Des projets de recherche ciblée pour améliorer les résultats cliniques des femmes présentant une maladie cardiaque ou un accident vasculaire cérébral
Les Instituts de recherche en santé du Canada et Cœur + AVC ont financé des recherches cruciales visant des soins culturellement sûrs et adaptés au sexe

En bref

L'enjeu

Au Canada, les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) figurent parmi les principales causes de décès et d'incapacité chez les femmes, un problème exacerbé par des lacunes au chapitre de la sensibilisation, de la prévention et de la recherche. Les femmes autochtones et racisées présentent un risque encore plus élevé que les femmes allochtones. L'élimination des inégalités entre les sexes et les races passe d'abord par le soutien d'une nouvelle génération de chercheurs qui puissent mettre le doigt sur les facteurs biologiques, sociaux et culturels souvent négligés agissant sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes.

La recherche

Les toutes premières chaires sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes, financées par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), Cœur + AVC et Santé Canada, ouvrent de nouveaux horizons dans l'état des connaissances sur le rôle du sexe, du genre et de l'ethnicité dans les maladies cardiaques et les AVC. Elles ont pour but de mettre au point des interventions qui sauveront des vies et amélioreront la santé des femmes atteintes de ces affections. Deux de ces chaires sont consacrées à l'étude des expériences uniques des femmes autochtones, ainsi que de la force et de la résilience des membres et de leur communauté pour concevoir des solutions adaptées à la culture.

Les retombées

Les résultats des recherches réalisées par les titulaires des chaires ont guidé l'élaboration de soins adaptés au sexe et à la culture.

Au Canada, les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) figurent parmi les principales causes de décès et d'incapacité chez les femmes. Nous en savons peu sur les raisons à la base de ces observations, en partie parce que la sensibilisation, la prévention et la recherche s'avèrent insuffisantes.

En 2018, les IRSC et la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC du Canada (Cœur + AVC) ont uni leurs forces dans l'espoir de combler ces lacunes et d'ainsi mieux comprendre les facteurs biologiques, comportementaux, structurels et sociaux propres aux femmes, qui contribuent au risque accru d'issues cliniques défavorables de maladies cardiovasculaires ou d'AVC dans cette population.

En partenariat avec la Fondation de la recherche en santé du Nouveau-Brunswick, les IRSC et Cœur + AVC ont accordé à quatre chercheurs et chercheuses exceptionnels en début ou en milieu de carrière une chaire sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes. Le financement alloué par les IRSC provenait de l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire (ISCR), de l'Institut de la santé des femmes et des hommes (ISFH) et de l'Institut de la santé des Autochtones (ISA).

En plus de fournir des réponses et des solutions essentielles au problème, ces chaires contribuent à former une nouvelle génération de chercheurs dotés des compétences et des connaissances requises pour mener des recherches indispensables qui feront progresser ce domaine souvent négligé de la science et des soins cliniques.

« Grâce à l'investissement conjoint de notre partenaire de confiance Cœur + AVC, les chaires ont renforcé la capacité et la recherche dans des domaines où des lacunes dans les données probantes avaient été mises en relief. Le programme quinquennal a permis aux IRSC de réaffirmer leur détermination à lutter contre les inégalités en santé chez les femmes, particulièrement chez les femmes autochtones, qui présentent des résultats défavorables en matière de santé cardiovasculaire et vasculaire cérébrale. L'investissement témoigne également d'un engagement soutenu envers les scientifiques en début ou en milieu de carrière, particulièrement ceux qui œuvrent en recherche sur la santé cardiaque et cérébrale », affirme le Dr Brian Rowe, directeur scientifique de l'ISCR des IRSC.

Autrefois, environ les deux tiers de la recherche clinique sur ces maladies portaient sur des hommes, mais cette proportion commence lentement à changer. En 2016, le gouvernement fédéral a promis plus de cinq millions de dollars sur cinq ans pour faire progresser la recherche sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes. Le financement de Cœur + AVC et des instituts des IRSC a permis de soutenir 26 projets de recherche, y compris les quatre chaires financées à hauteur de trois millions de dollars.

