Évaluation des IRSC des Recommandations canadiennes sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse

Table des matières

  1. Contexte
  2. Aperçu de l’évaluation
  3. Évaluation et observations
    1. Évaluation du processus d’élaboration des recommandations
    2. Examen interne du processus de prépublication du JAMC
    3. Évaluation externe du mérite scientifique des Recommandations canadiennes 2017
  4. Conclusion
  5. Annexes

1. Contexte

Le Canada connaît une hausse spectaculaire de décès liés aux opioïdes. En 2016 seulement, près de 2 500 décès liés aux opioïdes sont survenus partout au CanadaNote en bas de page 1. De même, le nombre d’ordonnances d’opioïdes exécutées au Canada chaque année augmenteNote en bas de page 2. En Ontario seulement, il a augmenté de cinq pour cent sur trois ans (2013-2014 à 2015-2016), alors que le nombre de personnes ayant fait préparer au moins une de ces ordonnances est demeuré approximativement le mêmeNote en bas de page 3. Les pratiques de prescription inappropriée d’opioïdes sont l’un des facteurs contribuant à cette crise en progression, alors qu’on observe des cas de dépendance chez des patients qui sont traités par un médecin.

En 2010, conscient de la nécessité d’améliorer les pratiques sûres en matière de prescription d’opioïdes, un groupe national de médecins et de chercheurs a élaboré les Lignes directrices canadiennes sur l’utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse. Ces lignes directrices ont fourni des recommandations aux professionnels médicaux sur la prescription sûre et efficace d’opioïdes. Après la publication des lignes directrices en 2010, le Michael G. DeGroote National Pain Centre de l’Université McMaster a assumé la responsabilité de les tenir à jour en mettant en évidence les nouvelles données probantesNote en bas de page 4. Dans les années qui ont suivi, le gouvernement du Canada, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de Santé Canada, a financé les chercheurs de l’Université McMaster pour qu’ils mettent à jour les lignes directrices de 2010 en se fondant sur les nouvelles données probantesNote en bas de page *.

La version révisée 2017 des Recommandations canadiennes sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse (les Recommandations canadiennes 2017) a été publiée dans le numéro du 8 mai 2017 du Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC). Après sa publication, The Globe and Mail a indiqué que l’Université McMaster n’avait pas exclu les experts en médecine ayant reçu des revenus des fabricants d’opioïdes du groupe de membres votants qui a formulé les Recommandations canadiennes 2017Note en bas de page 5. En particulier, l’article a signalé le risque de conflit d’intérêts lié à un membre du groupe, le Dr Sol SternNote en bas de page 6.

2. Aperçu de l’évaluation

En réponse à la critique publique, la ministre de la Santé a demandé aux IRSC d’évaluer l’incidence, le cas échéant, du conflit d’intérêts potentiel sur la rigueur scientifique des Recommandations canadiennes 2017. L’évaluation visait à déterminer si les Recommandations canadiennes 2017 fournissent aux cliniciens des conseils impartiaux et fondés sur des données probantes sur les pratiques de prescription d’opioïdes.

L’évaluation par les IRSC des Recommandations canadiennes 2017 comprenait les trois volets suivants :

  1. examen du processus utilisé par l’Université McMaster pour formuler les Recommandations canadiennes 2017;
  2. examen du processus utilisé par le JAMC menant aux décisions relatives aux publications;
  3. comparaison entre les Recommandations et un équivalent international.

L’évaluation a été menée par les directeurs scientifiques de l’Institut des services et des politiques de la santé des IRSC (Dre Robyn Tamblyn) et de l’Institut de l’appareil locomoteur et de l’arthrite des IRSC (Dr Hani El-Gabalawy). La troisième tâche a nécessité la participation de deux directeurs des National Institutes of Health (NIH) des États-Unis, soit la directrice du National Institute on Drug Abuse (Dre Nora Volkow) et le directeur du National Institute of Neurological Disorders and Stroke (Dr Walter Koroshetz).

