Le pouvoir de la recherche en santé
Chercheurs canadiens – Ensemble pour éradiquer l'hépatite C

28 juillet 2017

L'hépatite C est une infection virale qui s'attaque au foie, organe situé dans la cavité abdominale qui participe à la digestion. Cette maladie est qualifiée de tueur « silencieux », car beaucoup de personnes atteintes de l'hépatite C ne ressentent aucun symptôme et ignorent qu'elles sont porteuses du virus. Au fil du temps, certaines personnes infectées présenteront une hépatite chronique, ce qui peut entraîner des lésions au foie, une insuffisance hépatique et un cancer.

Environ 400 000 Canadiens (plus ou moins 1 % de la population) seraient porteurs du virus. Dans le monde, de 130 à 150 millions de personnes sont infectées, ce qui se traduit par quelque 500 000 décès par année.

Heureusement, des scientifiques ont découvert un remède.

« Le remède contre l'hépatite C illustre parfaitement comment la recherche en santé sauve des vies », affirme la Dre Naglaa Shoukry, chercheuse en sciences biomédicales au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM), qui a consacré sa carrière à étudier cette maladie. « En un peu plus de 25 ans, nous avons pu découvrir le virus, le cloner, trouver un moyen de le déceler dans nos réserves de sang et mettre au point un traitement qui permet de guérir la maladie. C'est la recherche scientifique qui a rendu tout cela possible, et beaucoup de ces événements déterminants ont eu lieu au Canada grâce au Réseau canadien sur l'hépatite C ».

Comme dans la plupart des travaux scientifiques, la découverte d'un remède résulte souvent d'essais et d'erreurs ainsi que de l'amélioration progressive des façons de faire. Au cours des premières années, les patients atteints de l'hépatite C recevaient une injection d'« interféron », un médicament qui stimule le système immunitaire. Malheureusement, le médicament entraînait des effets secondaires très graves, souvent pires que la maladie en soi. C'est en 2010 que la percée a eu lieu, soit la découverte des « antiviraux à action directe ». Il s'agit de médicaments qui attaquent directement le virus et l'éliminent de l'organisme.

Dre Naglaa Shoukry
Dr Jordan Feld

Le Dr Jordan Feld, du Réseau universitaire de santé de Toronto, traite des patients atteints de l'hépatite C depuis de nombreuses années. Selon lui, les nouveaux médicaments changent la donne.

« C'est une révolution – et je n'utilise pas ce mot à la légère, déclare le Dr Feld. Nous sommes passés d'un taux de guérison d'environ 50 % avec des médicaments ayant beaucoup d'effets secondaires, à un taux de guérison de 98 à 99 % avec une pilule par jour, pendant quelques mois, sans effets secondaires. Le fait de pouvoir guérir une maladie chronique qui représente un énorme fardeau pour la santé publique est très valorisant en tant que médecin et chercheur ».

Des défis restent à relever

Le Canada a comme objectif d'éradiquer l'hépatite C d'ici 2030. Or, bien qu'il existe maintenant un remède, les chercheurs doivent encore surmonter deux obstacles de taille pour vaincre la maladie.

Premièrement, il faut trouver un moyen d'amener les gens à se faire traiter. Deuxièmement, il faut mettre au point un vaccin qui empêche les personnes de contracter le virus de l'hépatite C.

« Nous pouvons guérir presque tout le monde, mais une des plus grandes difficultés est le fait que beaucoup de personnes infectées par le virus de l'hépatite C ne savent pas qu'elles le sont. Souvent, les symptômes ne se manifestent qu'à un stade très avancé, affirme le Dr Feld. C'est pour cette raison que nos travaux visent actuellement à mettre au point un vaccin et à trouver des moyens d'amener les gens à obtenir des soins ».

Conscients de la complexité de ces deux défis très différents, des scientifiques canadiens de tous les domaines – ou « thèmes » – de la recherche en santé ont uni leurs forces pour enrayer la maladie.