« Nous savons que les femmes présentent un risque plus élevé que les hommes de mourir ou de développer une insuffisance cardiaque après un infarctus du myocarde et de souffrir inutilement, simplement parce que nous ne connaissons pas suffisamment bien les différences entre le cœur et le cerveau des femmes et des hommes », explique Mme Christine Faubert, Ph. D., directrice de l'équité en santé et des retombées, à Cœur + AVC.

La plupart des Canadiennes présentent au moins un facteur de risque de maladie cardiaque ou d'AVC à différents stades de leur vie. Parmi les causes, notons l'œstrogène contenu dans les contraceptifs oraux, les affections associées à la grossesse (hypertension, diabète gestationnel) et la ménopause. Pourtant, nombre de femmes ne sont pas informées de ces risques et ne savent pas reconnaître les symptômes suffisamment tôt pour améliorer les résultats cliniques. De plus, les signes précurseurs échappent à de nombreux médecins.

« En l'absence d'études supplémentaires sur les symptômes de maladie cardiaque et d'AVC propres aux femmes, il est difficile pour les professionnels de la santé de les détecter et de les prendre en charge, et donc d'améliorer les résultats cliniques », ajoute Mme Faubert.

L'établissement des nouvelles chaires de recherche constituait une étape cruciale pour corriger certaines disparités historiques et difficultés d'accès aux soins vécues par les femmes au Canada. Ainsi, plusieurs facteurs sociaux et culturels comme la race, l'ethnicité, le statut socioéconomique, le niveau de scolarité, l'orientation sexuelle et le lieu de résidence peuvent accroître le risque de maladie, de même que créer des obstacles aux soins et au soutien. Les femmes autochtones sont particulièrement touchées : elles présentent deux fois plus de risques que les femmes allochtones de succomber à une maladie cardiaque ou à un AVC.

Les résultats des recherches réalisées par les titulaires des chaires ont guidé l'élaboration de soins adaptés au sexe et à la culture. Cœur + AVC et les IRSC utiliseront tous deux les résultats générés par ces chaires pour orienter les recherches, les programmes d'éducation et de sensibilisation de même que les politiques et l'action en faveur de meilleurs soins cliniques pour les femmes.

« Nous rechercherons également les occasions de tirer profit des systèmes de connaissances occidentaux et autochtones pour combler certaines lacunes dans la promotion de la santé, les traitements et la recherche qui ont une incidence sur les femmes autochtones », conclut Mme Faubert.

Chaires sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes pour chercheurs en début de carrière

Redécouvrir le potentiel de guérison de la culture métisse

Dre Heather Foulds, professeure agrégée, Collège de kinésiologie, Université de la Saskatchewan; codirectrice scientifique du Réseau de recherche sur la santé et le bien-être des Métis aen mamawii kiiayaahk (Guérir ensemble)

La Dre Heather Foulds tente de découvrir pourquoi les avancées récentes dans le traitement des maladies cardiaques et des AVC ne sont pas aussi efficaces chez les Autochtones, particulièrement les femmes. La chercheuse-boursière d'origine métisse étudie les facteurs sociaux et culturels pour trouver des réponses et des solutions.

« Notre angle mort, c'est le lien avec la communauté et avec la culture, des éléments importants de la vision autochtone, » explique la Dre Foulds.

Appuyée par une équipe de conseillers de communautés autochtones, d'étudiants et d'assistants de recherche, la Dre Foulds étudie les risques de maladie cardiaque et d'AVC autres que les facteurs habituels comme le cholestérol, la glycémie et l'obésité. Elle a ainsi découvert que d'autres facteurs, comme le temps passé sur les terres, le soutien de la communauté et les aliments traditionnels, peuvent favoriser la pratique d'activités physiques et un mode de vie plus sain.

« Le besoin de réintégrer les terres est souvent évoqué pour aider à diminuer le stress et à se ressourcer, » ajoute-t-elle.

Les pratiques culturelles offrent aussi des solutions potentielles. Dans un projet connexe, la Dre Foulds a observé non seulement que la danse traditionnelle métisse offre un bon entraînement cardiovasculaire, mais qu'elle renforce également les liens avec la communauté et la culture.