Dre Robyn Tamblyn

Directrice scientifique, Institut des services et des politiques de la santé des IRSC

La Dre Robyn Tamblyn de l’Université McGill a été choisie en raison de sa vaste expérience de la recherche sur les politiques de la santé. La recherche innovatrice de la Dre Tamblyn sur les résultats au chapitre de l’éducation a permis de tirer au clair d’importantes relations entre la formation professionnelle en santé, les permis d’exercice et la pratique, et a ainsi orienté les politiques de délivrance de titres de compétences. De plus, ses travaux sur l’utilisation des médicaments d’ordonnance, sur ses déterminants et sur les moyens d’améliorer l’innocuité des médicaments ont été reconnus à l’échelle internationale.

Dr Hani El-Gabalawy

Ancien directeur scientifique, Institut de l’appareil locomoteur et de l’arthrite des IRSC

Le Dr Hani El-Gabalawy de l’Université du Manitoba a été choisi en raison de sa vaste expérience de la gestion de la douleur. Le Dr El-Gabalawy, rhumatologue de renommée mondiale, est professeur de médecine et d’immunologie et clinicien-chercheur principal à l’Université du Manitoba où il est titulaire de la chaire de recherche en rhumatologie.

Dre Nora Volkow

Directrice, National Institute on Drug Abuse des NIH

La Dre Nora Volkow a été choisie en raison de son rôle à la tête du National Institute on Drug Abuse des États-Unis et de sa vaste expérience de la recherche. Son travail a contribué à démontrer que la dépendance aux médicaments est une maladie du cerveau humain et à relever des modifications dans le système de production de dopamine touchant entre autres les fonctions des régions frontales du cerveau en cause dans la motivation, la stimulation et le plaisir liés à la dépendance.

Dr Walter Koroshetz

Directeur, National Institute of Neurological Disorders and Stroke des NIH

Le Dr Walter Koroshetz a été choisi en raison de son rôle à la tête du National Institute of Neurological Disorders and Stroke des États-Unis et à la présidence du Pain Consortium des NIH. Un objectif principal de la carrière en recherche clinique du Dr Koroshetz était d’établir des mesures chez les patients révélatrices de la biologie sous-jacente de leur maladie. Avec l’équipe de l’Hôpital général du Massachusetts, il a découvert une augmentation du lactate dans le cerveau des patients atteints de la maladie de Huntington en utilisant la spectroscopie par résonance magnétique. Il a aidé l’équipe à utiliser pour la première fois l’imagerie par résonance magnétique pondérée en diffusion/perfusion et l’angiographie par tomodensitométrie ou l’imagerie de perfusion pour les cas d’AVC aigu.

La version intégrale des biographies figure à l'annexe A.

3. Évaluation et observations

i) Évaluation du processus d’élaboration des recommandations

Le premier volet de l’évaluation menée par les IRSC consistait à passer en revue le processus utilisé par l’Université McMaster pour élaborer les Recommandations canadiennes 2017. Cette évaluation a permis d’étudier l’incidence, le cas échéant, de l’apparence de conflit d’intérêts du Dr Stern sur la rigueur scientifique des Recommandations canadiennes 2017.

La Dre Tamblyn et la Dre Michelle Peel, directrice générale intérimaire de la Direction des sciences, de l’application des connaissances et de l’éthique des IRSC, ont tenu une entrevue avec un informateur clé, le Dr Jason Busse de l’Université McMaster, rédacteur principal des Recommandations canadiennes 2017. Cette rencontre visait à examiner le processus d’élaboration général et à déterminer s’il suffisait à assurer que les Recommandations canadiennes 2017 étaient à la fois fondées sur des données probantes et exemptes de partialité.

