Rapport de l'atelier sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques

7-8 février 2012
Ottawa, ON

Instituts de recherche en santé du Canada

Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète
Institut de génétique

Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des IRSC
Université de Toronto
100, rue College
Bureau 207L, Pavillon Banting
Toronto (Ontario) M5G 1L5

Institut de génétique des IRSC
Université McGill
3649, Promenade Sir-William-Osler, bureau 279
Montréal (Québec) H3G 0B1

Administration centrale des IRSC
160, rue Elgin, bureau 97
Indice de l'adresse : 4809A
Ottawa (Ontario) K1A 0W9

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada (2012)
No de cat. : MR4-13/2012E-PDF
ISBN : 978-1-100-20915-9
Instituts de recherche en santé du Canada

Table des matières

Remerciements

L'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD) et l'Institut de génétique (IG) des IRSC aimeraient remercier les partenaires des IRSC suivants pour leur contribution financière à cet atelier :

Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents
Institut de la santé publique et des populations

L'INMD et l'IG souhaiteraient également remercier les personnes suivantes pour leur contribution à l'élaboration du programme de l'atelier :

Membres du sous-comité sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques

Keith Sharkey - Université de Calgary
Guang Sun - Université Memorial de Terre-Neuve
William Patterson - Université Queen's
Laurie Chan - Université d'Ottawa
Catherine Laprise - Université du Québec à Chicoutimi

Répondants clés

Hertzel Gerstein - Université McMaster
Shereen Ezzat - Université de Toronto
Jenny Heathcote - Université de Toronto
Mark Swain - Université de Calgary
Phil Marsden - Université de Toronto
Sue Quaggin - Université de Toronto
Rob Hegele - Université Western

Personnel de l'IG - Institut de génétique

Étienne Richer, Directeur adjoint (Montréal)
Stephanie Robertson, Directrice adjointe (Ottawa)

Personnel de l'INMD - Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète

Mary-Jo Makarchuk, Directrice adjointe (Toronto)
Paul Bélanger, Directeur adjoint (Ottawa)
Keeley Rose, Gestionnaire de projets
Vera Ndaba, Agente des finances et organisatrice d'évènements
Mélanie Bergeron, Agente de projets
Kimberly Banks Hart, Associée, initiatives stratégiques

Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète

L'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des IRSC a pour mandat d'appuyer la recherche visant à améliorer la santé relativement au régime alimentaire, aux fonctions digestives, à l'excrétion et au métabolisme, ainsi qu'à étudier les causes, la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement, les systèmes de soutien et les soins palliatifs pour un large éventail de maladies et de problèmes liés aux hormones, à l'appareil digestif et aux fonctions rénale et hépatique.

Institut de génétique

L'Institut de génétique des IRSC a pour mandat d'appuyer la recherche sur le génome humain et les génomes des modèles, ainsi que sur toutes les facettes de la génétique, de la biochimie fondamentale et de la biologie cellulaire associées à la santé et aux maladies, notamment par l'application des connaissances à la création de politiques et de pratiques en matière de santé et par les implications des découvertes en génétique pour la société.

Sommaire

En février 2012, l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD) et l'Institut de génétique (IG) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont organisé un atelier à Ottawa, auquel ont participé 35 experts canadiens de la recherche en santé. Les objectifs de l'atelier étaient les suivants : 1) cerner les forces, les lacunes et les possibilités en ce qui touche la recherche ciblée sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques non transmissibles au Canada; 2) cibler les forces, les lacunes et les possibilités afin d'accroître la capacité de recherche au Canada dans ces domaines; et 3) articuler les priorités de recherche pour une initiative de recherche ciblée sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques.

Six conférenciers canadiens et américains ont été invités à présenter les récents progrès de la recherche concernant ces sujets dans leurs domaines respectifs. Leurs présentations ont fourni aux participants des renseignements essentiels pour les débats en petits groupes qui ont suivi.

Plusieurs éléments clés ont émergé au cours des discussions de l'atelier : le besoin de normaliser la collecte des données, d'utiliser de meilleurs paramètres et d'améliorer le partage de données; l'importance d'améliorer le réseautage entre les chercheurs, entre autres grâce à de nouveaux modèles innovateurs permettant de rassembler des gens de différentes disciplines aux vues similaires; l'urgence d'abolir les barrières nuisant au processus actuel d'évaluation éthique de la recherche; le besoin d'établir un appui plus centralisé pour la mise sur pied d'études de cohortes ainsi qu'une meilleure collaboration et un plus grand partage de renseignements d'une étude à l'autre; et l'importance de la collaboration entre les organismes ainsi que des partenariats nationaux et internationaux pour faire avancer les projets et les programmes de recherche à grande échelle.

Après avoir cerné les lacunes, les forces et les possibilités visant à faire progresser la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques, les participants se sont concentrés sur les questions de recherche qui semblaient les plus prometteuses pour l'avancement de cet important domaine de recherche au Canada. Ils ont ensuite classé par priorité les questions soulevées au cours des discussions en petits groupes dans le cadre d'une séance plénière. Les trois principaux objectifs choisis sont les suivants :

  • Étudier les effets des facteurs génétiques et environnementaux incluant l'exposition durant des périodes développementales critiques sur les maladies chroniques au Canada, chez les immigrants canadiens récents, en comparaison avec la situation dans les pays en développement.
  • Décrire les voies moléculaires spécifiques des interactions gène-environnement afin de déterminer le phénotype des maladies chroniques, entre autres par le recensement et la validation des biomarqueurs de l'exposition environnementale.
  • Faire progresser la bioinformatique et élaborer de nouvelles approches statistiques et des plans d'étude efficaces permettant de délimiter les interactions gènesenvironnements et de préciser les facteurs environnementaux clés dans l'apparition des maladies chroniques.

Pour clore l'atelier, les hôtes ont résumé les forces et les difficultés principales en matière de recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques au Canada.

Principales forces

  • La diversité ethnique du Canada, qui renferme des populations uniques bien définies, comme les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que d'autres groupes isolés culturellement ou géographiquement.
  • Un très bon bassin de scientifiques dans tous les domaines et un bon réseautage entre les chercheurs.
  • Une très bonne capacité de recherche dans les sciences en « omique ».
  • L'existence de nombreuses études de cohortes, dont un grand nombre sont dotées d'un phénotype bien caractérisé, mais qui posent toutefois des problèmes comme la difficulté d'accès, la qualité variable de la tenue des dossiers et les questions de la visibilité et de la durabilité.

