À micro ouvert avec Mike no 5 : Des parents avisés pour des enfants en santé – Dre Tracie O. Afifi

Après une interruption en raison de la COVID-19, la série À micro ouvert avec Mike est de retour. Dans cette édition, la Dre Tracie O. Afifi, lauréate d'un prix Feuille d'or des IRSC, parle de sa recherche sur les effets à long terme de la maltraitance sur la santé physique et mentale des enfants et de la manière dont ses travaux peuvent aider les parents à modifier leur comportement pour que leurs enfants soient en meilleure santé.

Cette vidéo a été tournée en juin 2019, avant l'éclosion de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre des mesures de distanciation physique.

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Transcription

Dr Mike Strong : Bienvenue à ce nouvel épisode d’À micro ouvert avec Mike. Aujourd’hui, nous sommes dans les bureaux des IRSC, notre camp de base. D’habitude, nous tournons dans un café ou à l’extérieur. Mais aujourd’hui, c’est spécial. Nous rencontrons la lauréate du prix Feuille d’or des IRSC 2018 pour les réalisations remarquables d’un chercheur en début de carrière. Nous allons découvrir le parcours fascinant de cette jeune femme qui fait bouger les choses. Suivez-moi! On va discuter un peu.

Bonjour! Aujourd’hui, À micro ouvert avec Mike, nous parlons avec la Dre Tracie Afifi de l’Université du Manitoba. D’abord, bravo pour votre carrière, qui est déjà une réussite!

Dre Tracie Afifi : Merci.

Dr Strong : Et ça ne fait que commencer! Vous venez de recevoir l’un de nos prix Feuilles d’or en tant que chercheuse en début de carrière. Merci d’avoir accepté de vous entretenir avec nous.

Dre Afifi : C’est une journée merveilleuse pour moi.

Dr Strong : Tant mieux! C’est l’un de nos prix les plus prestigieux. Félicitations! D’habitude, on commence avec le parcours de notre invité. Mais aujourd’hui, j’aimerais qu’on parle tout de suite de votre travail actuel, qui est tellement important, surtout dans l’optique du mandat des IRSC : améliorer la santé des Canadiens. Vous plongez dans le cœur du problème.

Dre Afifi : Oui, c’est un problème très complexe. Mes recherches portent sur la violence envers les enfants, qu’elle soit physique, sexuelle, émotionnelle, qu’on parle d’exposition à la violence conjugale ou bien de la fessée. Depuis le début de ma carrière, je m’intéresse aux répercussions psychologiques et physiques chez les gens qui ont vécu ces formes de violence comme enfant. Ce que nous avons appris, c’est que ces personnes risquent davantage d’avoir des problèmes de santé. Une bonne partie de mon travail consiste à trouver la meilleure manière d’intervenir pour améliorer le pronostic général des victimes, parce que les conséquences de la maltraitance vécue dans l’enfance durent toute la vie.

Dr Strong : Ah oui?

Dre Afifi : Quand je me suis lancée dans ce domaine, il y a 20 ans, au début de ma maîtrise, le discours dominant, c’était : après les traumatismes de l’enfance, on devient un adolescent, puis un adulte, et on passe par-dessus. Comme si c’était une situation ponctuelle qui n’avait pas de répercussions. En fait, nous avons découvert que la maltraitance subie pendant l’enfance peut avoir une incidence pendant toute la vie de la victime, jusqu’à la toute fin. Cela affecte la santé, les relations interpersonnelles, la capacité à avoir du succès à l’école ou au travail. Il peut y avoir des répercussions dans toutes les sphères de la vie des victimes.

