Pôle de l’Ontario de l’ICRIS : Adopter une vision empirique pour les politiques sur les drogues

Le Dr Jürgen Rehm (en anglais seulement) est l’un des principaux experts en politiques en matière de drogues de l’Ontario. Selon lui, la première étape pour opérer des changements réels et positifs dans le domaine est toute simple : il suffit d’avoir la volonté d’essayer.

« Si nous travaillons ensemble en tant que société portée à l’expérimentation, c’est-à-dire une société où les politiques en matière de drogues sont évaluées dans une optique empirique, nous pourrons élaborer pour le Canada de nouvelles politiques qui seront efficaces à long terme », affirme le Dr Rehm, professeur à l’Université de Toronto (en anglais seulement) et scientifique principal à l’Institut de recherche en politiques de santé mentale (en anglais seulement) et à l’Institut de recherche en santé mentale de la famille Campbell (en anglais seulement) du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH).

« J’espère que c’est l’orientation que prendront ces politiques au Canada. La société doit être davantage axée sur l’expérimentation. Il n’est pas rare que nous ne puissions pas déterminer quelle est la meilleure solution entre “x” ou “y”. Par exemple, il ne fait aucun doute que les trousses de naloxone sont efficaces. Toutefois, nous en connaissons bien peu sur la meilleure façon de les distribuer. Et pour beaucoup d’autres politiques, nous en savons encore moins. »

« En raison de ce manque de connaissances, nous devrions évaluer bon nombre de nos interventions et de nos politiques en leur fixant une date de fin, par exemple en nous donnant trois ans pour essayer quelque chose et bien l’évaluer. Ainsi, au bout des trois années, il sera possible de déterminer si la politique a été bénéfique et si elle devrait être adoptée de façon plus générale ou s’il vaut mieux la délaisser et tirer des leçons de l’expérience. »

L’union fait la force

Le Dr Rehm dirige le pôle Ontario (en anglais seulement) de l’Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives (ICRIS; en anglais seulement), un réseau de cinq pôles de recherche financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). En plus de participer à des initiatives pancanadiennes portant sur des enjeux cruciaux comme l’approvisionnement en drogues toxiques, l’équipe du pôle Ontario de l’ICRIS mène aussi des projets essentiels (en anglais seulement) à l’échelle régionale. Parmi ces projets, mentionnons des évaluations de la distribution des trousses de naloxone (en anglais seulement), un examen de la participation aux programmes de traitement du trouble lié à la consommation d’opioïdes dans les établissements correctionnels (en anglais seulement) et une évaluation indépendante (en anglais seulement) de la décriminalisation pendant trois ans de certaines drogues illicites pour un usage personnel en Colombie-Britannique.

L’équipe multidisciplinaire du pôle Ontario de l’ICRIS est composée de centaines de chercheurs, de fournisseurs de services, de responsables des politiques et de personnes ayant une expérience concrète. Le Dr Rehm est particulièrement fier de l’approche communautaire préconisée par son pôle.

« En Ontario, nous nous sommes efforcés d’accroître la participation de tous les milieux, y compris le milieu communautaire. Nous avons mis en place un système dans lequel une grande partie du financement est consacrée à des projets proposés par la collectivité et évalués par un comité constitué principalement de membres du public aux antécédents variés. »

« Les projets doivent être portés par la collectivité et évalués d’une manière qui lui est acceptable, ce qui signifie que les projets sont élaborés par des utilisateurs de drogues et des organisations communautaires militantes, par exemple. Nous sommes très fiers d’avoir établi ce genre de règles, qui font savoir aux gens que nous serons là pour les aider avec les enjeux qu’ils considèrent comme importants. »

Répondre aux besoins de communautés uniques et diversifiées

L’Ontario est une province particulièrement diversifiée, avec de grandes concentrations de gens en milieux urbains et ruraux. Le pôle Ontario de l’ICRIS est situé au CAMH, en plein cœur de Toronto, et bien que la plus grande métropole du Canada demeure une population clé pour l’étude des politiques en matière de drogues, il est important pour le Dr Rehm et son équipe d’adopter une approche panontarienne dans leurs travaux.

« Les problèmes ne sont pas nécessairement les mêmes d’une région à l’autre, explique le Dr Rehm. En ville, les drogues sont moins chères, ce qui crée des dynamiques particulières, tandis que dans le nord de l’Ontario, les infrastructures sont insuffisantes pour aider les personnes qui consomment des drogues. Il manque d’organismes, il manque de psychiatres. Bref, les besoins sont criants. »

Bien que le pôle Ontario de l’ICRIS ait déjà une relation de confiance avec la Thunderbird Partnership Foundation, un réseau de leaders autochtones œuvrant dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie, le Dr Rehm est convaincu que la création prochaine de la plateforme de mobilisation des Autochtones de l’ICRIS aura une incidence encore plus forte sur les communautés rurales et diversifiées.

« Nous serons en mesure de centraliser une partie de notre travail visant les communautés autochtones. C’est un pas dans la bonne direction, car il sera possible d’injecter plus de fonds dans ces initiatives. Et nous espérons que nous parviendrons ainsi à nouer le dialogue avec davantage de ces petites communautés. »

Un avenir prometteur

Fort d’une riche carrière l’ayant amené à étudier des administrations du monde entier, le Dr Rehm demeure optimiste quant à l’orientation que pourraient prendre les politiques en matière de drogues au Canada. Il n’hésite pas à comparer le Canada à certains des pays européens les plus peuplés dans lesquels il a dirigé des recherches.

« Certains pays ont une approche assez bureaucratique. Au Canada, les gens sont plus ouverts et disposés à écouter. »

« Ce n’est pas toujours parfait, mais au moins la porte est ouverte. Il est possible de parler aux ministères et de rencontrer les décisionnaires. On peut essayer de les influencer. Ça ne fonctionnera pas toujours, mais au moins on n’a pas l’impression que tout est coulé dans le béton. Il y a une volonté, une certaine ouverture pour au moins essayer d’écouter les arguments de l’autre, et c’est ce que j’aime du Canada. »

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