Processus d’élaboration

Le processus visant à élaborer les Recommandations canadiennes 2017 a commencé par la synthèse des recommandations de la version 2010 des recommandations et de six autres lignes directrices récentesNote en bas de page 7Note en bas de page 8Note en bas de page 9Note en bas de page 10Note en bas de page 11Note en bas de page 12. L’équipe a présenté les résultats de cette synthèse lors d’une réunion nationale des intervenants avec des représentants de groupes de défense des droits des patients, des gouvernements, des organismes de réglementation médicale, du milieu de la recherche, de la communauté médicale et des organismes d’application de la loi. Les participants à la réunion ont répertorié 24 domaines pour lesquels des recommandations de pratique clinique seraient utiles.

Structure de gouvernance

L’équipe de recherche a établi quatre groupes d’élaboration des recommandations (figure 1), incluant un groupe votant :

Figure 1 : Processus d’élaboration des Recommandations canadiennes 2017 sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse

Description détaillée de la figure 1

Le processus d’élaboration des Recommandations canadiennes 2017 sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse a été dirigé par un comité directeur des recommandations composé de quatre membres, lequel a reçu l’appui de trois autres groupes : 1) un comité consultatif de 16 patients qui a fourni des avis sur les valeurs et les préférences des patients; 2) un comité d’experts cliniciens formé de 13 membres qui a fourni des avis sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique; 3) un groupe de synthèse et d’évaluation des données probantes. Enfin, un comité votant formé de 15 membres cliniciens et patients s’est prononcé sur les recommandations finales, qui sont devenues les Recommandations canadiennes 2017.

Afin de guider le processus d’élaboration des Recommandations canadiennes 2017, l’équipe de recherche a recruté un spécialiste d’expérience de la méthodologie des recommandations, le Dr Gordon Guyatt, de l’Université McMaster. Le Dr Guyatt, qui est devenu président du comité directeur des recommandations, a participé activement à l’élaboration d’un grand nombre de versions des American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines on Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, plus récemment comme président de la neuvième édition. La mise au point du processus d’élaboration a également été guidée par les Clinical Practice Guidelines We Can Trust, publiées par l’Institute of Medicine, une division des National Academies of Sciences, Engineering and Medicine des États-Unis.

Formulation des recommandations

Du point de vue du comité directeur des recommandations, pour être utiles, les recommandations en matière de pratique clinique doivent se fonder non seulement sur les données probantes, mais également sur le contexte, notamment sur les valeurs et les préférences des patients. Le comité directeur des recommandations a donc rédigé un énoncé des valeurs et des préférences pour guider toutes les recommandationsNote en bas de page 13. Cet énoncé s’appuyait sur un examen systématique de la littérature sur les valeurs et les préférences des patients concernant les opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse et sur des entrevues de groupes de discussion avec le comité consultatif de patients.

Le comité directeur a également déterminé que le groupe ne ferait des recommandations en matière de pratique clinique que s’il existait suffisamment de données probantes pour orienter les recommandations. Les données ont été soumises à des examens systématiques, et le système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) a été appliqué pour formuler des recommandations à partir de ces données. Ce système est utilisé dans le monde pour évaluer la qualité (ou le niveau de certitude) des données probantes et la force des recommandations. En conséquence, la version définitive des Recommandations canadiennes 2017 comprenait trois catégories de recommandations : « recommandations (appuyées par des données probantes issues d’essais contrôlés randomisés ou d’études d’observation), les énoncés de bonne pratique (appuyés par des données indirectes), et les conseils d’experts (appuyés par des données publiées ou non publiées)Note en bas de page 14. »

Une fois l’examen systématique de la littérature terminé, l’équipe des recommandations et le comité d’experts cliniciens se sont réunis pour discuter des données probantes et pour clarifier les questions pour lesquelles il n’y avait pas, ou il y avait peu, de données probantes de recherche sur lesquelles le groupe pouvait fonder ses recommandations. Lors d’une deuxième réunion de l’équipe des recommandations seulement, les membres ont voté sur dix recommandations étayées par suffisamment de données probantes. Les recommandations devaient être appuyées par 80 % des membres de l’équipe, afin d’éviter la possibilité que quelques membres puissent exercer une influence indue sur le processus. Tout membre dissident devait consigner un énoncé de divergence formel; toutefois, aucune demande de la sorte n’a eu lieu. L’équipe des recommandations s’est entendue sur les dix recommandations.

