Une découverte fortuite qui pourrait améliorer la qualité de vie des personnes diabétiques

À chaque blessure, qu’il s’agisse d’une simple coupure, d’une éraflure au genou ou d’un grave accident de voiture, des billions de cellules du corps humain travaillent ensemble pour favoriser la guérison. Mais pour les personnes atteintes d’une maladie chronique comme le diabète de type 2, ce processus de guérison ne se fait pas si facilement.

« La plupart du temps, chez les sujets jeunes, actifs et en bonne santé, les tissus du corps peuvent se réparer ou se régénérer très rapidement et facilement après une blessure, explique le Dr Adam Johnston, chercheur principal du laboratoire Johnston (en anglais seulement). Par exemple, si vous vous coupez le doigt, il peut saigner pendant un moment, puis commencer à se cicatriser, et enfin guérir jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une petite cicatrice. Mais pour les personnes atteintes d’une maladie chronique comme le diabète de type 2, ce n’est malheureusement pas le cas. »

Le diabète de type 2 est une maladie complexe qui survient lorsque l’organisme ne parvient pas à produire suffisamment d’insuline (une hormone qui aide à contrôler la glycémie) ou n’utilise pas correctement l’insuline qu’il produit. Les personnes diabétiques présentent donc souvent une glycémie plus élevée, ce qui peut mener à des risques de complications graves pour la santé, comme un accident vasculaire cérébral, une crise cardiaque, une maladie cardiovasculaire, un dysfonctionnement cognitif ou moteur, etc.

« Le diabète de type 2 touche plus de 3 millions de personnes au Canada et est ce qu’on appelle un “dysfonctionnement multisystémique”, explique le Dr Johnston. On peut en conclure qu’il affecte presque tous les systèmes du corps, du système nerveux au système immunitaire en passant par le système cardiovasculaire. Lorsque nous nous remettons d’une blessure, tous ces systèmes doivent travailler ensemble pour aider nos tissus à se réparer, mais si l’un d’entre eux ne fonctionne pas ou n’est pas au mieux de ses capacités, ce qui est souvent le cas pour les personnes diabétiques, il est alors très difficile de guérir de blessures, même mineures. »

Comprendre les risques pour la santé et y remédier

L’une des principales complications associées au diabète est donc le développement de plaies qui ne guérissent pas ou qui réapparaissent sans cesse, appelées plaies chroniques. Par exemple, les personnes atteintes de diabète de type 2 peuvent développer des plaies de pression si elles restent trop longtemps assises ou debout. Ces plaies endommagent la peau et les tissus sous-jacents et provoquent une décoloration de la peau, une inflammation et une douleur intense. Si elles ne guérissent pas au fil du temps, elles risquent de s’infecter, ce qui peut mener à une amputation.

« Les plaies chroniques sont la première cause d’amputation au Canada, autres que des lésions traumatiques comme celles subies dans un accident de voiture, et coûtent chaque année à notre système de santé quelque 500 millions de dollars, explique le Dr Johnston. De plus, les taux de mortalité après cinq ans chez les personnes qui subissent une amputation sont extrêmement élevés, parfois plus de 50 % : les risques que les patients ne survivent pas plus de cinq ans après leur chirurgie sont donc élevés. »

Ces statistiques ont interpelé le Dr Johnston.

« Nous ignorons pourquoi les tissus perdent leur capacité de cicatrisation et de régénération chez les gens atteints d’une maladie chronique comme le diabète de type 2, explique le Dr Johnston. Voilà pourquoi nous devons poursuivre nos recherches pour mieux comprendre la biologie humaine et trouver des réponses à cette question. En fait, c’est ce que mon équipe et moi souhaitons faire : trouver des réponses qui, à terme, permettront d’améliorer et d’accélérer la guérison des plaies chroniques pour ainsi améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de diabète de type 2. »

Explorer le pouvoir des cellules de Schwann

Dans le cadre de ses travaux, le Dr Johnston explore le potentiel d’un type particulier de cellules, appelées cellules de Schwann, pour aider à accélérer le processus de guérison des plaies chroniques.