Principales difficultés

  • Technologies à haut rendement plus avancées et moins coûteuses pour générer des données génétiques que pour générer des données environnementales.
  • Nombre limité de procédures de fonctionnement normalisées pour mesurer l'exposition environnementale.
  • Lacunes en matière d'outils théoriques et méthodologiques pour intégrer les données génétiques et environnementales.
  • Intégration, utilisation et coordination sous-optimales des études de cohortes.
  • Investissements limités dans les études d'association à l'échelle environnementale.
  • Processus complexes des comités d'éthique de la recherche - ont surtout un impact sur les grands consortiums.
  • Complications découlant de l'uniformisation des données et du partage de données entre les provinces.
  • Difficultés passées ayant ébranlé la confiance des populations autochtones et ayant encore des répercussions sur la coopération de ces populations avec les chercheurs.

1. Objectifs de l'atelier

L'atelier sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques a réuni des experts de la recherche en santé de partout au pays dans le but de déterminer les forces, les lacunes et les possibilités en ce qui touche la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques au Canada.

L'atelier a été organisé conjointement par l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD) et l'Institut de génétique (IG) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Bien que notre compréhension du rôle de la génétique dans la pathobiologie des maladies chroniques ait grandement progressé, il est de plus en plus clair que l'environnement joue lui aussi un rôle important dans l'apparition et la progression de nombreuses maladies chroniques.

Par ailleurs, il existe des lacunes importantes dans nos connaissances sur le rôle des interactions gènes-environnement dans l'apparition des maladies chroniques. Chercher des réponses à de telles questions de recherche permettrait d'améliorer les stratégies de prévention ainsi que la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques, qu'elles soient courantes ou rares. L'amélioration de la prévention et du traitement des maladies chroniques réduira aussi les iniquités dans les soins de santé aux populations vulnérables, lesquelles courent un risque plus élevé de souffrir de maladies chroniques[1].

Au cours de consultations préalables à l'atelier entreprises par l'INMD, un grand intérêt a été constaté pour ce thème, qui est vu comme un secteur émergent de la recherche en santé réunissant des thèmes de science fondamentale, de recherche clinique et de recherche sur la santé des populations.

Les participants ont dû mettre en œuvre les objectifs suivants :

  1. Définir les forces, les lacunes et les possibilités en ce qui touche la recherche ciblée afin de déterminer les interactions et le rôle des environnements naturels et bâtis, du comportement humain et des gènes dans la pathogenèse et la pathobiologie des maladies chroniques non transmissibles.
  2. Cerner les forces, les lacunes et les possibilités afin d'accroître la capacité de recherche au Canada au chapitre des environnements naturels et bâtis et leur impact sur les gènes et les maladies chroniques.
  3. Établir les priorités de recherche du Canada pour une initiative de recherche ciblée sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques.

Au cours de l'atelier, six conférenciers de diverses disciplines ont été invités à présenter leurs récents progrès de recherche concernant les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Ces présentations ont servi de mise en contexte pour les débats en petits groupes qui ont suivi chacune des trois séances plénières.

Les participants ont été divisés en petits groupes composés de personnes provenant de divers établissements et travaillant dans différents domaines de recherche; ainsi, les membres de chaque groupe avaient accès à un vaste éventail de points de vue. À la fin de chaque séance en petits groupes, les équipes ont présenté un résumé de leurs conclusions et de leurs idées à leurs collègues dans une séance plénière, puis les participants ont discuté dans le but de préciser les principales recommandations et de trouver des aspects sur lesquels les groupes sont arrivés à la même conclusion.

Une séance plénière supplémentaire sur les partenariats a mis l'accent sur les synergies potentielles de la recherche sur les thèmes des environnements, des gènes et des maladies chroniques dans le cadre de partenariats stratégiques entre instituts, domaines ou secteurs.

En tout, 35 chercheurs possédant de l'expérience dans les grands thèmes touchant la recherche biomédicale, la recherche clinique et la recherche sur la santé des populations ont participé de manière active à l'atelier, de même que plusieurs représentants du gouvernement et d'éventuels partenaires.

2. Mot de bienvenue

Le Dr Alain Beaudet, président des IRSC, a souhaité en personne la bienvenue aux participants de l'atelier. Il a souligné que les ateliers sont des outils puissants qui offrent au milieu de la recherche et aux intervenants un bon aperçu de l'état actuel de la recherche en santé au Canada, en plus de jouer un rôle clé dans la planification à long terme par les IRSC et leurs partenaires.

Les maladies chroniques non transmissibles représentent un fardeau social et économique important au Canada et ailleurs dans le monde. Les maladies chroniques touchent un bon nombre de populations les plus vulnérables du Canada, dont les très jeunes enfants, les personnes âgées et les populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits, qui sont touchées de façon disproportionnelle par les maladies chroniques.

Le Dr Beaudet a affirmé que d'importants progrès ont été accomplis dans la compréhension de la façon dont les gènes influencent le développement des maladies chroniques, et que l'interaction entre les gènes et les facteurs environnementaux joue un rôle dans l'apparition de nombreuses maladies chroniques. L'étude des interactions entre les environnements et les gènes permettrait de mieux comprendre les maladies chroniques. Les discussions de cet atelier sont une étape importante qui permettra aux IRSC de cibler l'appui à la recherche dans le domaine des environnements, des gènes et des maladies chroniques et de forger des partenariats stratégiques avec d'autres instituts et d'autres organisations afin d'étendre la portée de ces recherches, et ultimement d'améliorer la santé des Canadiens ainsi que le système de santé.

Le Dr Philip Sherman, directeur scientifique de l'INMD des IRSC, a souhaité la bienvenue aux participants au nom de l'INMD et du coorganisateur de l'atelier, le Dr Paul Lasko, directeur scientifique de l'IG. Il a remercié les participants de prendre le temps d'offrir leurs compétences et leurs points de vue dans le cadre de cette entreprise essentielle. Ensuite, il a souligné l'importance de cet atelier pour les deux instituts organisateurs et a parlé du but et des objectifs de l'atelier dans le contexte du plan stratégique 2010-2014 de l'INMD, dont l'une des quatre priorités stratégiques est « Environnements, gènes et maladies chroniques ». Il a mentionné que le but général de l'atelier était de jeter les fondements d'une initiative de recherche ciblée.

