Exploration prudente du potentiel de la psilocybine devant l’inconnu

Dans la recherche en santé au Canada, aucun sujet ne suscite plus de curiosité du public que la psilocybine. Malgré un intérêt marqué pour les effets thérapeutiques potentiels de cette substance contrôlée, les données probantes demeurent limitées.
La Dre Sarah Hales (en anglais seulement), psychiatre et clinicienne-chercheuse, étudie ce phénomène au Réseau universitaire de santé. Bien qu’elle trouve cet intérêt collectif fort intéressant, elle y voit aussi une invitation à la réflexion.
« On voit un réel engouement et, à certains égards, c’est formidable, parce que l’on braque les projecteurs sur cette question. Toutefois, un retour du balancier n’est jamais bien loin, et je crois qu’il faut s’attendre à plus de surveillance et de critique de la recherche dans ce domaine », explique-t-elle.
« J’aspire à informer le public sur les avancées de la science à ce sujet pour calmer en partie cet engouement, mais aussi pour parler des possibilités. Je veux replacer la question dans le contexte plus vaste de l’oncologie psychosociale et des interventions existantes fondées sur des données probantes. »
De la recherche au soulagement
La Dre Hales dirige l’un des trois essais cliniques financés par la subvention Psychothérapie combinée à la psilocybine des Instituts de recherche en santé du Canada.
Son projet cible les personnes atteintes d’un cancer avancé. Son équipe étudie la possibilité de combiner la psilocybine et la psychothérapie pour soulager la détresse provoquée par la souffrance physique, les décisions thérapeutiques difficiles, les difficultés sociales, le deuil et la peur de la mort.
« C’est un fait que la psilocybine aplanit les obstacles et amène la personne à réfléchir à ses peurs et à y faire face. Nous espérons pouvoir ainsi aider les gens à composer avec certaines de leurs craintes et à mieux se préparer pour l’avenir. »
Le point de départ : un modèle fondé sur des données probantes
La Dre Hale, dont la carrière est vouée aux approches psychothérapeutiques d’accompagnement en fin de vie, a trouvé chez les psychiatres Emma Hapke et Daniel Rosenbaum un savoir complémentaire puisqu’ils étudient les substances psychédéliques. Les cofondateurs du groupe de recherche sur la psychothérapie combinée à des substances psychédéliques (en anglais seulement) du Réseau universitaire de santé sont aussi cochercheurs principaux du projet.
Le trio a travaillé à l’adaptation des principes de CALM (Managing Cancer and Living Meaningfully) (en anglais seulement), modèle d’intervention éprouvé coélaboré par la Dre Hales, qui a mené à la création d’un modèle propre à la psilocybine : PEARL (Psilocybin-assisted Existential, Attachment and Relational Therapy) (en anglais seulement).
Grâce au modèle PEARL, les personnes atteintes d’un cancer avancé qui éprouvent de la détresse participeront à huit séances de psychothérapie sur plusieurs mois, avec une séance combinée à la psilocybine à mi-parcours. L’échantillon prévu de 46 personnes recrutées sera randomisé; les sujets recevront une forte dose de psilocybine (groupe traité) ou une faible dose (groupe témoin).
« Je connais bien la psychothérapie et la fin de vie, et les Drs Hapke et Rosenbaum connaissent bien les substances psychédéliques. Ensemble, nous avons conçu un modèle d’intervention qui, à mon avis, sera efficace », affirme la Dre Hales.
À la croisée de la science et de la spiritualité
La chercheuse fait remarquer que le modèle CALM déjà en place intègre tout un volet sur le bien-être spirituel et existentiel.
« Pour bien des gens, les questions existentielles qui se posent en fin de vie et devant la mort peuvent causer beaucoup de détresse dans les derniers moments ».
C’est ici que le recours à la psilocybine pourrait s’avérer particulièrement efficace.
« Bon nombre de personnes qui ont recours à la psilocybine disent ressentir un sentiment de transcendance. Cette substance permet peut-être d’explorer plus profondément d’autres dimensions de l’expérience qui seraient plus difficilement accessibles par la psychothérapie seule. »
La prudence est de mise
Le projet est actuellement au stade de l’essai préclinique, qui comprend des essais de faisabilité et la formation des collègues du Centre de cancérologie Princess-Margaret (en anglais seulement) du Réseau universitaire de santé. Jusqu’à présent, « prudence » est le mot d’ordre.
« Nous avons fait face à beaucoup plus d’obstacles que nous l’avions prévu, mais à bien des égards, c’est une bonne chose », soutient la Dre Hales.
« La sécurité est de la plus haute importance et, en fin de compte, la prudence renforcera nos travaux. »
L’approche prudente qui est de mise découle en partie des doses relativement fortes utilisées lors des essais. En effet, les personnes du groupe traité recevront 25 mg de psilocybine de synthèse en une seule séance. Cette posologie a été choisie en fonction des doses qui se sont avérées efficaces lors d’essais cliniques antérieurs.
« L’expérience peut être très positive, mais aussi très difficile, accablante ou effrayante », explique la Dre Hales, un point qu’elle ne manque pas de souligner aux personnes dans le processus de sélection.
« Elles auraient tort de croire qu’il s’agit d’une expérience purement positive; ce ne sont pas des pilules du bonheur. Tout comme la psychothérapie, le traitement vise à créer une occasion pour les personnes d’affronter ce qui est difficile et peut-être douloureux dans l’espoir qu’elles puissent mieux vivre ce qui les attend. »
L’équipe de recherche entend achever les essais de faisabilité et commencer le recrutement en 2026. Les personnes atteintes d’un cancer avancé qui éprouvent de la détresse peuvent se renseigner sur l’admissibilité en communiquant avec la personne-ressource figurant sur la page Web du Réseau universitaire de santé (en anglais seulement).
« J’aimerais pouvoir établir des échéanciers clairs, mais il s’agit d’un essai complexe qui combine une intervention psychologique et un médicament », explique la Dre Hales.
« Les sujets sont souvent très malades et traités contre le cancer. Pour nous, l’important est de mener une étude fiable et de qualité en toute sécurité. »
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