Les quatre thèmes

La recherche en santé comporte les quatre grands thèmes ci-dessous :

Thème 1 : Recherche biomédicale

La recherche biomédicale vise à comprendre le fonctionnement du corps humain à l'échelle des molécules, des cellules et du système organique. Elle nous permet de mettre au point de nouvelles thérapies et de nouveaux dispositifs médicaux.

Thème 2 : Recherche clinique

La recherche clinique a pour but l'amélioration du diagnostic et du traitement des maladies et des blessures, ainsi que l'amélioration de la santé et de la qualité de vie. Elle se fait souvent à partir des travaux de recherche biomédicale en testant de nouveaux traitements sur des patients.

Thème 3 : Recherche sur les services de santé

La recherche sur les services de santé a pour but d'améliorer l'efficacité des professionnels et des services de santé à l'aide de changements aux pratiques et aux politiques. Elle vise à étudier les effets des facteurs sociaux, du financement des systèmes, des processus organisationnels, des technologies de la santé et des comportements personnels sur la santé.

Thème 4 : Recherche sur la santé des populations

La recherche sur la santé des populations a pour but d'améliorer la santé globale des divers groupes de Canadiens grâce à une connaissance accrue des facteurs sociaux, culturels, environnementaux, professionnels et économiques qui agissent sur l'état de santé.

Amener les gens à obtenir un traitement

Dr Krajden et son équipe

Pour encourager la population canadienne à passer un test de dépistage et à obtenir un traitement, les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral doivent élaborer de nouvelles politiques en la matière. C'est à cette étape que les chercheurs en santé des populations, comme le Dr Mel Krajden du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, peuvent prêter main-forte aux décideurs. En recueillant et en analysant les données des Canadiens atteints de l'hépatite C, ces chercheurs peuvent étudier comment améliorer les mesures de prévention des nouvelles infections ainsi que les soins et les traitements offerts aux personnes déjà infectées.

Dr Mel Krajden

« Je me suis toujours intéressé à l'influence des mégadonnées sur les politiques, affirme le Dr Krajden. Grâce au Réseau canadien sur l'hépatite C financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, j'ai pu me pencher sur des questions importantes au sujet des services de santé. Par exemple, « comment utiliser ces données pour élaborer des politiques judicieuses qui visent à prévenir les infections et aident les malades à obtenir les soins dont ils ont besoin? »

« Les Canadiens peuvent être fiers de leur système de santé publique, mais les soins de santé coûtent cher. Nous avons donc besoin de la recherche pour nous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas », ajoute le Dr Krajden.

Les Canadiens atteints d'hépatite C forment deux groupes distincts.

Le premier comprend les personnes qui ont un médecin de famille ou qui ont accès à une clinique et aux soins, et qui peuvent passer un test de dépistage. Ce groupe est relativement facile à traiter. Il est aussi facile d'obtenir de l'information sur les membres de ce groupe, ce qui simplifie l'élaboration de politiques visant à les aider.

Le deuxième groupe comprend des personnes qui prennent part à des activités à risque élevé, comme l'utilisation de drogues injectables. Ces personnes présentent d'autres facteurs de vulnérabilité, comme les maladies mentales. Par ailleurs, elles se sentent souvent marginalisées dans le système de santé en raison d'une stigmatisation ou d'un manque de confiance. Ce groupe n'étant pas bien représenté dans les bases de données provinciales, les renseignements qui le concernent sont incomplets. Il faut donc redoubler d'efforts afin de trouver des solutions pour ces personnes vulnérables.

Des chercheurs en santé des populations, comme la Dre Julie Bruneau du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM), essaient de compléter le tableau.

Dre Julie Bruneau

En tant que médecin, la Dre Bruneau a passé les 30 dernières années à traiter des utilisateurs de drogues. En tant que chercheuse, elle a étudié ce groupe et peut apporter de l'information essentielle aux bases de données. Ses travaux contribueront à empêcher les membres de ce groupe défavorisé de passer entre les mailles du filet.

« Les utilisateurs de drogues se sentent ostracisés par le milieu clinique traditionnel, affirme la Dre Bruneau. Au cours des prochaines années, nous devrons trouver des façons de mieux prendre soin de cette population pour éliminer l'hépatite C ».