Le Dr Sherman a présenté quatre de ses collègues directeurs scientifiques aux IRSC présents à l'atelier : la Dre Nancy Edwards, de l'Institut de la santé publique et des populations; le Dr Malcolm King, de l'Institut de la santé des Autochtones; le Dr Shoo Lee, de l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents; et le Dr Marc Ouellette, de l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires. Il a ensuite présenté la Dre Jane Aubin, chef des affaires scientifiques et vice-présidente à la recherche des IRSC. La participation active de la direction des IRSC à cet atelier souligne l'importance de ce nouveau domaine de recherche ainsi que sa pertinence pour les mandats de plusieurs instituts.

Le Dr Sherman a encouragé tous les participants à prendre part aux discussions, soulignant que les différences de point de vue et d'opinion enrichissent les débats et les conclusions subséquentes. Il a ajouté que l'objectif n'était pas de s'entendre sur toutes les questions, mais plutôt qu'un grand nombre d'idées soient mises de l'avant afin de développer de nouveaux domaines de recherche prioritaires. Il a ensuite présenté l'animatrice de l'atelier, Mme Sally Brown, qui a expliqué le déroulement de l'atelier.

3. Présentations

Conférence principale

Interactions gènes-environnement dans la maladie cardiométabolique

Dr Robert Hegele
Professeur universitaire émérite de médecine et de biochimie
Université Western

Le Dr Hegele a présenté trois études portant sur les effets de l'environnement et des gènes sur la maladie cardiométabolique. La première rend compte de la prévalence élevée du diabète de type 2 (DT2) chez la communauté oji-cri de Sandy Lake, une réserve isolée du Nord-Ouest de l'Ontario[2]. L'étude a été lancée par le conseil de bande dans les années 1990 pour répondre à ses préoccupations concernant le taux de DT2, qui était alors le troisième plus élevé au monde. Les chercheurs ont trouvé une nouvelle mutation génétique chez les résidents de Sandy Lake qui multipliait le risque d'être atteint de DT2 par trois chez les porteurs non-fumeurs et par sept chez les porteurs fumeurs. Cependant, bon nombre de diabétiques n'étaient pas porteurs de la mutation, et bon nombre de porteurs n'étaient pas encore diabétiques. Ces résultats permettaient donc de réfuter la théorie antérieure selon laquelle un seul gène était responsable de l'incidence élevée de DT2 chez les Premières Nations du Canada. De plus, l'effet de la variante génétique sur le risque d'être atteint de diabète est environ trois fois moindre que celui de certains facteurs non génétiques, comme l'alimentation et le niveau d'activité physique. Ces résultats appuient la théorie selon laquelle les facteurs environnementaux peuvent avoir une influence beaucoup plus grande sur les maladies chroniques que les prédispositions génétiques, du moins dans certains cas.

Le Dr Hegele a mentionné que le conseil de bande a récemment autorisé une étude interventionnelle faisant la promotion de la réintroduction des aliments traditionnels trois fois par semaine et a fait construire une promenade de bois autour de la réserve pour encourager les résidents à se mettre à marcher et à faire plus d'activité physique. Dans son deuxième exemple, le Dr Hegele a montré que 10 variantes génétiques expliquaient environ 30 % de la prédisposition à l'hypertriglycéridémie chez les patients non autochtones[3]. La combinaison de plusieurs variantes afin d'évaluer le degré de risque génétique montre des différences marquées entre les patients et les témoins. Cependant, ces degrés de risque se chevauchent considérablement, de sorte que le profil génétique d'une personne ne prédit pas avec fiabilité l'apparition de l'hypertriglycéridémie.

Le Dr Hegele a ensuite présenté les résultats de l'analyse de son propre génotype afin de montrer comment des changements environnementaux, comme la modification de l'alimentation ou du mode de vie (augmentation de l'activité physique), peuvent contrer les effets des gènes de prédisposition à l'obésité et aux maladies cardiaques d'une personne.

Au cours de la discussion qui a suivi, le Dr Hegele a reconnu l'importance de disposer de cohortes de taille suffisante pour que les recherches sur la salubrité de l'environnement produisent des résultats significatifs sur le plan statistique. Il a également insisté sur le besoin de faire appel à des méthodes précises et rigoureuses pour recueillir les données environnementales et sur l'importance d'améliorer les méthodes d'étude des relations complexes entre les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Il a fait valoir que, vus séparément, les facteurs environnementaux et génétiques ont une faible incidence sur les maladies chroniques, mais que leur interaction pourrait avoir un impact beaucoup plus grand.

Séances plénières

Rapport d'atelier : Mesurer l'exposition environnementale[4]

Dr Laurie Chan
Professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en toxicologie et santé environnementale
Université d'Ottawa

Le Dr Chan a fait remarquer que le nombre de composés chimiques d'utilisation commerciale était passé de 200 000 à 88 millions au cours des 40 dernières années. Cette augmentation substantielle a amené les chercheurs à se questionner sur les effets à long terme de ces substances sur la santé humaine, créant un besoin d'améliorer les mesures d'exposition aux composés chimiques. Malgré cette augmentation de la demande, les techniques permettant de mesurer l'exposition aiguë et chronique aux produits chimiques sont toujours peu avancées.

L'atelier « Mesurer l'exposition environnementale », tenu à Montréal en novembre 2011 et organisé conjointement par l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents (IDSEA) et le haut-commissariat de la Grande-Bretagne, a fait ressortir un certain nombre de questions et de difficultés touchant la prise de mesures :

  • Les autorités de réglementation en environnement régulent et surveillent les concentrations de produits chimiques, mais c'est l'exposition qui détermine les effets;
  • La relation entre l'exposition environnementale et les biomarqueurs d'exposition est souvent mal comprise;
  • La caractérisation des effets de l'exposition environnementale est généralement en retard sur la compréhension de l'influence des facteurs génétiques;
  • La mesure d'une exposition environnementale aiguë est très difficile, tout comme la surveillance et la conservation de données sur l'exposition à des produits chimiques de courte demi-vie;
  • Certains types d'exposition environnementale, par exemple la pollution atmosphérique intérieure, sont toujours peu étudiés;
  • Bien qu'il soit possible de mesurer les produits chimiques dont la présence est connue ou qu'on s'attend à trouver, il peut être plus difficile de détecter de nouveaux produits ou sous-produits chimiques inattendus.