Dr Strong : Vous vous êtes beaucoup intéressée à la question de la fessée, parce que c’est le premier degré d’une échelle d’actes violents. Je pense à plusieurs collègues dont les enfants deviennent parents. Nous avons été élevés à une époque où ces questions étaient vues différemment. Mais aujourd’hui, il y a un consensus mondial sur la fessée. Vous avez reconnu qu’il y a des scénarios possibles qui incluent la fessée, mais que l’enjeu, c’était d’empêcher qu’elle ouvre la porte à de plus grands problèmes. On ne peut pas justifier la fessée, mais est-ce qu’on peut établir un seuil au-delà duquel elle pose problème? Ou est-ce que la fessée est toujours problématique?

Dre Afifi : C’est une question très intéressante. Vous avez remarqué qu’en parlant de violence envers les enfants, j’ai inclus la fessée. En soi, c’est déjà une définition controversée. On pourrait me répondre : la fessée n’est pas illégale au Canada, alors il n’y a aucun problème. Ça s’apparente à la discipline, ce n’est pas de la violence. Pourtant, nos recherches ont bel et bien montré que la fessée pose problème. Les données montrent qu’elle a un effet comparable à celui d’expériences de violence physique et émotionnelle. D’un point de vue empirique, c’est la même chose. Et la fessée est aussi associée à des répercussions semblables, mais d’une intensité qui serait moindre. Donc quand on parle d’une échelle de violence envers les enfants, effectivement, la fessée est en bas, en comparaison avec les autres formes de violence. Mais elle a des conséquences.

Ce que nous avons montré en nous appuyant sur différentes données, c’est que la fessée constitue une expérience similaire à celle de la violence physique; c’est pourquoi nous l’incluons dans cette catégorie. Cela dit, nous la considérons encore comme un phénomène à part, parce qu’elle est différente des autres formes de violence envers les enfants. Mais elle fait partie de la même catégorie. En tant que société, nous devons tout faire pour prévenir la violence envers les enfants. Il faut expliquer aux parents le risque associé à la fessée et leur montrer qu’elle peut mener à des formes de violence plus graves. Il y a beaucoup à faire pour aider les parents canadiens à adopter des formes de punition non violentes.

Dr Strong : Je voulais justement vous parler de ça. Vous avez deux enfants, n’est-ce pas?

Dre Afifi : Oui.

Dr Strong : Comment ces constats ont-ils influencé votre manière d’élever vos enfants?

Dre Afifi : Mon mari et moi n’avons jamais utilisé la fessée. Même avant d’avoir des enfants, nous étions d’accord sur le fait que nous n’aurions jamais recours à des punitions physiques. Vous savez, ce n’est pas facile, être parent, mais nous avons utilisé d’autres méthodes pour les encadrer.

Dr Strong : En les envoyant dans leur chambre, par exemple?

Dre Afifi : Même pas! Nous discutons beaucoup avec nos enfants. Souvent, il faut improviser dans le feu de l’action. On n’a pas toujours la bonne réponse, mais il y a beaucoup de dialogues dans notre maison. Comme parents, nous essayons de leur faire voir les conséquences de leurs actions. Le choix des mots est important. Parfois, on entend des gens dire : c’est quoi, la différence entre une conséquence et une punition? Nous ne sommes pas parfaits, mais mon mari et moi, nous essayons d’expliquer à nos enfants en quoi leur comportement est problématique. Pour eux, c’est une occasion d’apprentissage. Et s’il faut une conséquence, nous nous arrangeons pour que ce soit une conséquence qui découle naturellement du problème qu’on essaie de régler.

Dr Strong : Nous savons que le cerveau d’un enfant en développement n’est pas entièrement myélinisé, et que les processus d’inhibition ne sont pas en place avant la mi-vingtaine environ. Alors, dans leurs premières années de développement, les enfants ne sont pas capables de maîtriser les émotions brutes qu’ils ressentent et leurs propres changements de comportement. Imaginons une mère ou un père monoparental dans une situation financière très difficile et dont l’enfant est en pleine crise de colère. Comment réagir?

