Rapport de l'Équipe d'examen composée d'experts pour l'Institut du cancer

Présenté par : Dr Victor Ling
Président, Équipe d'examen composée d'experts
Février 2011

Table des matières


Résumé

  1. Au Canada, le milieu de la recherche sur le cancer a réussi à perpétuer sa tradition d'excellence dans les domaines biomédical et clinique, comme le démontre l'excellence des chercheurs financés par le mécanisme des concours ouverts des IRSC, dont John Dick, Peter Dirk, Tony Pawson, Nahum Sonenberg, Tak Mak, Marco Marra, David Huntsman, Sam Aparicio et bien d'autres. Grâce aux efforts de leadership de l'Institut du cancer (IC), la stimulation des activités de recherche correspondant aux domaines 3 et 4 a mené à des réussites importantes et à une reconnaissance internationale de la recherche. L'Initiative sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie (SPSFV) en est un bon exemple, et pourrait servir de modèle. Il pourrait en aller de même pour la recherche sur la survie au cancer. La mise sur pied, grâce à des investissements des IRSC, d'un réseau canadien de banques de tumeurs (RCBT) et de programmes de formation interdisciplinaires (Initiative stratégique pour la formation en recherche dans le domaine de la santé [ISFRS]) a aussi été couronnée de succès et a généré des retombées positives. Enfin, l'IC a répondu rapidement aux besoins nationaux, en intervenant pendant la crise des isotopes médicaux et en créant un programme d'accès à des soins de qualité (temps d'attente).
  2. L'éventuelle Initiative en médecine personnalisée, menée par l'IC, aurait le potentiel de devenir une grande initiative transversale réussie. En effet, les IRSC se doivent d'être préparés pour les changements sociétaux amenés par la médecine personnalisée.
  3. Depuis le dernier examen international des IRSC, le paysage du financement de la recherche sur le cancer au Canada a subi des bouleversements importants. De nouveaux organismes ont été créés, injectant du même coup de nouveaux fonds dans le milieu (ex. : Partenariat canadien contre le cancer [PCCC], Institut de recherche Terry Fox [IRTF], Institut ontarien de recherche sur le cancer [IORC]), mais l'Institut national du cancer du Canada (INCC) s'est graduellement retiré du bassin des bailleurs de fonds. C'est toute la structure de financement de la recherche sur le cancer qui s'est alors retrouvée fragmentée et complexifiée, créant une pression importante sur le milieu de la recherche sur le cancer. Il y a aussi lieu de s'inquiéter de la pérennité de la recherche fondamentale dans les quatre domaines, qui pourrait être ébranlée par une baisse de financement par « concours ouvert » de projets entrepris à l'initiative des chercheurs attribuable à la tendance des organisations non gouvernementales (ONG) à opter pour des mécanismes de financement des équipes plus ciblés (stratégiques). Une certaine coordination entre les bailleurs de fonds sera requise pour conserver un niveau fondamental de capacité à l'échelle nationale, tout en maintenant la souplesse nécessaire pour tirer parti de nouvelles possibilités.
  4. Dans le contexte actuel, l'IC a accompli un travail exceptionnel pour rassembler tous les bailleurs de fonds du milieu de la recherche sur le cancer au sein d'une coopérative (soit l'Alliance canadienne pour la recherche sur le cancer [ACRC]). En tant que plus important bailleur de fonds au pays dans le domaine, l'IC pourrait devenir le porte-parole de la recherche sur le cancer au Canada par l'entremise de l'ACRC; l'Institut est notamment considéré par les chercheurs et les intervenants comme le meilleur candidat pour prendre les rênes d'un organisme national. Si cette possibilité se concrétisait, l'IC devrait relever de nombreux défis : rehausser la reconnaissance de son image de marque auprès du public, composer avec les intérêts concurrents de nombreux intervenants, créer plus d'occasions de sensibilisation du public et de communication professionnelle à propos de son mandat, de ses activités et de ses succès et élaborer une stratégie adéquate. Il se pourrait même que l'on doive mettre des ressources additionnelles à la disposition de la directrice scientifique de l'IC pour exploiter cette possibilité.