Ces recommandations ont ensuite été publiées en ligne dans le cadre d’un processus d’examen public d’un mois. Le comité directeur des recommandations a examiné plus de 500 réponses et a, en réaction, revu la formulation de certaines recommandations. Cependant, en aucun cas les commentaires du public n’ont changé l’orientation (en faveur ou non) ou la force (forte ou faible) des recommandations.

Les recommandations finales ont été présentées dans un document de synthèse au JAMC. Les auteurs ont répondu aux commentaires des réviseurs, puis le manuscrit et les recommandations ont été acceptés aux fins de publication.

Conflit d’intérêts

L’Institute of Medicine recommande que, dans le cadre d’un processus d’élaboration des recommandations, moins de 50 % des membres votants puissent avoir un conflit d’intérêts de nature financièreNote en bas de page 15. Le comité directeur des recommandations a fixé un seuil plus élevé pour la gestion des conflits d’intérêts liés à cette recommandation. L’objectif était de veiller à ce que le groupe d’élaboration des recommandations votant soit entièrement composé de membres n’ayant aucun conflit d’intérêts d’ordre financier ou intellectuel. Cette décision s’est avérée une grande réussite; aucun membre n’a déclaré de conflit d’intérêts intellectuel, et seul un des quinze membres a déclaré un conflit d’intérêts manifeste d’ordre financier.

Les Recommandations canadiennes 2017 exigeaient la participation à la fois de patients et d’experts de la pratique clinique, mais il a été reconnu que ces groupes feraient preuve de partialité. Ainsi, le comité directeur des recommandations s’est efforcé d’assurer un équilibre entre les opinions des membres du comité d’experts cliniciens et du comité consultatif de patients, mais n’a pas autorisé ces groupes à voter sur les recommandations ou à être présents au cours du processus de vote.

En raison d’une omission administrative, un membre de l’équipe des recommandations et donc votant, le Dr Stern, présentait un conflit d’intérêts financier important; il avait reçu des honoraires pour des conférences de formation médicale pour l’industrie. Bien que ce conflit ait été déclaré avant le vote, il n’a pas été porté à l’attention du comité directeur par l’entremise du processus de gestion des conflits d’intérêts. Après l’élaboration des Recommandations canadiennes 2017, le comité directeur a reconnu le conflit d’intérêts lors de l’examen des formulaires de gestion des conflits d’intérêts recueillis aux fins de soumission au JAMC. Selon le Dr Busse, si le conflit avait été établi plus tôt, le Dr Stern aurait été proposé pour le comité d’experts cliniciens non votant et exclu du groupe ayant droit de vote. 

Une fois le conflit d’intérêts signalé, le comité directeur des recommandations a rencontré le coordonnateur du projet qui a recueilli et géré les formulaires de conflit d’intérêts et examiné la participation du Dr Stern au processus d’élaboration. Le comité directeur des recommandations a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de parti pris au cours de la participation du Dr Stern. Il convient de noter que les Recommandations canadiennes 2017 portent sur les points suivants : éviter de prescrire des opioïdes et prescrire des opioïdes en abaissant le seuil. De plus, 7 recommandations sur 10 portent sur la réduction des méfaits. Ces recommandations ne sont généralement pas perçues comme favorables à l’industrie.

