr Hendricks : Je suis très bien à cette étape de ma carrière. Je pense à la suite. Je ne veux pas travailler jusqu’à ma mort non plus. La retraite viendra. Il n’y a pas que le travail dans la vie. Nous voyageons quand c’est possible. Nous aimons voir d’autres pays. Ce serait bien de reprendre mes passe-temps. J’avais mes habitudes. Mais entre le postdoctorat et la permanence, tout est relégué au second plan à cause du travail.
Dr Strong : Oui, je comprends. La pression est forte à ce moment-là. Votre femme aussi est professeure, n’est-ce pas?
Dr Hendricks : Oui, au Département de géographie. Elle enseigne la géographie humaine. Elle étudie la planification de villes nouvelles au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.
Dr Strong : Ensemble, avez-vous la chance de voyager un peu? D’explorer?
Dr Hendricks : Oui, elle voyage surtout pour visiter des chantiers de construction au beau milieu du désert. On est loin de la destination vacances de rêve. Mais elle m’a emmené aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et dans des régions d’Asie du Sud-Est.
Dr Strong : La vie semble vous gâter.
Dr Hendricks : Nous sommes très heureux. Vous savez, la formation est vraiment très longue dans le milieu universitaire. À voir les choses se placer après tout ce temps, j’ai l’impression de pouvoir me détendre pour la première fois en 10 ans.
Dr Strong : Si vous pouviez – je pose la question à presque tout le monde – voyager dans le temps à n’importe quelle époque, avec qui voudriez-vous parler?
Dr Hendricks : J’ai du mal avec cette question. J’y ai pensé parce que je me doutais qu’elle viendrait. J’ai remarqué qu’admirer le travail d’un scientifique et trouver son discours intéressant n’allait pas toujours…
Dr Strong : …de pair?
Dr Hendricks : Oui. J’aurais peur d’être très déçu. On dit : « Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure en reste aux mains. »
Dr Strong : Je comprends.
Dr Hendricks : Les scientifiques passionnés ne manquent pas. J’aimerais bien parler, par exemple, à Barbara McClintock. Son étude de transposition révolutionnaire sur le maïs est, à mon avis, le plus grand exploit de raisonnement inférentiel en science au 20e siècle. À partir de ses données, elle a compris que les gènes se déplaçaient le long du génome. C’est stupéfiant.
Dr Strong : Je sais de quoi on parle. Mais expliquez-nous. Qu’est-ce qu’il faut retenir des gènes sauteurs? Comment ça fonctionne? C’est si unique.
Dr Hendricks : En fait, des sections du génome, des chromosomes et de l’ADN, peuvent être extraites et copiées ou déplacées vers d’autres sections. Ça s’apparente à une infection virale pour le génome. Il y a des éléments égotistes, mais l’entreprise est collective et mène souvent à une évolution. McClintock étudiait les variations de couleurs des grains de maïs. Ils forment de très jolis motifs héréditaires.
Les épis sont un bon système, car chaque grain est un bébé. On a tout une descendance en un an. On peut examiner la transmission des gènes pour un croisement. En étudiant les motifs héréditaires et en les associant aux chromosomes, elle a deviné ce qui se passait.
Dr Strong : Je suis impressionné. J’en avais entendu parler. C’est la première fois qu’on me l’explique aussi bien. Peut-être qu’à force de répétitions, j’assimile tranquillement. Vous êtes d’une grande aide. Michael, la conversation a été fascinante. J’ai réellement aimé discuter avec vous. Je vous souhaite encore beaucoup de succès.
Dr Hendricks : À vous aussi.
Dr Strong : Merci. C’est ce qui conclut cet épisode d’À micro ouvert avec Mike – et Michael ici. J’espère que nous nous reparlerons. Prenez soin de vous.
- Date de modification :