Équipe des IRSC sur la mise en place d’un système de traumatologie au Canada : surmonter les défis de la géographie par une évaluation de la structure et du processus
Chercheurs principaux : Nathens, Avery B; Gagliardi, Anna R; Pong, Raymond W; Rubenfeld, Gordon; Schuurman, Nadine C
Hôpital St. Michael's, Toronto (Ontario)
Chaque année, environ 15 000 Canadiens meurent des suites de blessures et plus de 225 000 sont hospitalisés. Bien que les stratégies de prévention des blessures jouent un rôle important pour réduire le fardeau des blessures, les soins reçus par les patients peuvent avoir une influence considérable sur leurs chances de survie. En fait, lorsqu’un patient blessé est transporté directement vers un centre de traumatologie désigné, même si cela implique de contourner un centre hospitalier situé plus près, ses chances de survie font un bond impressionnant de 25 %.
Ces centres de traumatologie, qui sont ouverts 24 heures sur 24 et sont dotés d’un personnel hautement spécialisé ainsi que des appareils de diagnostic perfectionnés, ne sont pas présents dans tous les hôpitaux. En Ontario, par exemple, seuls 11 hôpitaux (sur plus de 150) comptent un centre de traumatologie. Cela signifie que le personnel paramédical qui arrive sur les lieux d’un accident, par exemple, doit évaluer la gravité des blessures d’un patient et déterminer si la meilleure option est l’hôpital le plus proche ou un hôpital doté d’un centre de traumatologie.
Malheureusement, les patients ayant besoin de soins de traumatologie n’ont pas toujours accès à une équipe. L’équipe des IRSC sur la mise en place d’un système de traumatologie au Canada (équipe des IRSC) a effectué une étude en Ontario et a constaté que les personnes âgées et les femmes victimes de blessures graves étaient moins susceptibles d’être transportées vers des centres de traumatologie.
« Si on examine les données sur les patients ayant subi des blessures graves dans un accident de la route, 25 % n’ont jamais reçu de soins dans un centre de traumatologie, mais les différences les plus frappantes sont observées chez les personnes âgées », explique le Dr Avery Nathens, chercheur principal à l’Institut de recherche Sunnybrook, à Toronto, et chef de l’équipe des IRSC. « Nous nous sommes donc prononcés fermement en faveur de modifications aux critères de triage sur place des cas de traumatismes, soit un ensemble de critères utilisés par le personnel paramédical pour déterminer si les patients doivent être transportés directement à un centre de traumatologie. Au terme d’une étroite collaboration avec nos partenaires des services médicaux d’urgence et avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, nous sommes fiers d’annoncer que la province de l’Ontario a mis en place les plus récents critères fondés sur des données probantes dès le début de l’année 2015. »
Le Dr Nathens et son équipe désiraient combler cette lacune dans les soins au moyen d’un deuxième mécanisme, en ciblant les hôpitaux qui ne sont pas des centres de traumatologie désignés. Dans ces hôpitaux, c’est à l’urgentologue que revient la décision de transférer le patient.
« Puisque les distances sont considérables dans la province, nous reconnaissons qu’un grand nombre de patients seront d’abord transportés à un hôpital local, en particulier en milieu rural », ajoute-t-il. « Pour surmonter les obstacles au transfert des patients vers des centres de traumatologie, nous avons mis en place des lignes directrices de traumatologie spéciales pour aider les professionnels de la santé au sein des établissements qui ne sont pas des centres de traumatologie à déterminer dans quelles situations communiquer avec CritiCall Ontario [un service d’aiguillage des cas d’urgence fonctionnant 24 heures sur 24 et s’adressant aux médecins en milieu hospitalier en Ontario]. »
Toutefois, même quand les questions liées au sexe et à l’âge sont résolues, la réalité est que les Canadiens n’ont pas tous des chances égales d’obtenir des soins de traumatologie spécialisés.
« Nous vivons dans un pays peu peuplé et les distances entre les centres de traumatologie sont grandes », explique le Dr Nathens. « Seuls 69 % des Canadiens habitent à moins d’une heure de route d’un centre de traumatologie. Cette distance varie également d’une province à l’autre, ce qui veut dire que les systèmes doivent prendre en compte la géographie locale et la répartition de la population pour s’assurer que leurs populations sont bien desservies. »
Pour surmonter ces défis, l’équipe des IRSC souhaite la création d’un système plus inclusif, où un grand nombre d’hôpitaux participeraient au système de traumatologie (au moins dans la mesure où leurs ressources le permettent). À l’heure actuelle, les centres de traumatologie sont conçus comme des centres de niveau 1 ou 2, ce qui signifie qu’ils ne soignent que les blessés graves. Dans un grand nombre de provinces, il s’agit de la seule désignation, c.-à-d. qu’un hôpital sera désigné comme centre de traumatologie ou entièrement exclu du système de traumatologie. Dans les provinces qui utilisent un système plus inclusif, toutefois, les autres hôpitaux sont désignés comme des centres de traumatologie de niveau 3 ou 4. Selon le Dr Nathens, ces autres centres désignés pourraient améliorer les soins de santé.
« Bien que ces hôpitaux [de niveaux 3 et 4] ne possèdent pas l’expertise requise pour prendre soin de chaque patient, ils jouent un rôle important dans l’évaluation initiale qualifiée et la prise en charge des blessés graves, avant de les transférer vers des établissements de niveau de soins plus élevé », explique-t-il. « Parallèlement, leur expertise leur permet de maintenir dans la communauté un plus grand nombre de patients qui peuvent obtenir des services localement. Les systèmes inclusifs regroupent un plus grand nombre d’hôpitaux et comblent des lacunes importantes dans l’accès aux soins. Ils créent également des communautés de pratique selon un modèle en étoile, où les centres de traumatologie de niveau 1 ou 2 sont au centre et les centres de niveau 3 ou 4, en périphérie. Dans ce modèle, les obstacles au transfert sont réduits, et les fournisseurs qui pourraient ne voir que quelques cas de blessures graves par an bénéficient d’un accès facile à la formation. »
Pour le Dr Nathens et l’équipe des IRSC, il s’agit d’une période excitante pour mener cette recherche. « Chacune de nos recherches constitue un morceau du casse-tête, ce qui nous permet de mieux comprendre quelles sont les lacunes dans les soins de traumatologie », note-t-il.
Grâce à l’excellente relation de l’équipe avec les Services ontariens des soins aux malades en phase critique (rattachés au ministère de la Santé et des Soins de longue durée) et d’un groupe très engagé d’hôpitaux et de fournisseurs de services médicaux d’urgence, des effets positifs ont déjà été observés en Ontario. Leurs travaux pourraient mener à d’autres interventions visant à assurer un accès plus équitable et en temps opportun à des soins de traumatologie de qualité pour tous les Canadiens.
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