COVID-19

Solution maison : développement d'un vaccin canadien contre la COVID-19

Dr John Lewis

Comme la plupart d'entre nous, le Dr John Lewis avait d'autres plans pour 2020.

À la fin de 2019, sa société de biotechnologie, Entos Pharmaceuticals, générait beaucoup d'intérêt grâce à Fusogenix, sa plateforme exclusive d'administration de médicaments, qui utilise une nanotechnologie de pointe pour injecter certains médicaments directement dans des cellules cibles, un procédé qui pourrait permettre d'améliorer le traitement des cancers et d'autres maladies chroniques.

Le Dr Lewis, professeur du département d'oncologie expérimentale de l'Université de l'Alberta, en était à établir des partenariats pour stimuler l'intérêt généré par Fusogenix et à élargir son programme de recherche sur les métastases cancéreuses quand la pandémie de COVID-19 est venue bouleverser nos vies.

Sachant qu'ils pouvaient se rendre utiles, son équipe et lui ont ressenti le besoin d'étendre leur champ d'activités.

« Nous savions déjà qu'il serait possible d'utiliser notre plateforme d'administration de médicaments pour développer un vaccin, d'où notre décision de nous concentrer sur la COVID-19, déclare-t-il. Le travail avance à fond de train depuis. »

Depuis des mois, nous fondons tous nos espoirs sur le développement d'un vaccin efficace qui nous aidera à maîtriser la pandémie. La vaccination en soi a pour avantage de déclencher une réponse immunitaire sans provoquer la maladie : le vaccin sert essentiellement d'« avis de recherche » qui prépare le système immunitaire à détecter la présence d'un possible intrus (le pathogène). Il s'apparente aussi à un « aide-mémoire » qui fournit à l'organisme des instructions bien précises pour créer des moyens de défense contre l'intrus, s'il se présente.

Avec un vaccin traditionnel, l'« avis de recherche » ou l'« aide-mémoire » est habituellement généré à partir d'un fragment du pathogène ciblé (ou du pathogène entier rendu inoffensif). En fait, le vaccin contient ce fragment inoffensif, que le système immunitaire diffuse comme mise en garde. L'équipe du Dr Lewis utilise cependant une toute nouvelle approche, la vaccination par ADN. L'effet généré s'apparente davantage à la remise d'un portrait-robot de l'intrus « à la peinture par numéros », sans intermédiaire. Plutôt que de recevoir un véritable fragment du pathogène, les cellules reçoivent le portrait et y ajoutent les détails pour créer elles-mêmes des reproductions inoffensives. L'utilisation de ces dernières pour mettre en garde l'organisme contre les intrus potentiels est un moyen efficace de renforcer ses défenses, un peu comme le ferait un vaccin traditionnel.

La clé du succès avec ce type de vaccin est de trouver un moyen d'assurer l'administration directe de l'ADN dans la cellule hôte. Le portrait-robot « à la peinture par numéros » est créé à l'aide de brins d'ADN correspondant aux fragments du pathogène ciblé (d'où la nomenclature « vaccin à ADN »). Par contre, le vaccin n'est efficace que si la reproduction peut être transmise de façon à ce que les cellules arrivent à accepter la séquence, à la déchiffrer et à y réagir. C'est là qu'entre en jeu la nanotechnologie, plus précisément la plateforme Fusogenix dans le cas de l'équipe du Dr Lewis. Elle permet de faire parvenir l'ADN à l'endroit souhaité sans endommager la cellule hôte en chemin.

De nombreux vaccins à ADN contre la COVID-19 sont en développement au Canada et à l'étranger, ce qui ne surprend pas le Dr Lewis. Il fait remarquer que l'innovation a le vent dans les voiles en ce moment, une bonne nouvelle pour tous. Cela dit, il comprend que le caractère inédit de la technologie et le sentiment d'urgence qui imprègne le milieu de l'innovation puissent provoquer une certaine nervosité.