Dre Afifi : Le but de notre travail, c’est de résoudre ce genre de problème. Nous voulons comprendre quels facteurs de protection influent sur les mauvais pronostics, et pourquoi certaines personnes utilisent les punitions physiques et d’autres, non. Mais la base, c’est que c’est difficile d’élever des enfants. C’est très difficile.

Dr Strong : On n’a pas de deuxième chance.

Dre Afifi : Voilà. Et même si on est bien entouré, qu’on a beaucoup lu sur le développement de l’enfant, c’est quand même une expérience épuisante. Parfois, on ne réagit pas bien quand on est fatigué. Alors, imaginez si vous avez peu de ressources, ou plusieurs enfants, ou si vous êtes une mère monoparentale... Et c’est sans parler des parents qui se font dire que les punitions physiques sont la chose à faire. Selon eux, c’est tout à fait justifié, c’est la solution qui fonctionnera. Notre but, c’est de trouver des solutions de rechange qui sont pratiques. Ça ne sert à rien d’élaborer un programme pédagogique complexe qui ne sera jamais appliqué. Nous voulons plutôt créer un cadre pour les parents qui sera facile à suivre au quotidien. Je veux aussi préciser que je ne pense pas que les parents qui donnent la fessée à leurs enfants sont de mauvais parents. Je pense qu’ils sont probablement de très bons parents qui font ce qu’on leur a dit de faire.

Dr Strong : Ou ils ont grandi dans un milieu où c’était une pratique acceptable.

Dre Afifi : Exactement. Vous savez, c’est une pratique encore très répandue, même si elle l’est moins qu’avant. Je pense que quand j’étais jeune la plupart des enfants se faisaient donner la fessée quand ils se comportaient mal. Nous ne savions pas que c’était nuisible. Je fais souvent le parallèle avec la cigarette. Il y a des décennies, les gens fumaient, et personne n’y voyait de problème. Il a fallu du temps avant que la science nous permette de comprendre que c’était une pratique non seulement nuisible, mais dangereuse pour la santé. On en est là avec la fessée. Nous savons désormais que la fessée augmente les probabilités de mauvais pronostics. La prochaine étape, c’est de comprendre comment faire en sorte que cette pratique soit moins répandue. Comme pour le tabac. Même quand il est devenu évident que la cigarette était mauvaise pour la santé, tous les fumeurs n’ont pas arrêté de fumer. La reconnaissance d’un problème n’entraîne pas sa résolution immédiate. Voilà où nous en sommes avec la fessée. Nous savons qu’elle cause des dommages, mais nous devons fournir aux parents des outils pour remplacer les punitions physiques. C’est comme ça, selon nous, que nous réduirons la probabilité que la fessée devienne le point de départ de sévices plus graves.

Dr Strong : J’aimerais changer de sujet pour parler de quelque chose qui touche à la fois vos recherches et notre travail aux IRSC. Notre mandat d’améliorer la santé des Canadiens découle en grande partie de la Loi sur les IRSC. Vos recherches me semblent porter sur des questions fondamentales, qui sont à la base de nos systèmes d’éducation. Comment passer du laboratoire aux salles de classe pour enseigner dès un jeune âge la bonne manière d’élever des enfants? Comment vos recherches, en particulier, peuvent-elles être utiles en ce sens? Car c’est le but ultime, non?

Dre Afifi : Ça fait partie de nos objectifs à long terme. Nous voulons bien comprendre le lien avec l’école. Mais en ce moment, nous étudions l’influence du système d’éducation sur la résilience des enfants pour comprendre comment ce système peut favoriser un meilleur pronostic pour les enfants. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus. On peut voir l’éducation sous plusieurs points de vue. Notamment, c’est un facteur de protection pour les enfants qui sont dans des situations difficiles. Des recherches montrent par exemple qu’un enfant dans une situation familiale difficile peut bénéficier de ce facteur de protection, qui améliorera son pronostic. Donc s’il aime l’école, s’il sent que ses professeurs l’aiment, s’il apprécie le fait d’avoir de bonnes notes, etc. Nous allons creuser davantage cette question. Lorsque nous aurons mieux compris cette corrélation, nous pourrons concevoir des modèles d’intervention qui feront une place à l’école. Ce que vous me dites amène une autre question : comment éduquer les enfants assez tôt dans leur parcours sur les interactions et les relations, notamment entre parents et enfants?