« Règle générale, les cellules de Schwann se trouvent partout dans le système nerveux périphérique et agissent essentiellement comme des “cellules auxiliaires” pour les nerfs, explique-t-il. Nous avons des milliards de cellules nerveuses qui nous aident à marcher, parler et bouger. Mais lorsque nous perforons ou blessons notre peau, nous blessons aussi les cellules nerveuses sous-jacentes. C’est là où les cellules de Schwann entrent en jeu. Lorsque les nerfs sont lésés, les cellules de Schwann sécrètent des facteurs qui aident le nerf à se réparer. »

Pendant de nombreuses années, on a cru que les cellules de Schwann favorisaient la guérison des cellules nerveuses seulement et qu’elles n’influençaient pas celle des cellules dermiques (ou cellules de la peau). Mais en 2016, alors qu’il terminait son stage postdoctoral, le Dr Johnston a découvert que ces cellules puissantes recelaient peut-être plus de pouvoir que les scientifiques ne leur attribuaient au départ.

« À l’époque, j’effectuais des recherches sur des souris pour étudier la fonction des différents types de cellules dermiques dans la régénération de la peau, explique-t-il. Mais dans ces expériences, nous avons remarqué que lorsque la peau et, par extension, les nerfs des souris étaient lésés, certaines cellules de Schwann sortaient des cellules nerveuses et se combinaient aux cellules dermiques pour aider la peau à se réparer. Elles jouaient en quelque sorte deux rôles de guérison à la fois. »

Avant la découverte du Dr Johnston, ce phénomène n’était pas connu auparavant; un phénomène qui laisse entendre que les cellules de Schwann pourraient contribuer non seulement à la guérison des nerfs, mais aussi à la récupération des cellules de la peau et à la réparation des tissus.

« En recherche, il est souvent question de sérendipité ou de fortuit, dit le Dr Johnston. À l’époque, nos recherches visaient à trouver des réponses à une question tout autre; ce sujet n’était pas du tout dans notre ligne de mire. Mais cette recherche fondamentale a fini par faire boule de neige et m’a mené là où je suis aujourd’hui. »

Trouver des traitements pour améliorer la qualité de vie des patients

Plus de six ans plus tard, le Dr Johnston et son équipe misent sur cette découverte pour comprendre si les cellules de Schwann peuvent jouer un rôle dans la guérison des plaies chroniques et comment elle pourrait mener à un traitement pour les personnes atteintes de diabète de type 2.

« Nous en sommes actuellement à la recherche préclinique, ce qui signifie que nous ne sommes pas encore au stade où nous pouvons effectuer des tests sur des humains en toute sécurité, explique le Dr Johnston. À terme, nous espérons toutefois trouver des réponses qui pourraient déboucher sur des applications et des traitements concrets pour l’humain. »

Pour leurs recherches actuelles, le Dr Johnston et son équipe utilisent des modèles murins atteints du diabète de type 2 depuis l’âge de quatre semaines seulement. En lésant la peau des souris, l’équipe peut observer le processus et la vitesse de guérison des cellules de la peau, ainsi que l’aspect d’ensemble de la guérison au fil du temps, depuis la blessure jusqu’au rétablissement complet. Ils examinent aussi de près le rôle des cellules de Schwann durant ce processus et cherchent à savoir si la transplantation de cellules de Schwann saines dans les cellules de la peau des souris pourrait contribuer à accélérer le rétablissement.

Le Dr Johnston espère que ces travaux permettront d’approfondir notre compréhension collective des cellules de Schwann et de la biologie des cellules de la peau, ce qui pourrait enfin mener à la mise au point d’un traitement pour les plaies chroniques.

« Dans la science fondamentale, il faut toujours garder à l’esprit la notion “du laboratoire au chevet du patient”, explique-t-il. Autrement dit, nous voulons savoir comment le travail que nous effectuons en laboratoire aidera les patients dans le monde réel. Nous devrons donc souvent collaborer avec des experts d’autres disciplines, comme la bio-ingénierie et la recherche clinique, afin de nous assurer que notre travail peut véritablement changer le cours des choses. Après tout, le diabète de type 2 est une maladie complexe qui bouleverse la vie des personnes atteintes, et la recherche de traitements nécessitera une approche interdisciplinaire. Mon travail ne forme qu’une pièce du grand puzzle, mais avec le temps, j’espère qu’il jettera les bases pour trouver des solutions qui amélioreront la qualité de vie de tous les Canadiens et Canadiennes diabétiques. »

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