Les éléments suivants posent également des difficultés : l'élaboration de techniques non effractives pour mesurer les biomarqueurs, diverses différences liées à l'âge ou au sexe et les questions éthiques et techniques touchant le partage d'échantillons et de données d'une étude à l'autre.

Le Dr Chan a ensuite souligné les problèmes liés à la méthodologie de la recherche sur les interactions gènes-environnement, dont les questions liées à la taille des échantillons et aux plans d'étude. Bien que les études de cohortes soient toujours la méthode par excellence, il faudrait appuyer les études portant sur plusieurs générations ainsi que la capacité de mesurer les effets épigénétiques. Le Dr Chan a également fait valoir l'importance d'une meilleure utilisation des renseignements obtenus des cohortes actuelles et le besoin d'améliorer la coordination dans la planification des futures cohortes.

Au cours des débats qui ont suivi, les participants ont suggéré qu'il serait bénéfique pour le domaine de la prise de mesures d'exposition qu'on l'intègre au domaine de la toxicologie expérimentale, et remarqué qu'il manque toujours des méthodologies pour intégrer les protocoles et les données d'études multidisciplinaires. Les participants ont soulevé des inquiétudes quant au risque de biais associé à la combinaison de cohortes ou à la réutilisation de leurs données avec différentes méthodologies. Le Dr Chan a évoqué le besoin d'élaborer un ensemble d'indicateurs communs qui pourraient servir pour les futures études de cohortes.

Étude d'association à l'échelle environnementale sur le diabète de type 2

Dr Atul Butte
Chef du département de médecine des systèmes
Professeur agrégé de pédiatrie et de médecine
Université Stanford

Le Dr Butte a commencé sa présentation en commentant la révolution moderne en génétique et en biologie moléculaire, qui a surtout porté sur l'impact de la composante génétique des maladies aux dépens de la composante environnementale. Bien que les facteurs génétiques jouent sans aucun doute un rôle important dans les maladies chroniques, il est probable que le DT2 et d'autres maladies chroniques comme l'athérosclérose, les maladies intestinales inflammatoires, les cancers et l'obésité soient causés par une combinaison plus complexe de multiples facteurs génétiques et environnementaux. Pour étudier l'interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux, il est urgent d'élaborer des méthodes de recherche permettant de mieux établir le rôle de différents facteurs environnementaux en tant que risques pour l'apparition de maladies chroniques.

Les études d'association à l'échelle du génome (EAEG) sont une méthode qui établit des corrélations entre les facteurs génétiques et le phénotype de la maladie[5]. Les EAEG ont clairement démontré que les variantes génétiques contribuent à la maladie. Cependant, l'influence des variantes génétiques sur les maladies polygéniques est étonnamment faible. Par exemple, pour le DT2, seulement 6 % du risque héréditaire est expliqué par des variantes génétiques[6]. Pour mieux comprendre le rôle des facteurs prédisposant aux maladies chroniques, il faut donc évaluer les facteurs environnementaux et les interactions gènes-environnement.

Le Dr Butte a présenté l'étude d'association à l'échelle environnementale (EAEE) liée au DT2, étude pour laquelle les données sur l'exposition environnementale, obtenues des cohortes de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES)*, ont été interprétées systématiquement de façon semblable à une EAEG. Cette étude a montré que certaines expositions environnementales avaient des répercussions aussi importantes sur l'apparition du DT2 que les gènes les plus importants trouvés dans des EAEG. Cette découverte laisse croire que la technique par EAEE pourrait servir à recenser les facteurs environnementaux associés à d'autres maladies chroniques non transmissibles.

Le Dr Butte a également souligné l'importance de conserver les données de recherche originales. Alors que les données des études biologiques sont souvent publiées sous forme de tableaux résumés ou de graphiques, les données biométriques originales sur lesquelles les résultats s'appuient sont rarement diffusées. Pourtant, ces données peuvent renfermer des renseignements que l'auteur n'a pas traités qui pourraient inspirer d'autres chercheurs à élaborer de nouvelles applications statistiques utiles et de grande valeur. Le Dr Butte a insisté sur le besoin de poursuivre l'élaboration de méthodologies pour mieux étudier l'impact des environnements et des gènes sur les maladies chroniques.

Sa présentation peut être résumée ainsi :

  • L'étude des facteurs de risque environnementaux et génétiques combinés pourrait être plus difficile, mais se révéler la clé de futurs progrès dans la compréhension des causes et de l'évolution de plusieurs maladies chroniques.
  • En plus de l'ADN, les mesures environnementales et cliniques devraient être prises en compte dans le cadre d'initiatives futures liées à la médecine personnalisée.
  • La collaboration interdisciplinaire en recherche est nécessaire pour élucider les effets des gènes et de l'environnement sur les maladies chroniques.
  • Les futurs projets de recherche devraient être conçus pour évaluer l'impact des expositions environnementales multiples plutôt que des expositions individuelles.

Évaluation de l'interaction gènes-environnement

Dr Daniel Krewski
Directeur scientifique
Centre R. Samuel McLaughlin d'évaluation du risque sur la santé des populations
Université d'Ottawa

Le Dr Krewski a présenté un projet de cadre visant à faire progresser la prochaine génération de méthodes d'évaluation des risques. Le cadre d'évaluations des risques NexGen est fondé sur trois éléments essentiels :

  1. L'ouvrage Toxicity Testing in the 21st Century, du National Research Council[7], qui porte sur l'utilisation d'outils informatiques en biologie pour prédire les propriétés et les caractéristiques chimiques;
  2. L'approche du Centre McLaughlin en matière d'évaluation des risques[8], une approche multidisciplinaire pour l'évaluation des risques concernant la santé humaine pour une population donnée qui intègre l'évaluation traditionnelle de ces risques avec une évaluation complète des risques pour la santé de l'ensemble de la population fondée sur plusieurs déterminants de la santé;
  3. L'ouvrage Science and Decisions: Advancing Risk Assessment[9], un rapport sur les méthodologies d'évaluation des risques, par exemple comment adapter des travaux d'évaluation des risques aux décisions de gestion des risques.