Observations des IRSC

En examinant le processus utilisé par l’Université McMaster pour élaborer les Recommandations canadiennes 2017, les IRSC ont constaté une faille dans la façon de gérer les conflits d’intérêts. Le processus de gestion des conflits d’intérêts a été fragilisé en dépendant d’une seule personne (c’est-à-dire le coordonnateur du projet) pour cerner les conflits potentiels. Compte tenu du processus utilisé pour formuler les Recommandations canadiennes 2017 et de l’ensemble des données probantes examinées par les comités, il n’y a pas de preuve qu’un conflit d’intérêts a eu ou aurait pu avoir une influence réelle sur les recommandations finales. Les IRSC ont déterminé que le processus d’élaboration des Recommandations canadiennes 2017 a été rigoureux et ont conclu que le conflit d’intérêts du Dr Stern n’a, au bout du compte, pas eu d’incidence sur les Recommandations canadiennes 2017.

ii) Examen interne du processus de prépublication du JAMC

Le second volet de l’évaluation des IRSC portait sur le processus du JAMC (figure 2) ayant mené à la publication des Recommandations canadiennes 2017 en mai 2017.

Figure 2 : Processus éditorial du JAMC

Description détaillée de la figure 2

Le processus rédactionnel pour présenter des articles de recherche et de recommandation au JAMC est le suivant :

  1. Un chercheur présente un manuscrit.
  2. Les rédacteurs du JAMC procèdent à une évaluation interne en vue de déterminer si le manuscrit sera rejeté, s’il fera l’objet d’une révision ou s’il passera à l’étape de l’évaluation par les pairs.
  3. À l’étape de l’évaluation par les pairs, l’article est évalué en vue de déterminer s’il sera rejeté ou s’il donnera lieu à une réunion sur le manuscrit.
  4. À la suite de la réunion sur le manuscrit, l’article est soit rejeté, accepté, révisé, ou soumis de nouveau à l’évaluation par les pairs.
  5. La dernière étape est une évaluation interne ou une réunion sur le manuscrit où, après un examen plus approfondi, l’article est soit rejeté, accepté ou révisé pour la dernière fois.

Dans le cadre de cet examen, un haut fonctionnaire des IRSC a interviewé la Dre Diane Kelsall, rédactrice en chef intérimaire au JAMC, sur l’examen des conflits d’intérêts de la revue. Avant d’accepter la publication des Recommandations canadiennes 2017, le JAMC a demandé aux auteurs de remplir le formulaire de divulgation des conflits d’intérêts potentiels du Comité international des rédacteurs de revues médicales (ICMJE) afin de divulguer tout conflit d’intérêts perçu ou réel.

Le JAMC a examiné les formulaires dûment remplis de l’ICMJE et a reconnu l’existence de conflits d’intérêts perçus ou réels. Néanmoins, le JAMC a jugé qu’il s’agissait de recommandations importantes qui devaient être publiées et a publié les Recommandations canadiennes 2017 en incluant la divulgation de conflits d’intérêts dans la publication.

Observations des IRSC

Bien que les processus de gestion des conflits d’intérêts utilisés par le JAMC et l’Université McMaster soient semblables, le JAMC a utilisé une période plus longue pour observer les conflits potentiels autodéclarés. Toutefois, étant donné que le Dr Stern a déclaré le conflit potentiel à la fois sur les formulaires du JAMC et sur ceux de l’Université McMaster, les IRSC ne pensent pas que la décision d’utiliser un formulaire plutôt qu’un autre ait eu une incidence sur la rigueur scientifique des Recommandations canadiennes 2017.

À la suite de l’examen, les IRSC font confiance au processus utilisé par le JAMC ayant mené à la publication des Recommandations canadiennes 2017. Le processus a permis de relever les conflits d’intérêts potentiels, de considérer leur influence dans la décision de publier les recommandations et de les divulguer dans la publication. Ce processus satisfait aux normes internationales pour évaluer le mérite scientifique d’une publication dans une revue à comité de lecture.

iii) Évaluation externe du mérite scientifique des Recommandations canadiennes 2017