Dr Strong : C’est un problème important dans les écoles en milieu défavorisé dans les centres-villes : quelles sont les compétences parentales qui sont transmises de génération en génération? Si nous voulons inverser le mouvement, les recherches que vous faites sur ce sujet doivent avoir une incidence concrète.

Dre Afifi : Tout à fait. En ce moment, nous recueillons des données probantes pour façonner nos modèles d’intervention, pour qu’ils ne soient pas désincarnés. Nous voulons que nos interventions aient une assise théorique solide, mais aussi qu’elles soient conformes à la réalité sur le terrain. Ensuite, nous pourrons concevoir des modèles adaptés au monde scolaire, puis évaluer s’ils sont efficaces auprès de certaines populations. Si c’est le cas, il faudra se demander comment on peut adapter ces modèles à une plus grande échelle. C’est notre objectif à long terme.

Dr Strong : Parlons maintenant un peu de votre carrière, et de comment vous en êtes arrivée où vous êtes. C’est une des fonctions premières de ces entretiens. Il y a beaucoup de jeunes et d’étudiants qui me demandent : « Comment on fait pour avoir ce genre de carrière? Quelles sont les premières étapes? » Alors, j’aimerais que vous nous décriviez votre parcours.

Dre Afifi : C’est un parcours particulier. Je n’ai jamais pensé devenir une universitaire ou une chercheuse. En fait, c’est drôle : je suis devenue chercheuse parce que je n’ai jamais voulu d’un vrai emploi. J’aimais beaucoup étudier. Au secondaire, j’adorais les sciences. C’est en sciences que je réussissais le mieux. Alors, en entrant à l’université, je me suis dit que c’est dans ce domaine que j’allais étudier. Au baccalauréat, j’ai étudié en zoologie et en botanique, deux domaines qui n’ont aucun lien avec mon travail aujourd’hui. Mais ça m’a plu. Après avoir obtenu ce diplôme, je n’étais pas prête à quitter l’école. Je n’étais pas prête pour le marché du travail. Alors, je me suis inscrite à la maîtrise en sciences, mais j’ai changé mon champ d’études pour m’intéresser aux enfants.

Dr Strong : Pourquoi?

Dre Afifi : J’ai toujours voulu travailler avec les enfants, même si je n’ai jamais considéré devenir enseignante. Je ne sais pas pourquoi. J’adore les enfants; j’ai tout simplement suivi mes intérêts et ma passion. Au début, c’est plutôt la santé mentale et le développement de l’enfant qui m’intéressaient. À la fin de ma maîtrise, je n’étais toujours pas certaine d’être prête pour le marché du travail. Les quelques emplois qui m’intéressaient n’étaient pas disponibles. Alors, j’ai décidé de prendre une année sabbatique pour y réfléchir. Mais pendant cette année-là, un poste a été affiché : on cherchait un assistant de recherche en psychiatrie à l’Université du Manitoba. J’ai postulé et je suis devenue l’assistante de recherche du Dr Jitender Sareen, qui est aujourd’hui l’un de mes collaborateurs les plus proches. Il en était encore au début de sa carrière de recherche comme médecin spécialisé en psychiatrie. Il tirait ses idées de recherches de son expérience clinique. Il était enthousiaste. Il m’expliquait son idée et me demandait s’il y avait des données qu’on pouvait consulter sur ce sujet-là.