Bien qu'il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le soutien aux populations vulnérables, comme les utilisateurs de drogues, la Dre Bruneau a constaté l'effet profond d'un remède contre l'hépatite C sur ses patients.

« L'alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies très invalidantes en soi, fait remarquer la Dre Bruneau. Dans le passé, il fallait dire aux patients : il n'existe pas de remède; vous devez arrêter de boire ou de prendre de la drogue. Ces messages n'incitaient pas vraiment les personnes déjà exclues et qui ont peu d'estime de soi à changer de comportement ».

« Mais aujourd'hui, on leur dit : on peut guérir l'hépatite C. Le médicament coûte très cher, mais on va vous le prescrire parce que vous en valez la peine! Puis, parfois, il se passe quelque chose de merveilleux. Le moral remonte. Certains patients sont plus heureux et entrevoient une lueur d'espoir. Ils commencent à prendre soin d'eux – ils consomment moins, arrêtent de s'injecter des drogues ou font des choses qui ont un impact positif sur leur vie. Pour moi, ce sont les moments qui me tiennent le plus à cœur en tant que médecin et chercheuse ».

Mise au point d'un vaccin

Bien entendu, le but ultime demeure la mise au point d'un vaccin pour prévenir la maladie. Des chercheurs au Canada et dans le monde travaillent à l'atteinte de ce but et sont convaincus qu'un jour ils en découvriront un.

Dre Shoukry et son équipe

« Vingt-cinq pour cent des personnes infectées éliminent spontanément le virus, et ce, sans traitement médicamenteux. C'est pour cette raison que nous essayons de mieux comprendre comment un organisme met en place son système de défense immunitaire pour prévenir une infection par le virus de l'hépatite C, déclare la Dre Shoukry. Pour qu'un vaccin soit efficace, il doit conférer une protection à long terme. Nous essayons de reproduire la même réponse observée chez les personnes qui se protègent naturellement contre le virus ».

« J'ai une équipe formidable qui m'aide à définir cette réaction protectrice. Dans le cadre du projet de mise au point d'un vaccin, nous avons aussi la chance de travailler au sein d'une équipe de collaborateurs codirigée par le Dr Michael Houghton, de l'Université de l'Alberta, qui a découvert le virus de l'hépatite C, et le Dr Lorne Tyrell, autre expert reconnu sur la scène mondiale dans ce domaine, ajoute la Dre Shoukry. J'ai une vision très optimiste de l'avenir! »

Incidence sur les Canadiens

La recherche sur l'hépatite C a une grande portée. De fait, elle a fourni au système de santé canadien les outils nécessaires au diagnostic de l'infection, un moyen de guérir les personnes infectées et un éclairage sur les meilleures démarches en matière de prévention. Elle a aussi fourni aux gouvernements provinciaux et territoriaux les données probantes dont ils avaient besoin pour élaborer des politiques publiques sensées, et a contribué à la mise sur pied d'initiatives de promotion de la santé à la grandeur du pays.

Fait plus important, la recherche a permis de sauver des vies et de souder des familles.

« Je serais ravi d'accueillir à ma clinique toute personne qui souhaite être témoin de l'incidence de la recherche dans ce domaine, affirme le Dr Feld. Ce serait l'occasion de rencontrer des personnes qui ont été traitées à l'hôpital pendant 20 ans ou plus et qui ont connu une évolution lente et douloureuse de la maladie, leur foie se détériorant de plus en plus. Aujourd'hui, elles se présentent à notre clinique et nous pouvons leur confirmer qu'elles sont guéries! C'est souvent à ce moment-là que mes patients fondent en larmes. C'est une expérience qui suscite beaucoup d'émotions chez nous tous. Il est difficile de trouver les mots pour dire à quel point nous sommes privilégiés de pouvoir vivre cette expérience presque tous les jours. Il n'y a rien de plus motivant! »


L'hépatite C n'est qu'un exemple de la façon dont la recherche en santé change la vie des gens. Le Canada, par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, appuie plus de 13 000 chercheurs qui renforcent notre système de santé et améliorent la santé des Canadiens.

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