Le Dr Krewski a expliqué que chacun de ces éléments fait progresser, de façon indépendante, le domaine de l'évaluation des risques. Cependant, lorsqu'on les combine, ces trois approches représentent un cadre de prochaine génération (NexGen) qui pourrait influencer grandement l'avenir de la science étudiant les risques pour la santé. Une fois les risques évalués de façon détaillée, plusieurs interventions sont possibles, notamment sur les plans réglementaire, économique, consultatif, communautaire et technologique.

De nouvelles orientations ont ensuite été considérées pour les essais toxicologiques. Les progrès en biologie moléculaire, en biotechnologie et dans d'autres domaines ont ouvert la voie à d'importantes améliorations dans la façon dont les scientifiques évaluent les risques que posent pour la santé des produits chimiques possiblement toxiques présents en faible quantité dans l'environnement. Ces progrès devraient rendre les essais toxicologiques plus rapides, moins dispendieux et plus pertinents pour les expositions chez l'humain. Ils devraient également permettre de diminuer les tests sur les animaux en les substituant par des tests sur des cellules humaines.

Au cours de la discussion subséquente, le Dr Krewski a mentionné que les voies d'action toxique chez l'humain ne sont pas bien connues. Cependant, un consortium visant à étudier ces voies est en train d'être créé. On croit que ce consortium permettra, ultimement, de recenser des milliers de voies d'action toxique chez l'humain.

L'environnement et les maladies intestinales inflammatoires : défis et orientations pour l'avenir

Dr Gilaad Kaplan
Professeur adjoint, Faculté de médecine
Université de Calgary

Le Dr Kaplan a souligné que l'incidence des maladies intestinales inflammatoires (MII) chroniques, dont la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, est en hausse partout dans le monde, mais demeure plus élevée dans les pays développés comme le Canada. Alors que plus de 100 gènes augmenteraient la vulnérabilité aux MII, il est évident que certaines expositions environnementales importantes interagissent avec la vulnérabilité génétique et entraînent l'apparition de la maladie[10]. Ces expositions comprennent, entre autres, les polluants de l'environnement, les réactions allergiques et le tabagisme, ce dernier facteur multipliant à peu près par deux le risque chez les adultes de présenter des symptômes de la maladie de Crohn.

La capacité des chercheurs d'étudier les effets d'expositions environnementales multiples a été limitée par plusieurs problèmes de nature méthodologique, comme le biais de classification, l'omission de recenser les facteurs confusionnels et la difficulté de séparer les phénomènes réels du bruit de fond. Il sera essentiel d'intégrer les recherches à l'échelle de la population avec les données à l'échelle des personnes afin de pouvoir mieux contribuer aux travaux de recherche translationnelle. Le projet GEM (interactions génétiques, environnementales et microbiennes) de Michael J. Howorth sur les MII, qui est actuellement en recrutement, effectuera le suivi de personnes présentant un risque élevé d'être atteints de la maladie de Crohn. Il s'agit d'un projet de recherche canadien visant à mieux comprendre le rôle de différents facteurs de risque dans la vulnérabilité aux maladies.

Les orientations futures d'un point de vue stratégique sont les suivantes :

  • Mettre sur pied des cohortes prospectives bien conçues à l'échelle de grandes populations comptant des patients atteints de MII et des témoins;
  • Caractériser les interactions entre l'environnement, les micro-organismes et les gènes, et les classer selon le phénotype de la maladie;
  • Évaluer les mécanismes d'interaction par l'intermédiaire d'études complémentaires in vitro et in vivo;
  • Délimiter les phénotypes associés aux MII chez les nations émergentes et chez les collectivités immigrantes.

Les interactions gènes-environnement dans l'asthme

Dre Catherine Laprise
Professeure
Université du Québec à Chicoutimi

La Dre Laprise a souligné que depuis 2007, plus de 30 EAEG ont été effectuées sur l'asthme, et que plus de 30 gènes associés ont été mis en évidence[11]. Elle a donné un aperçu de plusieurs déclencheurs environnementaux qui contribuent à la diversité phénotypique de l'asthme, dont les infections respiratoires, les allergènes, les changements de température, le stress, les médicaments, le tabac, les additifs alimentaires et les polluants. En réponse à une question au sujet du lien entre la pollution atmosphérique et l'asthme, la Dre Laprise a souligné qu'en Europe orientale, la pollution atmosphérique a grandement diminué dans les années 1990, alors que la prévalence de l'asthme n'a pas changé.

Elle a ensuite présenté un survol de plusieurs études canadiennes récentes sur l'asthme :

  • Collecte d'un échantillon familial de 254 familles élargies d'origine francocanadienne du Saguenay-Lac-St-Jean ayant permis de recenser cinq nouveaux déterminants génétiques de l'asthme[12].
  • Étude canadienne de prévention primaire de l'asthme, à laquelle ont participé 549 enfants courant un risque élevé d'être atteints d'asthme et leurs parents, qui a illustré les avantages des interventions à multiples facettes comme l'élimination de l'exposition aux allergènes intérieurs et à la fumée du tabac, et l'allaitement couplé à l'introduction tardive d'aliments complémentaires[13].
  • Study of Asthma Genes and the Environment (SAGE) [Étude sur les gènes de l'asthme et l'environnement], une étude de cas-témoins emboîtés effectuée sur 723 enfants du Manitoba, qui a démontré le lien entre 1) l'obésité, la dépression et l'asthme, 2) la dépression postnatale maternelle, les concentrations de cortisol et l'asthme, et 3) la consommation d'antibiotiques durant la petite enfance et l'asthme[14].

La Dre Laprise a ensuite présenté une EAEG entreprise par le consortium GABRIEL, qui comprenait 23 études indépendantes. Cette analyse a permis de recenser de nombreux gènes associés à l'asthme, ainsi que de nombreux marqueurs de maladie. Cependant, en raison de la variabilité dans les facteurs environnementaux, aucun des marqueurs génétiques trouvés ne s'est révélé utile pour prédire la maladie[15].