Elle attribue le renforcement des capacités dans ce domaine négligé de la recherche à l'attribution de la chaire. Elle a d'ailleurs obtenu sa titularisation et une promotion à l'université l'année dernière, soit « un an plus tôt que prévu ». Elle a aussi intensifié sa collaboration avec d'autres organismes, dont l'Environnement réseau pour la recherche sur la santé des Autochtones et l'Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes.

« Peu d'entre nous étudient la santé des femmes autochtones; il est donc intéressant de pouvoir ajouter un morceau au casse-tête de la santé des femmes. »

Former les médecins selon une méthode adaptée à la culture

Dre Bernice Downey, professeure adjointe, École des sciences infirmières; doyenne associée à la santé autochtone, Université McMaster

La vaine souffrance, voire le décès d'un énième Autochtone en raison du racisme et de la discrimination dans le système de soins de santé canadien est une manchette beaucoup trop fréquente.

« Tenir le personnel soignant pour responsable ne réglera cependant pas le problème », prévient la Dre Bernice Downey. Elle pointe plutôt du doigt le manque d'éducation et de formation des professionnels de la santé travaillant auprès des femmes autochtones, qui les empêche d'aider ces femmes d'une manière culturellement sûre et propice à l'établissement de relations de confiance pour, ultimement, améliorer les résultats cliniques.

« Je vois un grand nombre de professionnels de la santé qui veulent aider, sans toutefois savoir comment », poursuit la Dre Downey, anthropologue médicale et ancienne infirmière autorisée d'origine ojibwée et celte.

Pour pallier cette lacune, il faut d'abord étudier la façon dont les facteurs comme les traumatismes, le stress et le deuil, de même que les rôles de genre, les relations et les interactions avec le système de santé contribuent aux maladies cardiovasculaires et aux AVC. C'est lors de cercles de narration composés de femmes autochtones, de leurs familles et des membres de la communauté que la Dre Downey a directement pris connaissance de ces facteurs de risque.

L'étape suivante est de concevoir un programme de formation destiné aux professionnels de la santé et axé sur les besoins des femmes autochtones. La formation puisera dans les systèmes de connaissances occidentaux et autochtones pour favoriser de meilleures relations entre les femmes autochtones et leurs soignants. On s'attend à ce que ce programme donne aux femmes autochtones les moyens de gérer elles-mêmes leur maladie cardiaque ou leurs facteurs de risque.

« L'approche que nous préconisons pourrait aussi potentiellement guider les soins pour d'autres maladies chroniques comme le diabète », précise la Dre Downey, qui dirige une équipe de recherche comprenant deux étudiants diplômés, dont une personne autochtone.

« Cette chaire m'a permis d'aborder des questions et des dilemmes qui m'ont suivie pendant toute ma carrière en soins infirmiers, ajoute la Dre Downey. J'ai maintenant l'occasion de militer pour une démarche harmonisée en soins de santé et de présenter la preuve qu'elle fonctionne pour notre population. »

De nouvelles analyses sanguines pour détecter les risques de maladie cardiaque découlant d'un traitement du cancer

Dr Husam Abdel-Qadir, professeur adjoint de médecine, Université de Toronto; scientifique, Institut de recherche de l'Hôpital Women's College et Ted Rogers Centre for Heart Research

Si le nombre de survivants du cancer n'a jamais été aussi élevé, certains vivent malheureusement avec les séquelles de nombreux traitements pourtant salvateurs. C'est le cas de certaines femmes dont le cœur est affaibli à la suite d'un cancer.

Dans le cadre d'un projet unique en son genre auquel participent 300 femmes recevant une chimiothérapie pour un cancer du sein, le Dr Husam Abdel-Qadir étudie la possibilité que certaines analyses sanguines puissent dépister les femmes particulièrement susceptibles de développer une maladie cardiaque.

« Nous n'avons absolument aucun moyen de déterminer qui subira cet effet; le mystère demeure entier pour nous, » se désole le Dr Abdel-Qadir, cardiologue à l'Hôpital Women's College de Toronto.