C’était au début des années 2000 : on avait accès à beaucoup de données. De nos jours, les données sont davantage protégées. À l’époque, on pouvait tout simplement les télécharger, du moins c’était le cas de gros échantillons nationaux provenant des États-Unis et des Pays-Bas. Mon travail, c’était de trouver une manière de répondre aux interrogations de Jitender à l’aide de ces bases de données. En parallèle, je suivais encore quelques cours et je me demandais si j’allais poursuivre au doctorat. En participant à ces cours de troisième cycle et en étant plongée dans la recherche au travail, j’en suis venue à la conclusion que c’était la bonne avenue pour moi.

Alors, j’ai persévéré. En un sens, j’ai l’impression de n’avoir jamais quitté l’école. J’ai seulement quitté mon bureau d’étudiante pour aller à l’avant, au tableau.

Dr Strong : Ça m’amène à une question intéressante que les étudiants et les stagiaires me posent souvent. Ils s’intéressent à la recherche clinique, mais se disent : « Tel ou tel champ d’études relève de la médecine ou des sciences infirmières ou de l’ergothérapie, etc. Ce n’est pas vraiment adapté à des recherches de troisième cycle ». À vrai dire, j’entends aussi l’inverse, au sujet de la recherche fondamentale. Pour moi, c’est une évidence : il n’y a pas de frontières en recherche. Comment en êtes-vous venue à ce constat? Vous avez un doctorat et vous faites de la recherche transformative de pointe qui est à la fois clinique et fondamentale. Comment y arrivez-vous?

Dre Afifi : Ça serait impossible si je ne collaborais pas avec des cliniciens. C’est pourquoi je travaille avec la Dre Harriet MacMillan – que vous connaissez, je crois?

Dr Strong : Oui, je connais Harriet. On la salue!

Dre Afifi : Elle a été une mentore incroyable pour moi. Elle est à la fois psychiatre et pédiatre. Son expérience clinique, et l’expertise, la compréhension et la perspective qui viennent avec, me sont essentielles. Je collabore aussi avec Jitender Sareen, qui est psychiatre. Mon travail ne pourrait pas être pertinent, d’un point de vue clinique, sans l’apport de cliniciens. Notre collaboration fonctionne bien parce que je n’ai pas les mêmes compétences qu’eux. Je suis une épidémiologiste de formation. Je travaille à partir des données, qui me permettent de répondre aux questions cliniques de mes collaborateurs. C’est comme ça que j’ai lancé ma carrière : grâce à une collaboration qui me permettait de comprendre quelles questions étaient pertinentes d’un point de vue clinique sans être moi-même une clinicienne. Cela dit, c’est bien sûr un désavantage de ne pas travailler directement dans le domaine qu’on étudie. Mais je crois qu’en étant ouvert à la discussion et à la collaboration avec des cliniciens, on peut accomplir pas mal de travail utile.

Dr Strong : J’entends souvent ça dans mes entrevues : l’importance d’être ouvert à ce qui se présente. C’est ce que vous avez fait. Est-ce qu’il y a quelque chose que vous changeriez à votre parcours?

Dre Afifi : Je ne pense pas. Je ne sais pas. C’est une bonne question. On ne me l’a jamais posée et je n’y ai jamais pensé. Non, je ne changerais rien. J’ai été très chanceuse : les portes se sont ouvertes au bon moment pour moi. Je porte une attention sérieuse aux conseils qu’on me donne, comme ceux de Jitender et d’Harriet, qui sont mes deux grands mentors. Quand je ne sais pas quoi faire, je demande l’avis de plusieurs personnes et j’écoute. Pour l’instant, j’ai l’impression de n’avoir pris aucune décision regrettable.

Dr Strong : Supposons qu’un jeune vous demande des conseils pour se lancer dans une carrière comme la vôtre. Je suis sûr que ça va arriver un jour! Que lui répondriez-vous?