Pour conclure, la Dre Laprise a présenté la cohorte de 5 000 bébés provenant de quatre villes au Canada de l'étude CHILD (Canadian Healthy Infant Longitudinal Development), cofinancée par les IRSC et le Réseau des allergies, des gènes et de l'environnement (AllerGen). La cohorte a été créée dans le but de définir le rôle des facteurs environnementaux et leur interaction avec les facteurs génétiques et d'autres facteurs propres à l'hôte dans l'apparition d'allergies ou d'asthme. L'étude CHILD, qui portait à l'origine uniquement sur l'asthme, pourrait être élargie pour examiner d'autres maladies chroniques.

4. Principales constatations des discussions en petits groupes

Les petits groupes de discussion devaient répondre à des questions portant sur les difficultés et les lacunes en matière de connaissances et d'infrastructures pour la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques au Canada, ainsi que sur les forces et les possibilités qui permettraient de combler ces lacunes.

Les participants ont dû tenir compte des lacunes touchant les infrastructures technologiques, méthodologiques, éthiques, sociales et juridiques, ainsi que les difficultés liées aux ressources.

On a ensuite demandé aux groupes de trouver des façons dont le Canada pourrait améliorer sa capacité de recherche dans le domaine des gènes, des environnements et des maladies chroniques.

A. Lacunes et difficultés de la recherche dans le domaine des environnements, des gènes et des maladies chroniques

Collecte et analyse de données complexes :

Outils et méthodes d'analyse : Les petits groupes ont reconnu que la quantification des relations entre les gènes, les environnements et les maladies chroniques est un processus complexe. Ils ont exprimé des préoccupations quant au besoin de se doter des éléments suivants : 1) outils statistiques, analytiques et de gestion de données; 2) cadres conceptuels pour l'examen de ces relations; et 3) paramètres normalisés, précis, adaptables et reproductibles dans ce domaine de recherche.

Les participants ont reconnu que l'exposition environnementale varie au cours de la vie, et que le besoin de mesurer les expositions chroniques et aiguës rend la mesure de l'exposition environnementale encore plus complexe.

En plus du recensement des facteurs environnementaux et génétiques qui causent les maladies chroniques, les participants ont mentionné le besoin d'élaborer et de mettre en œuvre des interventions de santé publique efficaces.

L'absence de paramètres normalisés et reproductibles rend difficile la mesure des effets liés à la dose et à la durée des expositions environnementales de façon fiable et économique. Par ailleurs, bien qu'ils disposent de données génétiques de grande qualité, les chercheurs sont souvent contraints d'utiliser des ensembles de données de faible qualité sur les expositions environnementales. De plus, il existe peu de données à l'échelle de la population, et on utilise souvent des paramètres différents d'une étude à l'autre. Les participants ont souligné le besoin pour les chercheurs canadiens d'élaborer des mesures communes pour les études sur les expositions environnementales. Par exemple, le PhenX Toolkit (en anglais seulement), qui provient du projet « Phenotypes and eXposures », offre au milieu de la recherche américain un ensemble de base bien établi de mesures de qualité et reconnues à utiliser dans les études touchant les phénotypes et les expositions environnementales dans le but de faciliter les comparaisons et les analyses de données entre les études.

Expertise et capacité de recherche : Les participants ont souligné que l'expertise canadienne en biologie des systèmes est limitée, surtout en comparaison avec la capacité aux États-Unis. Ils ont conclu qu'une approche fondée sur la biologie des systèmes était primordiale pour la caractérisation des interactions gènesenvironnement et environnement-environnement. Les participants ont souligné le besoin de développer une expertise supplémentaire au Canada dans les domaines de l'épidémiologie environnementale, de la bioinformatique, de la biostatistique et de la biologie computationnelle. Ils ont également mis en évidence la nécessité que plus de cliniciens-chercheurs au Canada aient suffisamment de temps réservé à la recherche.

Étude de cohortes et biobanques :

La capacité de recherche pour l'étude des interactions gènes-environnement pourrait être grandement améliorée par un accès commun aux échantillons biologiques et aux données sur les cohortes. Des problèmes techniques, comme le manque de plateformes technologiques normalisées et d'une banque de données centrale, ont été signalés comme étant des lacunes nuisant au partage de données sur les échantillons et les cohortes entre les chercheurs. Les participants ont également souligné que les différences au point de vue de la réglementation propre à chaque province en matière de vie privée représentaient des barrières au partage de données et d'échantillons.

Études de cohortes : Les participants ont souligné que les études de cohortes prospectives, dans le cadre desquelles de grands groupes sont suivis durant de longues périodes, sont un élément essentiel pour le recensement des facteurs environnementaux, socioéconomiques et liés au mode de vie pouvant prédisposer une personne à des maladies chroniques.

Les participants à l'atelier ont souligné que, malgré la diversité de la population du Canada, le recrutement d'échantillons suffisamment représentatifs est difficile, ce qui peut limiter l''interprétation des études de cohortes. Même si plusieurs études de cohortes nationales et provinciales sont déjà en cours au Canada, il demeure important d'effectuer des études sur de grandes cohortes.

La petite quantité d'études de cohortes menées au Canada, l'ampleur limitée de celles-ci et leur faible coordination ont été rassemblées en un thème commun. Les cohortes existantes ne sont pas liées; les participants ont donc évoqué le besoin d'encourager le réseautage et le partage de données. Ils ont également relevé l'absence d'un soutien central pour l'élaboration de cohortes, par exemple une banque de données centrale pour stocker les renseignements sur celles-ci.

Par ailleurs, les participants ont évoqué des inquiétudes au sujet du financement à long terme des cohortes actuelles. Il existe peu de possibilités de financement à long terme, de sorte que les études de cohortes pourraient ne pas se poursuivre au-delà de la durée prévue de la subvention initiale.

Biobanques : Les participants ont mentionné qu'il existe de nombreuses biobanques partout au Canada, mais que ces dernières coûtent cher à mettre sur pied et à tenir à jour. Une liste centrale de biobanques devrait être établie : ainsi, les chercheurs intéressés pourraient prendre connaissance des biobanques existantes. On a également soulevé qu'il est possible que les chercheurs aient de la difficulté à obtenir un accès aux échantillons existants parce que leur propriétaire n'est pas indiqué clairement, ou encore parce qu'ils ne peuvent pas obtenir l'autorisation d'un comité d'éthique pour l'utilisation des échantillons entreposés.