La chimiothérapie n'est pas le seul facteur de risque étudié. Des données seront également recueillies sur le stress mental et émotionnel vécu par les patientes tout au long du traitement contre le cancer, de même que sur leur niveau d'activité physique et leur alimentation.

Le chercheur s'intéresse aussi au « chimio-cerveau », ou dysfonction cognitive que certains survivants du cancer éprouvent à la suite d'un traitement.

« Les cardiologues savent que d'autres types de dysfonction cognitive peuvent être liés à certaines formes de cardiopathie, particulièrement la fibrillation auriculaire. J'espère découvrir si les survivantes qui ont ces troubles de concentration sont plus susceptibles de présenter des problèmes cardiaques », poursuit le Dr Abdel-Qadir.

Des échantillons sanguins seront recueillis avant et après le traitement pour y chercher des marqueurs biologiques qui permettraient de repérer les femmes les plus à risque.

« Avec cette information en main, nous pourrons envisager de modifier leur plan de traitement, de leur prescrire des médicaments pour protéger le cœur des effets de la chimiothérapie et de les surveiller plus étroitement au fil du temps. »

Le Dr Abdel-Qadir attribue les progrès qu'il a réalisés dans ce domaine important de la recherche à l'obtention de la chaire. « C'est ce qui m'a permis d'obtenir un appui salarial, de même que de poursuivre des recherches connexes, notamment sur le lien entre la fibrillation auriculaire et d'autres aspects de la santé. J'ai ainsi pu acquérir la crédibilité indispensable à l'obtention de la reconnaissance et du financement nécessaires pour explorer ces nouvelles frontières de la recherche. »

Réduire le risque de crise cardiaque et d'AVC après la grossesse

Dre Kara Nerenberg, professeure agrégée, Université de Calgary et Libin Cardiovascular Institute

Un nouveau réseau national met en place des pratiques cliniques qui pourraient presque éliminer le risque de maladie cardiovasculaire chez les nouvelles mères atteintes d'hypertension plus tard.

Au Canada, de 15 à 20 % des grossesses entraînent des affections courantes qui accroissent le risque de maladie cardiaque et d'AVC prématurés, notamment la prééclampsie, l'hypertension de grossesse, le diabète gestationnel et la naissance prématurée.

« Environ 20 % des Canadiennes développent pendant leur grossesse différentes maladies associées à une hausse du risque cardiovasculaire futur, explique la Dre Kara Nerenberg. Il nous faut de meilleurs outils pour repérer et gérer ces femmes. »

La Dre Nerenberg a déjà réalisé des progrès importants non seulement à cet égard, mais aussi pour déterminer comment les professionnels de la santé peuvent offrir les soins le plus efficacement possible.

Elle a aidé à établir le Canadian Post-Pregnancy Clinical Network, un réseau qui relie plus de 20 cliniques de prévention de la dépression post-partum des quatre coins du pays. Le groupe a élaboré des pratiques exemplaires pouvant réduire d'autant que 90 % le risque de développer une maladie cardiovasculaire après la grossesse.

LL’étape suivante est de veiller à ce que ces pratiques se rendent jusqu’au plus grand nombre de femmes possible, en les mettant en œuvre dans les soins primaires, les soins spécialisés, et d’autres possibilités dans les systèmes de santé, comme les pharmacies locales, la santé publique et les programmes de vaccination des nourrissons.

« La grande majorité des femmes au Canada ne reçoivent aucune éducation sur la prise en charge des risques accrus qu'elles courent découlant de ces affections durant leur grossesse. Nous espérons que nos lignes directrices permettront de normaliser les soins partout au pays. »

La Dre Nerenberg estime que la chaire a été pour elle un atout majeur qui l'a aidée à obtenir une promotion au titre de professeure agrégée et du financement supplémentaire pour ses recherches. Elle lui a aussi permis d'embaucher plusieurs stagiaires, essentiels au renforcement des capacités dans ce domaine émergent.

« Ensemble, nous avons relevé les lacunes et établi des stratégies pour mettre en œuvre, à de multiples niveaux, des soins cliniques qui aideront les jeunes mères à risque. »

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