Dre Afifi : Moi, j’adore la recherche. C’est fantastique. Je me sens très privilégiée de pouvoir faire ça comme travail, tous les jours. Mais ça peut aussi être très stressant, parce qu’on dépend du financement. Il y a beaucoup d’excellents chercheurs, et tout autant d’excellentes idées. Si votre idée ne reçoit pas de financement, c’est difficile. Cet aspect est stressant. Alors, mon conseil, c’est qu’il faut être passionné par son sujet de recherche, parce que ce n’est pas un parcours facile. Quand on est passionné, les obstacles sont moins intimidants.

L’idéal, c’est de travailler sur quelque chose qui nous intéresse naturellement, dont on veut absolument tout savoir. Mon deuxième conseil, c’est de s’entourer de mentors, de gens qui ont de l’expérience, comme je disais tout à l’heure. Ils vont vous aider et vous conseiller. Ce n’est pas toujours facile de savoir comment réagir quand on se retrouve dans une situation pour la première fois.

Dr Strong : Il y a une question que je pose à tous les invités. J’essaie toujours de la reformuler pour que les gens ne pensent pas que je radote. Si vous aviez l’occasion de voyager dans le temps pour vous retrouver à l’endroit et à l’époque de votre choix, avec qui aimeriez-vous discuter?

Dre Afifi : Je pense que ce serait avec Murray Straus.

Dr Strong : Intéressant. Pourquoi?

Dre Afifi : Murray Straus était professeur à l’Université du New Hampshire. Il a été un véritable pionnier en recherche sur la violence familiale, sur la fessée et les punitions physiques. C’est lui qui nous a fait prendre conscience dans les années 1970 que la violence dont les gens sont victimes est le plus souvent perpétrée par un membre de leur propre famille. C’est à lui qu’on doit une part importante de la recherche fondamentale sur la fessée, qui a permis de montrer qu’il s’agit d’un évènement traumatisant pour les enfants.

Et il l’a fait il y a des décennies, alors qu’aux États-Unis, au moins 90 % des parents utilisaient la fessée. Il a été très critiqué : les gens disaient qu’il n’y avait pas de problème avec la fessée et que ses conclusions relèvaient davantage de la science et des données. Il a eu beaucoup à faire dans un domaine controversé.

En un sens, elle l’est encore, mais à un moindre degré. Comme chercheuse, quand je parle de la fessée, j’affronte de la résistance. Je trouve que Murray Straus a vraiment été innovateur pour son époque. Il est décédé il y a environ trois ans, après avoir accompli tant de choses. En fait, je l’ai déjà rencontré une fois, à un congrès.

Dr Strong : Ah oui?

Dre Afifi : C’était le genre de personne qui est aimé de tous. Il était gentil et disponible pour tout le monde. C’était il y a plusieurs années : il organisait un congrès à l’Université du New Hampshire, et plutôt que de prévoir un repas dans une salle de conférence ou au restaurant, il invitait tous les participants chez lui.

Dr Strong : Wow! Est-ce qu’il avertissait sa femme?

Dre Afifi : Je ne sais pas! Mais des autobus pleins de gens arrivaient chez lui.

Dr Strong : Je vois!

Dre Afifi : Il connaissait plusieurs de ces personnes, mais il y avait aussi beaucoup d’inconnus comme moi. J’étais étudiante à l’époque, et j’ai eu la chance d’aller chez Murray Straus. Alors je me suis présentée et je lui ai dit bonjour, mais je n’ai jamais eu l’occasion de collaborer avec lui, d’apprendre de lui. Quand on parle avec des gens qui ont eu cette chance, leurs yeux brillent. Je trouve qu’ils sont privilégiés.

Dr Strong : Wow. Quelle belle conclusion! Tracie, ce fut un plaisir. Je vous félicite à nouveau pour votre prix, c’est un grand honneur. Je vous souhaite de poursuivre sur cette lancée! Nous suivrons votre parcours.

Dre Afifi : Merci, c’est gentil.

Dr Strong : Ça fait plaisir. Prenez soin de vous. Voilà qui conclut cet épisode d’À micro ouvert avec Mike. À la prochaine!

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