Biomarqueurs, expression dans les tissus et détermination du phénotype :

Biomarqueurs : Les biomarqueurs peuvent servir d'indicateurs de l'exposition environnementale aiguë ou chronique et permettent d'évaluer la réponse aux interventions thérapeutiques. En ce moment, certains biomarqueurs sont de bons indicateurs de l'exposition environnementale, de l'état de la maladie ou d'une prédisposition génétique. Cependant, dans de nombreux cas, on ne s'entend pas pour dire si les biomarqueurs disponibles ont été suffisamment validés. Les participants ont souligné que beaucoup de biomarqueurs disponibles nécessitent des techniques d'échantillonnage effractives; ils ne conviennent donc pas pour une utilisation clinique généralisée.

Expression dans les tissus : Les nouveaux biomarqueurs ne sont pas nécessairement supérieurs aux outils existants. L'étude des déterminants génétiques et environnementaux d'une maladie donnée peut ultimement être plus prometteuse. Au Canada, il existe peu d'études comparant l'expression génétique dans des tissus provenant de différents sujets. Les études sur l'expression dans les tissus, comme celles appuyées par le programme Genotype-Tissue Expression (GTEx) (en anglais seulement) [Expression du génotype dans les tissus] du NIH, permettent aux chercheurs d'étudier les mécanismes de régulation génétique et les perturbations liées à la maladie.

Détermination du phénotype : La détermination du phénotype sert à délimiter des souspopulations chez les gens atteints d'une même maladie. Définir et étudier ces souspopulations permet aux chercheurs de diminuer l'hétérogénéité des populations à l'étude, ce qui améliore leur compréhension du rôle des expositions environnementales et des gènes précis impliqués dans l'apparition des maladies. Les participants ont relevé des difficultés importantes touchant la détermination des phénotypes de certaines maladies chroniques. De même, la présence de variantes génétiques qui peuvent influencer la pénétrance d'un allèle donné peut poser problème pour une maladie chronique donnée.

Éthique de la recherche :

L'existence de nombreuses barrières à la mise en œuvre et à la bonne exécution des études liées au processus d'autorisation actuel des comités d'éthique de la recherche (CER) a été soulevée. Ces difficultés comprennent les questions de vie privée qui empêchent d'établir le lien avec les compétences institutionnelles et provinciales, et les délais interminables pour l'obtention de l'autorisation des CER. Par ailleurs, les participants ont reconnu le besoin d'aborder les préoccupations légitimes touchant la vie privée tout en accélérant les autorisations des CER. Le processus d'autorisation des CER est une source de difficultés et de frustration dans tous les domaines.

Recherche interventionnelle :

Il a été convenu que le nombre relativement faible de projets de recherche interventionnelle en cours au Canada représentait une lacune importante. Les participants ont indiqué qu'il se pourrait que définir les facteurs de risque n'aide pas à déterminer les chances de succès d'une intervention pour prévenir ou atténuer les effets de la maladie.

Recherche sur les maladies, rares et courantes, ne mettant pas la vie en danger :

Les participants ont signalé d'énormes lacunes en ce qui concerne les recherches sur les maladies rares et l'appui aux recherches sur des maladies chroniques courantes ne mettant pas la vie en danger (p. ex. reflux gastro-œsophagien, syndrome du côlon irritable), malgré le fardeau élevé et les immenses coûts que représentent ces maladies pour les personnes atteintes, leurs familles ainsi que le système de santé.

Équipement :

Le financement pour l'équipement de recherche est aussi un facteur important pour le renforcement de la capacité de recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Les participants ont mentionné que des partenariats avec la Fondation canadienne pour l›innovation (FCI), Génome Canada et des universités pourraient combler cette lacune.

B. Forces et possibilités pour la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques

Bien que les participants aient cerné d'importantes lacunes touchant la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques, ils ont également mentionné que le milieu de la recherche en santé au Canada présente d'importants points forts qui pourront l'aider à surmonter ces difficultés :

Expertise scientifique propre à la discipline :

Le Canada dispose d'un bon bassin de scientifiques dans des disciplines bien établies, dont plusieurs ont pour objet des maladies comme le diabète, les maladies gastrointestinales, les maladies cardiovasculaires, les cancers et les pneumopathies. Le pays dispose d'un potentiel énorme pour la recherche ciblée sur des groupes de maladies aux déterminants de risque communs, tant du côté des facteurs environnementaux que des facteurs génétiques.

Expertise scientifique sur l'inflammation :

Le Canada détient une expertise considérable en ce qui concerne l'inflammation, qui est un facteur causal courant pour de nombreuses maladies chroniques non transmissibles, comme les maladies intestinales inflammatoires, l'obésité, l'athérosclérose et l'asthme. Une des initiatives phares des IRSC, Inflammation et maladies chroniques, repose sur cette force et appuiera des recherches supplémentaires dans ce domaine. Une initiative de recherche environnementale compléterait donc bien une telle possibilité de financement.

Expertise dans les sciences en « omique » :

Le Canada dispose d'une bonne capacité de recherche en biologie moléculaire et dans les sciences en « omique » comme la génomique, la protéomique et la métabolomique. Ces domaines joueront un rôle important dans le recensement des facteurs environnementaux et génétiques des maladies chroniques non seulement par la production de nouvelles données expérimentales, mais aussi par l'élaboration de nouvelles techniques et technologies.

Ouverture à la collaboration :

Il existe au Canada une grande tradition de réseautage entre les chercheurs, et les équipes de recherche multidisciplinaires reçoivent un appui croissant. Par exemple, la Stratégie de recherche axée sur le patient des IRSC créera des unités de soutien multidisciplinaires composées de spécialistes des méthodologies d'essai et d'autres experts pour aider les chercheurs dans la conception d'études de recherche et la gestion de projets, la conduite d'analyses biostatistiques, la gestion de grands ensembles de données et de grandes biobanques et la vérification de la conformité des études aux normes réglementaires.

Études de cohortes établies :

Malgré des préoccupations et des lacunes considérables touchant les études de cohortes, le Canada a la possibilité de s'appuyer sur de nombreuses cohortes existantes. Dans bon nombre de cas, les phénotypes sont déjà bien caractérisés, et il serait possible de lier ces cohortes existantes entre elles. Les participants ont également insisté sur la mise sur pied d'approches visant à informer les fournisseurs de soins de santé primaires, de sorte qu'ils puissent encourager les patients à faire partie des cohortes. Une telle approche pourrait comprendre des manières d'aider les patients et le public à mieux comprendre les avantages potentiels de leur participation à ces études.