Le troisième volet de l’évaluation des IRSC consistait en une analyse comparative indépendante des Recommandations canadiennes 2017 et d’une ligne directrice sur le même sujet, reconnue dans le monde. Les IRSC ont invité la Dre Nora Volkow, directrice du National Institute on Drug Abuse des NIH (États-Unis), à fournir son opinion d’experte sur la façon dont les Recommandations canadiennes 2017 se comparent à celles formulées par les Centers for Disease Control (CDC) des États-Unis. La CDC Guideline for Prescribing Opioids for Chronic PainNote en bas de page 16 a été élaborée en 2016 pour fournir des recommandations sur la prescription d’opioïdes contre la douleur dans des établissements de soins de première ligne. Les recommandations des CDC ont été approuvées par la U.S. Food and Drug Administration et plusieurs collèges de médecins et chirurgiens du Canada (p. ex. de l’AlbertaNote en bas de page 17, de la Colombie-BritanniqueNote en bas de page 18, de la Nouvelle-ÉcosseNote en bas de page 19). À l’instar des Recommandations canadiennes 2017, la ligne directrice des CDC recommande d’utiliser les opioïdes pour traiter la douleur non cancéreuse chez les adultes (18 ans ou plus) qui persiste pendant trois mois ou plus. 

Sous la direction de la Dre Volkow, des experts du National Institute on Drug Abuse (NIDA) et du National Institute on Neurological Disorders and Stroke (NINDS) ont examiné les Recommandations canadiennes 2017, les ont comparées aux recommandations des CDC et ont fourni une rétroaction à des fins d’examen (incluses dans l’annexe B). Les experts ont constaté que la méthodologie et l’étendue des données examinées pour élaborer les deux recommandations étaient similaires. Dans chaque cas, les équipes responsables de l’élaboration ont procédé à des examens systématiques et utilisé une classification normalisée de la force des recommandations. Les experts ont également noté que certaines différences existent, mais les similitudes indiquent un processus d’élaboration rigoureux. Les Recommandations canadiennes 2017 sont conformes aux données probantes disponibles et peuvent servir de ressource en pratique clinique.

Les experts ont repéré des similitudes dans le processus d’élaboration, mais aussi dans les recommandations des deux lignes directrices, notamment : les opioïdes ne doivent pas être le traitement de premier recours; l’utilisation de la dose d’opioïdes efficace la plus faible au départ, suivie d’une augmentation graduelle; une dose limite quotidienne de morphine de 90 mg (ou équivalente) et accorder une attention particulière à l’utilisation de plus fortes doses; la coprescription de naloxone chez les patients à risque et la réduction de la dose d’opioïdes jusqu’à la cessation de la prise s’ils ne sont pas efficaces.

Les experts n’ont relevé que deux différences bien précises. D’abord, les Recommandations canadiennes 2017 suggèrent l’utilisation d’opioïdes à libération contrôlée pour la douleur continue, alors que les CDC recommandent d’éviter leur utilisation en général et s’y opposent pour instaurer un traitement aux opioïdes. Ensuite, les Recommandations canadiennes 2017 déconseillent vivement les opioïdes chez les patients ayant un trouble lié à l’utilisation de substances et suggèrent d’utiliser un traitement sans opioïdes plutôt que de procéder à l’essai d’opioïdes. Les recommandations des CDC, toutefois, ne s’opposent pas à l’utilisation d’opioïdes chez les patients atteints d’un trouble lié à l’utilisation de substances ou ayant des antécédents à cet égard. Elles exposent plutôt l’évaluation des risques dans les cas de troubles liés à l’utilisation de substances et recommandent de prescrire un traitement assisté par des médicaments aux patients qui présentent ce trouble (p. ex. coprescription de naloxone).

Le National Institute on Drug Abuse (NIDA) et le National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS) sont d’avis que les Recommandations canadiennes 2017 sont fondées sur un processus d’élaboration rigoureux comparable à celui utilisé par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Malgré certaines différences constatées et les commentaires fournis aux fins d’examen, les Recommandations canadiennes 2017 sont conformes aux données probantes disponibles pour la pratique clinique.

Observations des IRSC

En examinant l’analyse comparative soumise par la Dre Volkow, les IRSC ont remarqué des similitudes dans les processus d’élaboration des deux séries de recommandations. Ils ont également fait un parallèle entre les grandes lignes des deux séries de recommandations, en particulier en ce qui a trait à une préférence pour le traitement non pharmacologique et le traitement pharmacologique sans opioïdes, les doses limites quotidiennes, la réduction de la dose et la coprescription de naloxone.