  5. L'IC a le potentiel de générer des retombées importantes de plusieurs manières :
    1. La bioinformatique et la génématique doivent être mieux développées afin que le Canada reste compétitif avec les autres milieux de recherche à l'étranger.
    2. L'IC bénéficierait de l'élaboration d'une stratégie nationale cohérente pour la collaboration internationale. Sa directrice scientifique a déjà indiqué qu'il s'agissait de l'un de ses objectifs.
    3. Il faudrait augmenter le nombre de partenariats stratégiques avec l'industrie afin de faciliter le transfert des connaissances et d'offrir de nouvelles possibilités de financement.
    4. Une programmation stratégique suivant de plus près le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), Génome Canada, la Fondation canadienne pour l'innovation et le PCCC permettrait de multiplier leur effet sur la recherche.
    5. Une vision stratégique à long terme de la recherche sur le cancer au Canada permettrait de renforcer la mission de l'IC et de hiérarchiser les ressources. L'IC a par ailleurs déjà produit un cadre stratégique en collaboration avec des membres de l'ACRC, et doit maintenant concentrer ses efforts sur ses domaines prioritaires en coordination avec d'autres bailleurs de fonds.
  6. Plusieurs problèmes au sein même des IRSC devraient être abordés :
    1. Les ressources dont dispose la directrice scientifique semblent limitées en ce qui a trait au développement stratégique du potentiel de l'IC en tant que chef de file dans un milieu de recherche vaste et complexe. Des mécanismes permettant d'assurer la durabilité d'initiatives réussies comme celles citées au point 1 devront être mis en place.
    2. Le système d'examen par les pairs subit une forte pression. Bien que la création du conseil scientifique et du collège des examinateurs semble apporter un certain soulagement, les directeurs scientifiques pourraient gagner à s'impliquer plus activement dans l'établissement de la structure des comités d'examen des demandes de subventions affiliés au Programme ouvert de subventions de fonctionnement. Il s'agit d'un mécanisme qui pourrait aider la directrice scientifique à bâtir son milieu de recherche et à assurer la pérennité des initiatives stratégiques.
    3. Il faudrait encourager encore plus la formation d'alliances à long terme avec des instituts des IRSC aux intérêts complémentaires; les thèmes de l'obésité, de l'inflammation, du vieillissement et de la recherche sur le genre semblent idéaux pour l'établissement d'un partenariat compatible avec les activités de l'IC.
    4. La transition entre deux directeurs scientifiques est en ce moment un processus à l'équilibre délicat, durant lequel le système de soutien administratif de l'organisme peut facilement dérailler. Ce processus doit être revu. Nous croyons qu'un mandat de 4 plus 4 années pourrait être approprié.
  7. Nous approuvons sans réserve les orientations énoncées par la directrice scientifique. Celles-ci comprennent :
    1. continuer à bâtir le milieu de la recherche sur le cancer en partenariat avec d'autres organismes et lui donner un port d'attache national, à la tête duquel se positionnera l'IC;
    2. diriger les efforts de formation interdisciplinaire et en équipe destinée à la prochaine génération de chercheurs oeuvrant dans le domaine du cancer;
    3. alimenter la discussion sur la médecine personnalisée;
    4. améliorer la position du milieu canadien de la recherche sur le cancer sur l'échiquier de la recherche internationale.

