Équipe des IRSC sur les traumas interpersonnels

Chercheurs principal : Dre Martine Hébert
Université de Québec à Montreal

Ah, les amours de jeunesse. Dans les films, on a droit aux clichés des soirées dansantes à l’école, des premiers baisers et de la romance. Toutefois, que se passe-t-il lorsque la vraie vie ne correspond pas à ce que nous dépeint le grand écran?

La réalité est qu’en Amérique du Nord, entre 7 et 45 % des jeunes âgés de 13 à 20 ans ont subi au moins un épisode de violence dans les fréquentations. Pour mesurer la situation et élaborer des stratégies de prévention efficaces, il faut interroger les jeunes sur leurs expériences.

« Il n’existait aucun sondage représentatif de la violence dans les fréquentations chez les adolescents et de la victimisation répétitive au Québec », explique la Dre Martine Hébert, professeure au département de sexologie à l’Université du Québec à Montréal. « Mais les adolescents sont prêts à participer », ajoute-t-elle. Alors que son équipe espérait initialement recruter 3 000 étudiants (âgés de 14 à 18 ans) pour répondre à ce sondage, c’est plus de 8 000 jeunes qui ont répondu à l’appel, soit environ 99 % des adolescents approchés au sein de 34 écoles secondaires de la province.

Les adolescents ont été interrogés sur leurs expériences de fréquentation, y compris les expériences de violence, ce qui a permis à la Dre Hébert et à son équipe de documenter la prévalence et les conséquences de la violence dans les fréquentations, de même que les facteurs qui contribuent à la victimisation répétitive. Prenant conscience que certains jeunes sont plus vulnérables que d’autres à la violence, l’équipe s’est tournée plus spécifiquement vers deux sous-groupes, soit les jeunes LGBT et les jeunes victimes d’abus sexuels dans leur enfance, dans l’espoir que leurs réponses permettraient de mieux structurer les services de soutien.

Sans grande surprise, l’équipe a constaté que la violence dans les fréquentations est associée à des conséquences négatives sur la santé, particulièrement sur la santé mentale (détresse psychologique, idées suicidaires et faible estime de soi). La prévalence de la violence, toutefois, était très révélatrice : 58 % des jeunes en couple avaient subi au moins une forme de violence psychologique, physique ou sexuelle au cours de l’année précédente. De plus, bien que les filles aient été plus susceptibles d’être victimes de violence, les garçons étaient moins enclins à considérer qu’ils pouvaient demander de l’aide au besoin.

Les résultats chez les jeunes de la communauté LGBT et les victimes d’abus sexuels dans leur enfance étaient également révélateurs. « Les jeunes des minorités sexuelles sont plus susceptibles d’être victimes de violence », remarque la Dre Hébert, « et il existe d’autres facteurs de risques associés à la divulgation de cette violence. En effet, les jeunes qui révèlent cette violence doivent, par le fait même, divulguer leur orientation sexuelle. »

Bien que ces chiffres semblent dresser un sombre portrait de la situation, les résultats du sondage ont également mis en évidence des éléments essentiels pour aider les jeunes à faire preuve de résilience, définie par l’équipe de recherche comme « la capacité d’une personne à surmonter une difficulté majeure en tirant parti de ses forces personnelles et du soutien de son milieu social. » Par exemple, bien que le taux de violence dans les fréquentations aient été deux fois plus élevé chez les jeunes ayant subi des abus sexuels pendant leur enfance, le soutien des pairs et celui de la mère représentent des facteurs de protection importants qui ont permis de réduire dans les faits le risque de victimisation par un partenaire amoureux. Il s’agit exactement du type d’information qui peut être utilisé pour améliorer les programmes de soutien familial.

L’équipe de recherche souhaitait également connaître les points positifs, et pas seulement les aspects négatifs.

« Nous avons demandé aux adolescents de décrire la pire expérience de fréquentation et de nous donner également trois exemples pour décrire leur plus agréable relation », explique la Dre Hébert, qui précise qu’il s’agissait de questions ouvertes afin de permettre aux adolescents de décrire leurs sentiments. Un grand nombre ont décrit un désir d’amour, de confiance et de bonheur. « Ce qui est intéressant, c’est que les ruptures étaient toujours considérées comme le pire aspect, et non la violence », ajoute-t-elle.

Donc, qu’est-ce que tout cela veut dire dans le cadre de la conception de programmes de prévention de la violence chez les adolescents?

« Nous devons parler d’amour avant de parler de violence », affirme la Dre Hébert. « Nous devons leur parler de romance et leur apprendre à négocier une relation saine. »

Pour soutenir ces discussions, l’équipe de recherche a conçu quatre feuillets d’information adaptés aux jeunes portant sur quatre sujets : 1) les relations amoureuses, 2) les activités sexuelles entre jeunes, 3) la violence dans les fréquentations et 4) la vulnérabilité, le soutien et la résilience. Ces feuillets d’information font ressortir certains des principaux éléments émanant des résultats du sondage et montrent aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls à vivre ces expériences. Ils sont également utiles pour les deux autres activités conçues par l’équipe pour les enseignants et les intervenants auprès des jeunes.

En outre, la Dre Hébert et son équipe ont été consultées dans le cadre de l’élaboration du nouveau programme d’éducation sexuelle du Québec, qui a été présenté récemment. Les données du sondage sont également utiles dans le cadre du Plan d’action gouvernemental en matière d’agression sexuelle, dont le renouvellement était prévu en 2014. À ce jour, la Dre Hébert et son équipe ont partagé leur matériel avec le ministère de la Justice, le ministère de l’Éducation et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ils ont également collaboré avec deux organismes communautaires travaillant à la prévention de la violence dans les fréquentations et avec des services de soutien œuvrant auprès des victimes de violence.

« Ces deux organismes accomplissaient déjà de grandes choses, mais il n’y avait pas de collaboration entre eux », explique la Dre Hébert. « Notre étude illustre comment ils peuvent travailler de concert pour optimiser leurs ressources et avoir encore plus d’impact. »

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