Malgré les différences susmentionnées, les IRSC n’estiment pas que celles-ci réduisent la valeur des Recommandations canadiennes 2017 dans leur ensemble. Par exemple, le commentaire sur les opioïdes à libération contrôlée dans les Recommandations canadiennes 2017 n’est pas une recommandation GRADE, mais l’un des nombreux énoncés d’orientation qui fournissent une ligne directrice dans les domaines pour lesquels peu de données probantes ont été publiées. Les auteurs des Recommandations canadiennes 2017 notent ouvertement que « l’effet bénéfique et l’innocuité des opioïdes à libération contrôlée ou prolongée par rapport aux préparations à libération immédiate ne sont pas clairement établis. »  

En plus de l’analyse comparative, la Dre Volkow a fourni des suggestions supplémentaires pour éclairer les versions à venir des Recommandations canadiennes 2017 (voir l’annexe B). Les IRSC ont pris la liberté de fournir celles-ci aux représentants de Santé Canada dans un document distinct.

4. Conclusion

Après avoir mené les trois volets de leur évaluation, les IRSC considèrent que le processus utilisé pour élaborer les Recommandations canadiennes 2017 sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse était rigoureux sur le plan scientifique malgré l’omission de relever rapidement le conflit d’intérêts lié à un seul des quinze membres votants du groupe.

Avant leur publication, les Recommandations canadiennes 2017 ont été soumises à plusieurs mesures régulatrices afin de réduire au minimum l’influence indue sur les recommandations finales. Au nombre de ces mesures figuraient le processus en plusieurs étapes de rédaction des recommandations, le vote par consensus et le processus rigoureux de la demande de publication dans la revue. Parallèlement à la comparaison avec les recommandations des CDC, il semble clair que le conflit d’intérêts apparent d’un membre du groupe ayant participé au vote sur les recommandations n’a pas eu d’effet sur les recommandations finales. Les IRSC concluent que les Recommandations canadiennes 2017 fournissent aux cliniciens des conseils impartiaux et fondés sur des données probantes sur les pratiques de prescription d’opioïdes, qui sont conformes aux comparaisons à l’échelle internationale.

Annexes

Annexe A – Biographies

Les quatre experts ont déclaré ne pas avoir d’intérêts concurrents en ce qui concerne leur participation à l’évaluation.

Annexe B – Examen des Recommandations canadiennes sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse par les National Institutes of Health des États-Unis (10 août 2017)

Résumé

Des experts du National Institute on Drug Abuse (NIDA) et du National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS) ont examiné la version préliminaire des Recommandations canadiennes [2017] sur l’utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur chronique non cancéreuse, ont effectué une comparaison avec les recommandations formulées par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et ont fourni des recommandations aux fins d’étude. Dans l’ensemble, le projet de recommandations se fonde sur un processus d’élaboration rigoureux faisant appel à un examen systématique et à une catégorisation normalisée de recommandations semblables à celles utilisées par les CDC. Malgré certaines différences constatées et les commentaires fournis aux fins d’examen, les Recommandations canadiennes [2017] sont conformes aux données probantes disponibles pour la pratique clinique.

Comparaison avec les recommandations des CDC

Les deux séries de recommandations sont axées sur la douleur chronique non cancéreuse et sur la douleur autre que celle en fin de vie chez les adultes. Dans les deux cas, on recommande des approches sans opioïdes, non pharmacologiques avant d’entamer un traitement aux opioïdes pour la douleur chronique chez les patients n’ayant jamais eu recours aux opioïdes, et des approches en combinaison chez les patients à qui on prescrit des opioïdes. La méthodologie et l’étendue de l’examen des données probantes étaient similaires et comportaient des examens systématiques et une catégorisation normalisée de la « force » des recommandations.

Différences
Similitudes

Commentaires à prendre en considération

Format et organisation
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