Section 1 – Mandat de l'Institut

Fondé en 2000, l'Institut du cancer (IC), l'un des 13 instituts des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), a pour mandat de soutenir la recherche visant à réduire l'incidence du cancer sur les personnes et les familles par des stratégies de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement, les systèmes de soutien psychosocial et les soins palliatifs. Le mandat de l'IC transcende les disciplines et englobe les quatre thèmes de recherche en santé : recherche biomédicale, recherche clinique, recherche sur les systèmes et les services de santé et recherche sur les facteurs sociaux, culturels et environnementaux qui ont des incidences sur la santé des populations. La mission de l'IC est de stimuler la recherche fondée sur des normes d'excellence internationales reconnues et axées sur la prévention et le traitement du cancer ainsi que sur l'amélioration de la santé et de la qualité de vie des survivants et des personnes atteintes d'un cancer.

Institut du cancer des IRSC – Évaluation interne pour l'examen international 2011, p. 1.

Section 2 – État de ce domaine de recherche au Canada

Impression générale sur la recherche dans le domaine au Canada

  1. Le Canada semble avoir réussi à maintenir une excellente qualité de recherche sur le cancer dans un vaste éventail d'activités. La création de l'IC au sein des IRSC a permis l'émergence d'un milieu de recherche remarquable pour les domaines 3 et 4. Par exemple, le programme de recherche sur les SPSFV a acquis une renommée internationale.
  2. Le défi le plus ardu pour la recherche sur le cancer au Canada sera de s'adapter à un paysage de financement devenu hétérogène en raison de la disparition de l'INCC et à la création d'un certain nombre d'initiatives nationales et provinciales disparates apportant chacune une grande quantité de fonds nouveaux, notamment le PCCC, l'IRTF et l'IORC. De plus, les examinateurs internationaux ont constaté un manque de coordination entre les organismes de financement provinciaux et fédéraux.
  3. Pour surmonter ces obstacles, l'IC a rassemblé le milieu de la recherche par la formation de l'ACRC. Les activités récentes de l'ACRC comprennent l'élaboration d'un cadre stratégique pancanadien pour la recherche sur le cancer, qui devrait faciliter la coordination des activités de ses membres.
  4. L'IC devra aussi prendre des mesures pour calmer les inquiétudes de certains, qui craignent que l'excellence en recherche fondamentale dans les quatre thèmes souffre du fait que le financement par « concours ouvert » de projets entrepris à l'initiative des chercheurs subira probablement une baisse à cause de la tendance des organisations non gouvernementales (ONG) à financer des projets de recherche correspondant plus étroitement à leur mission.
  5. Certaines infrastructures auront besoin d'être renforcées, particulièrement en bioinformatique, afin de soutenir des initiatives à grande échelle générant une grande quantité de données, comme la médecine personnalisée, et d'autres devront être créées et maintenues.
  6. Tous s'entendent pour dire que l'IC est l'organisation toute désignée pour apporter une certaine cohérence à la recherche sur le cancer au Canada, grâce à son leadership et à ses réalisations effectuées par l'intermédiaire de l'ACRC.

Section 3 – Effets transformateurs de l'Institut

Impression générale – Dans quelle mesure cet Institut a-t-il joué un rôle transformateur?

  1. L'IC a joué un rôle transformateur sur plusieurs fronts, et commence déjà à avoir un impact tangible à certains égards, comme le développement de la capacité de recherche pour les thèmes 3 et 4 (SPSFV), la création avec ses partenaires d'un réseau national de banques de tumeurs, et son leadership dans la création de l'ACRC. Il s'agit de réalisations substantielles et remarquables.
  2. Le défi consiste maintenant à trouver des ressources et un mécanisme fiable pour maintenir le succès de ces initiatives sans taxer les ressources qui serviront au renforcement des capacités des domaines mal desservis.

Section 4 – Résultats

Impression générale – Dans quelle mesure cet Institut a-t-il réussi à obtenir des résultats?

  1. Une amélioration des résultats pour la santé dans le domaine de la recherche sur le cancer ne pourra se faire que sur une longue période. L'IC a jeté les fondations pour la réalisation de cet objectif, par exemple en solidifiant le milieu de recherche en se comportant en partenaire exemplaire et en mettant l'accent sur des programmes de formation interdisciplinaires.
  2. L'initiative sur les SPSFV a eu un effet transformateur.
  3. L'IC a su tirer parti de certaines de ses victoires préliminaires en adoptant un rôle directeur lors de la crise des isotopes médicaux et en ce qui concerne l'accès à des soins de qualité.

Section 5 – Réalisation du mandat de l'Institut

Impression générale – Dans quelle mesure l'Institut a-t-il accompli son mandat?

  1. L'IC a rempli son mandat avec brio. Le milieu de la recherche sur le cancer qu'il a construit est très étendu et varié.
  2. L'IC a repéré des lacunes dans la capacité de recherche et a réuni des chercheurs pour y remédier.
  3. L'IC représente bien la recherche sur le cancer au Canada et lui donne accès à la scène internationale, favorisant ainsi des interactions fructueuses.
  4. L'IC a bien choisi son moment pour mettre l'accent sur la formation interdisciplinaire et la recherche en équipe.