« La conception et la réalisation de nos vaccins candidats et de nos essais cliniques se font dans les règles de l'art, précise-t-il, soulignant que son équipe ne prend pas de raccourcis ni de risques pour la sécurité en vue d'accélérer le processus. On lit dans les manchettes qu'il faut en général une décennie pour mettre au point un vaccin. Et c'est vrai, mais ça s'explique en partie par la réalisation de certaines étapes une à la fois, alors qu'elles se font aujourd'hui en parallèle. Par exemple, nos essais cliniques de phase 1 et 2 vont se chevaucher, mais nous adaptons les protocoles pour pouvoir tirer les mêmes leçons et apporter les mêmes modifications que si nous les réalisions l'un après l'autre. Nous avons fait le travail préclinique en amont, ce qui nous a permis de sélectionner parmi une liste de 24 prototypes les deux ayant les meilleures chances de succès. Notre travail est toujours très méticuleux. »

L'équipe s'apprête à lancer son essai clinique de phase 1 plus tard ce mois-ci (novembre 2020) au Centre canadien de vaccinologie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, où le premier groupe de volontaires a déjà été recruté. Ces derniers recevront une injection intramusculaire au bras, une pratique de vaccination courante, et feront l'objet d'un suivi serré par la suite. Les données issues des études menées chez les animaux laissent croire au Dr Lewis que l'administration d'une seule dose de vaccin suffira pour générer une réponse immunitaire ciblée et efficace. Si tout se passe bien à la phase 1, la phase 2 sera lancée avant la fin de l'année. L'équipe souhaite poursuivre avec un essai clinique de phase 3 d'ici le printemps (2021).

Les essais cliniques concluants représentent d'importants jalons dans la mise au point d'un vaccin, mais ils n'en sont qu'un volet. Depuis le début du projet, le Dr Lewis et son équipe reconnaissent la nécessité de créer un vaccin contre la COVID-19 viable à la fois sur le plan biologique (sûr et efficace) et sur le plan logistique (distribution, entreposage et administration). Réunir ces deux conditions n'est pas sans difficulté, mais le Dr Lewis croit que son équipe y est arrivée.

« Un bon vaccin doit être très stable pour qu'on puisse l'envoyer partout dans le monde, explique-t-il. Dans certains cas, cette stabilité s'obtient en congelant ou en réfrigérant le vaccin, mais ça se complique quand il faut le distribuer et l'administrer dans des endroits où la capacité de congélation ou de réfrigération est insuffisante. Comme notre vaccin peut être conservé à température ambiante jusqu'à un mois, nous espérons qu'il pourra être utilisé partout au Canada et dans les pays à revenus moyens ou faibles ainsi que dans les régions éloignées. »

La production d'un vaccin efficace, surtout en quantité suffisante pour maîtriser la pandémie, peut aussi être complexe. Mais le Dr Lewis n'est nullement découragé.

« Le plan, c'est de tout faire de A à Z, répond-il simplement. La fabrication d'un vaccin à ADN est très simple et peut donc prendre de l'ampleur rapidement. Nous travaillons avec le Centre de fabrication de thérapie cellulaire (ACTM) de l'Université de l'Alberta pour obtenir les doses qui serviront à nos essais cliniques. Si les travaux sont concluants et que le vaccin est approuvé pour une utilisation à grande échelle, l'ACTM pourra produire un million de doses par jour. Au besoin, il est possible d'augmenter cette capacité à quatre millions de doses par jour. »

L'équipe ne ménage pas les efforts pour établir des partenariats partout dans le monde et soutenir le développement et la distribution éventuelle du vaccin, mais il est évident que ses membres sont fiers de travailler sur une solution canadienne à un problème mondial.

« Nous avons une équipe extraordinaire de chercheurs qui viennent des quatre coins du pays, et je me considère très chanceux de travailler à leurs côtés, précise le Dr Lewis. Si cette collaboration permet aussi de protéger la population canadienne, ce sera très gratifiant. »

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