S’en tenir aux faits : une chercheuse relativise l’engouement pour la psilocybine

Les données scientifiques se multiplient sur le potentiel thérapeutique de la psychothérapie combinée à des substances psychédéliques, dont la psilocybine, contre divers troubles mentaux ou liés à la consommation de substances psychoactives. Par son soutien financier ciblé, le Canada s’est défini comme un pionnier de la recherche dans le domaine.
Selon la Dre Leah Mayo (en anglais seulement), un tel appui gouvernemental vient asseoir la crédibilité de la science : comme de juste, les chercheurs qui sollicitent des fonds aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) doivent participer à un processus d’évaluation par les pairs on ne peut plus rigoureux.
À titre d’exemple, la chaire de recherche Parker sur les substances psychédéliques, hébergée à l’Université de Calgary (en anglais seulement), dirige l’un des trois essais cliniques en cours sur l’efficacité thérapeutique de la psychothérapie combinée à la psilocybine. Ces projets, financés par une subvention de fonctionnement des IRSC, figurent parmi les premiers travaux de recherche sur la psilocybine menés au Canada avec l’appui du gouvernement fédéral.
« Sur la scène internationale, très peu d’essais cliniques sur les substances psychédéliques reçoivent un soutien financier du gouvernement », mentionne la Dre Mayo.
« Les IRSC ont offert aux chercheurs comme moi une occasion sans précédent. Il a fallu se soumettre à un vaste processus d’évaluation, mais je crois qu’il s’agit d’un pas de géant en faveur de l’excellence scientifique dans le domaine. »
Pharmacologie et psychothérapie : le meilleur des deux mondes
Le projet de la Dre Mayo et de son équipe à l’Université de Calgary traite des effets de la psilocybine sur la thérapie motivationnelle, une méthode éprouvée pour traiter les troubles liés à la consommation d’alcool.
« Nous partons d’une méthode jugée relativement efficace pour traiter les troubles liés à la consommation d’alcool, puis nous cherchons des moyens de l’améliorer. »
Par ailleurs, l’équipe de la Dre Mayo élabore, en collaboration avec le Dr David Hodgins (en anglais seulement) de l’Université de Calgary, un guide de formation en psychothérapie qui repose sur les principes de la thérapie motivationnelle. L’objectif est d’appuyer les professionnels qui offrent des séances de thérapie structurées avant et après la prise de psilocybine.
Ce projet s’inscrit tout naturellement dans le parcours de carrière de la Dre Mayo, qui s’est consacrée à l’étude des effets de différents psychotropes (p. ex. cannabinoïdes, alcool et stimulants) sur le comportement, tant chez des modèles animaux que chez l’humain.
« Je souhaite déterminer s’il est possible d’améliorer les résultats cliniques en mariant la pharmacologie et la psychothérapie. L’objectif de ce type de recherche est de restreindre la période d’intervention tout en produisant des effets durables. Ainsi, les personnes n’auraient pas à vivre continuellement sous médication pendant des mois, voire des années. »
Engouement populaire sous le signe de la prudence
La Dre Mayo fait preuve de prudence au moment de répondre au fort engouement populaire suscité par les éventuels bienfaits de la psilocybine. Elle fait remarquer que son point de vue a récemment été retiré d’un reportage, car elle n’osait pas affirmer avec certitude que les substances psychédéliques sont plus sûres que certains antidépresseurs couramment prescrits.
« En tant que scientifique qui tâche de s’en tenir aux données probantes, je ne corrobore pas l’idée selon laquelle les substances psychédéliques représentent une avancée révolutionnaire qui permettra de guérir toutes les maladies, et cela peut en irriter certains. Il reste bien des questions auxquelles nous n’avons pas encore trouvé la réponse », explique-t-elle.
« Je comprends tout à fait pourquoi les gens sont fâchés. Certains ont dû subir maintes et maintes fois des traitements infructueux, et ils veulent s’accrocher à une lueur d’espoir. Or, notre devoir comme chercheurs est de tempérer nos ardeurs pour laisser la place aux faits. »
Essais cliniques : un mécanisme primordial pour la production de données probantes
Peu importe les conclusions de son projet, il n’y a pas de doute pour la Dre Mayo : les essais cliniques sont cruciaux pour tenir le public informé des répercussions des psychotropes qui piquent la curiosité des gens au pays.
« Si nous conseillons aux gens de soulager leurs maux avec un certain traitement, cette recommandation doit reposer sur des données probantes. Il faut trouver des moyens concrets et précis pour réduire les méfaits des substances psychoactives, et c’est pourquoi nous avons besoin du soutien et du cadre inhérents aux essais cliniques. »
À l’heure actuelle, l’équipe de la Dre Mayo est en processus de recrutement pour poursuivre son projet. Une dernière cohorte de 128 personnes ayant un trouble lié à la consommation d’alcool seront jumelées à des thérapeutes, et les traitements devraient se poursuivre jusqu’en 2026. S’ensuivront les étapes de compilation, d’analyse et de dissémination des résultats.
Pour suivre l’avancement du projet, ou pour vous renseigner sur les essais cliniques axés sur la psilocybine ou d’autres projets de recherche sur la consommation de substances psychoactives financés par l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC, rendez-vous sur la page Web de l’initiative Recherche sur les toxicomanies.
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