Section 6 – Observations et recommandations de l'EECE

Impression générale de la performance de l'Institut

Recommandations

  1. L'IC a effectué un travail admirable pour renforcer son milieu de recherche, mais aura besoin de plus de ressources pour poursuivre son travail, car le milieu de la recherche sur le cancer est vaste et complexe, et bénéficie d'une grande visibilité. Compte tenu du fait que la directrice scientifique est censée consacrer seulement 50 % de son temps à ce rôle, la tâche semble herculéenne. Nous croyons qu'il faudrait obtenir des ressources et élaborer une stratégie pour promouvoir la « marque » de l'IC et des IRSC, afin de mieux les faire connaître du public et des responsables des politiques.
  2. Il faudrait améliorer la transition d'un directeur scientifique à son successeur, car l'équilibre du processus actuel est délicat et le système de soutien administratif de l'organisme peut facilement dérailler.
  3. Nous approuvons sans réserve les orientations énoncées par la directrice scientifique :
    1. continuer à bâtir le milieu de la recherche sur le cancer en partenariat avec d'autres organismes et lui donner un port d'attache national, à la tête duquel se positionnera l'IC;
    2. diriger les efforts de formation interdisciplinaire et en équipe destinée à la prochaine génération de chercheurs oeuvrant dans le domaine du cancer;
    3. alimenter la discussion sur la médecine personnalisée;
    4. améliorer la position du milieu canadien de la recherche sur le cancer sur l'échiquier de la recherche internationale.

Annexe 1 – Équipe d'examen composée d'experts

Président de l'équipe – Dr Victor Ling
Directeur scientifique, Institut de recherche Terry Fox
Scientifique émérite, Agence du cancer de la C.-B.
Professeur, Départements de biochimie et de biologie moléculaire, et de pathologie et de médecine de laboratoire
Université de la Colombie-Britannique

Examinatrice experte – Dre Margaret Tempero
Directrice adjointe et directrice des programmes de recherche, Helen Diller Family Comprehensive Cancer Center à la UCSF, Département de médecine
Université de la Californie à San Francisco, É.-U.

Membre du CEI – Professeur Rudi Balling
Directeur, Centre de la biomédecine des systèmes du Luxembourg
Université du Luxembourg

Annexe 2 – Informateurs clés

Séance 1 – Examen de l'Institut

  1. Dre Morag Park, directrice scientifique de l'IC

  2. Dr William Mackillop, président – conseil consultatif de l'Institut
    Directeur, Division des soins contre le cancer et de l'épidémiologie, Cancer Research Institute de l'Université Queen's
    Professeur et directeur, Département de santé communautaire et d'épidémiologie
    Université Queen's

  3. Dre Heather Bryant
    Vice-présidente, lutte contre le cancer, Partenariat canadien contre le cancer
    Professeure clinicienne, Départements des sciences de la santé communautaire et d'oncologie
    Université de Calgary

  4. Dr Gerry Johnston
    Vice-doyen à la recherche, Faculté de médecine
    Professeur, Département de microbiologie et d'immunologie
    Université Dalhousie

Séance 2 – Consultation des chercheurs

  1. Dr Richard Doll
    Directeur du Centre de recherche socio-comportementale et leader provincial de la lutte contre le cancer, Agence du cancer de la C.-B.
    Professeur auxiliaire, Faculté des sciences de la santé
    Université Simon Fraser

  2. Professeur Alexander McEwan
    Directeur, Imagerie oncologique, Cross Cancer Institute
    Professeur et président, Département d'oncologie
    Université de l'Alberta

  3. Dr Fei Fei Liu
    Directrice, Division d'oncologie moléculaire appliquée, Ontario Cancer Institute
    Professeure, Faculté de médecine, Départements de biophysique médicale, de radio-oncologie et d'otorhinolaryngologie
    Université de Toronto

Séance 3 – Table ronde avec les intervenants

  1. Dr Neil Hagen
    Chef, Division de la médecine palliative
    Professeur, Départements d'oncologie, de médecine et des neurosciences cliniques
    Université de Calgary

  2. Dr Simon Sutcliffe
    Président, Partenariat canadien contre le cancer

  3. Dr Michael Wosnick
    Vice-président à la recherche, Société canadienne du cancer
    Directeur scientifique, Institut de recherche de la Société canadienne du cancer

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