COVID-19

Prendre soin des soignants : prôner l’ouverture chez les fournisseurs de soins de santé à l’ère de la COVID-19

Dr Robert Maunder

Accablés par la pression énorme de la lutte contre la COVID-19, les fournisseurs de soins de santé canadiens sont au front d’une pandémie inégalée depuis plus d’un siècle. En plus du stress associé à la prestation de soins de haute qualité dans un contexte qui sort de l’ordinaire, ils doivent composer avec le traumatisme découlant de la prise en charge d’un afflux soudain de patients gravement malades (dont certains décéderont sans être accompagnés d’un proche), des pénuries d’équipements, de longues heures qui s’additionnent en journées interminables, et de la crainte perpétuelle de contracter la maladie au travail par une exposition répétée au virus, une véritable épée de Damoclès.

Dans un tel contexte, même avec une résilience hors pair, il est normal de céder à l’usure de compassion, à la détresse, à la colère ou, à la longue, à l’épuisement professionnel. Lorsqu’on s’inquiète de la « capacité » du système de soins de santé à faire face à la crise actuelle, il est important de se rappeler qu’elle ne repose pas que sur le nombre de lits et de respirateurs artificiels disponibles. Il faut également prendre soin des soignants.

Un moment décisif

Compte tenu de l’intensité de la crise, nous nous devons d’avoir en place des programmes de santé mentale et de promotion du bien-être adaptés et efficaces pour soutenir les fournisseurs de soins de santé, surtout en milieu hospitalier.

Le Dr Robert Maunder, chef de la recherche au Département de psychiatrie de l’Hôpital Mount Sinai et professeur de psychiatrie à l’Université de Toronto, désire mettre à profit les leçons tirées de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) au début des années 2000 pour créer un programme de champions du soutien par les pairs.

Par le passé, des études ont mis en évidence les « facteurs de stress aggravants » qui mettent en péril le bien-être personnel et érodent la résilience des fournisseurs de soins, facteurs qui abondent malheureusement durant la crise de la COVID-19. Le Dr Maunder espère donc transformer la prestation de soins psychosociaux à l’ensemble du personnel hospitalier et des travailleurs de la santé, car « le statu quo n’est plus viable ».

Briser le mur du silence

Le projet du Dr Maunder explorera les effets de l’ajout de champions du soutien par les pairs aux ressources proposées au personnel. Formelles ou informelles, les interventions des champions s’appuieront sur le fait que ces personnes (les pairs) partagent et comprennent la réalité de leurs collègues. Les travailleurs de la santé sont généralement connus pour leur réticence à demander ou à accepter de l’aide; l’objectif est donc de recruter des champions qui ont établi la crédibilité et bâti les relations étroites nécessaires pour communiquer de saines stratégies d’adaptation (y compris la prise en compte des besoins personnels), faire preuve de compassion et stimuler la détermination à triompher ensemble de l’adversité. La prise en charge de soi par les travailleurs de la santé et cet appel à l’esprit d’initiative formeront les piliers du soutien par les pairs.

Avec ce projet pilote, le Dr Maunder cherche à donner une voix aux travailleurs qui souffrent en silence – tout en étudiant les bons coups de l’approche et en déterminant les points à améliorer. La mise au point de modèles efficaces, fondés sur des données probantes et pouvant être diffusés dans tout le secteur de la santé sera d’une aide précieuse pour la suite, puisque de tels modèles ont le potentiel d’améliorer les milieux de travail dans les hôpitaux partout au pays.

Même une fois ce dur moment passé, le Dr Maunder considère inconcevable qu’une épreuve mondiale de cette ampleur ne laisse pas sa trace. Plutôt qu’elle laisse de profondes cicatrices, il désire que la pandémie serve de rappel quant à la nécessité d’accorder une attention accrue au stress chronique qui va de pair avec le travail en milieu hospitalier, et d’investir dans des programmes psychosociaux de soutien par les pairs.

La mise en œuvre des changements systémiques requis pour protéger les travailleurs au retour « à la normale » prendra du temps, mais selon le Dr Maunder, « il s’agit d’un marathon, et non d’un sprint ».

« La recherche est souvent vue comme une quête de connaissances sur les maladies principalement axée sur le patient. Je veux rappeler les besoins des fournisseurs de soins de santé, surtout en milieu hospitalier. Même dans les meilleures circonstances, les risques au travail sont élevés, et ils augmentent dans une situation exceptionnelle comme la pandémie de COVID-19. Quand nous ne prenons pas soin des travailleurs de la santé, nous créons un problème qui nuit ultimement aux patients. En cette période décisive, ce financement permettra d’offrir un soutien immédiat et ciblé, qui confirme l’importance d’investir dans les travailleurs de la santé et le personnel hospitalier. »

Dr Robert Maunder
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