Les participants ont convenu que l'amélioration de la collaboration entre les cohortes est une grande priorité. Une étude rigoureuse permettra de déterminer la meilleure façon de stimuler les changements nécessaires au sein du milieu de la recherche. Il a été souligné que les IRSC procèdent actuellement à un inventaire des cohortes existantes qu'ils financent, ce qui représente le premier pas vers une meilleure coopération. Dans le futur, un processus semblable à celui employé pour le répertoire des essais cliniques pourrait servir pour tenir l'inventaire des cohortes à jour.

Partenariats avec des organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé, ainsi que des organismes provinciaux et fédéraux :

Même s'il y a place à amélioration en matière d'établissement de partenariats avec le secteur privé, les participants ont souligné plusieurs partenariats productifs de longue date des IRSC avec Rx&D et avec des organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé. Ils ont souligné l'importance de Génome Canada et des Réseaux de centres d'excellence (RCE) liés à la santé pour le milieu de la recherche, ainsi que la disponibilité d'ensembles d'outils, comme les outils de mesure, de Santé Canada. Ils ont également mentionné que la possibilité de s'inspirer de l'ensemble PhenX élaboré aux États-Unis ou de l'adapter mérite d'être étudiée.

Les participants considèrent les organismes de recherche provinciaux comme d'importants partenaires potentiels pour l'avenir. Le financement public du système de santé canadien est également un atout important qui pourrait permettre aux chercheurs de consulter les données d'ensembles d'échantillons de plus en plus représentatifs de la population. Les participants ont cité l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) comme exemples.

Population diversifiée :

La diversité ethnique du Canada, de même que ses populations spéciales et définies, comme les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ses populations isolées culturellement ou géographiquement, et ses populations particulièrement à risque (p. ex. d'Asie du Sud, en ce qui concerne le diabète et les maladies cardiovasculaires), représente un atout pour des études interventionnelles bien conçues. La diversité ethnique du Canada permet d'effectuer des études visant à déterminer la façon dont les changements touchant les expositions environnementales et le style de vie entraînés par la migration influencent le risque de maladies chez les membres de la génération suivante.

C. Appuyer la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques grâce au renforcement des capacités

On a demandé aux groupes la meilleure façon dont le Canada pourrait renforcer ses capacités de recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques en tenant compte des forces et des lacunes cernées. La capacité de recherche dépend des personnes (formation, mentorat, recrutement et rétention des chercheurs) et de la culture de la recherche (milieu de recherche, infrastructures).

Personnes :

Les participants ont reconnu l'appui continu des IRSC pour les stagiaires comme un élément clé du développement de la capacité de recherche. Ils ont souligné que les possibilités de formation doivent offrir un cadre intellectuel permettant aux chercheurs de cibler des plans d'étude appropriés pour la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Par ailleurs, l'octroi de bourses postdoctorales dans des équipes multidisciplinaires pourrait encourager la collaboration entre chercheurs de différents domaines. Les participants ont fortement appuyé la formation de cliniciens-chercheurs.

Des activités de réseautage comme les journées de réflexion multidisciplinaires pourraient réunir des chercheurs de différentes disciplines, promouvoir la collaboration interdisciplinaire et encourager l'élaboration d'approches axées sur la biologie des systèmes. Les participants ont exprimé un fort appui pour l'élaboration d'approches innovatrices et de nouveaux modèles de financement qui réuniraient des gens de différentes disciplines aux vues similaires de façon réellement intégrée, un peu comme l'avaient fait les IRSC avec les subventions d'équipe et l'Initiative stratégique pour la formation en recherche dans le domaine de la santé (ISFRS).

Par ailleurs, les participants étaient persuadés qu'il existe des possibilités pour améliorer la capacité de recherche au Canada en stimulant la collaboration entre les IRSC, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), Génome Canada, la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI) et le Programme des chaires de recherche du Canada (PCRC). Il serait également possible d'améliorer la capacité de recherche grâce à l'augmentation de la visibilité internationale, l'amélioration des partenariats internationaux et l'intégration des efforts avec ceux des organismes de financement internationaux, dont les National Institutes for Health (NIH).

Culture de la recherche :

Les participants ont énuméré de nombreuses améliorations aux infrastructures et aux milieux de recherche qui permettraient de renforcer la capacité de la recherche sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Par exemple, la capacité de recherche pourrait être améliorée par une plus grande disponibilité des échantillons de sang et de tissus appropriés grâce à des biobanques. Les participants ont également souligné l'importance d'un appui plus centralisé pour l'élaboration d'études de cohortes, entre autres par l'uniformisation des données, l'amélioration des processus associés aux CER (avec une préférence pour les processus d'autorisation collectifs) et l'établissement d'un réseau de centres de recrutement qui permettrait d'améliorer et d'accélérer le recrutement de sujets pour les cohortes et les essais. Les participants ont également encouragé la création d'équipes collaboratives et multidisciplinaires ainsi que de sources de données sur l'état de santé de la population comme la NHANES, l'ESCC et l'ECMS.

La Politique sur l'accès aux résultats de la recherche, mise en œuvre en 2008, a été donnée comme exemple d'amélioration de la capacité de recherche au Canada. Le concept de base est que l'accès libre et répandu à des recherches et à des connaissances de pointe permet aux scientifiques, aux cliniciens, aux responsables des politiques ainsi qu'au public de mettre ces connaissances à profit.

5. Possibilités de partenariats

Après les deux premières séances en petits groupes, la Dre Jane Aubin a animé une discussion portant sur l'importance des partenariats pour les projets et les programmes de recherche à grande échelle. Elle a insisté sur le rôle central que jouent les partenariats aux IRSC et sur l'importance pour les partenaires de participer aux premières étapes de la planification d'une initiative de recherche.

Les partenariats des IRSC sont d'une importance capitale en ce qui concerne six aspects : l'amélioration du financement de la recherche en santé, le renforcement de la capacité de recherche en santé, l'application des connaissances issues de la recherche pour produire des résultats, l'établissement de priorités de recherche, l'utilisation efficace des ressources et la mise en commun des pratiques exemplaires. Elle a mis les participants au défi de faire preuve de créativité pour envisager les partenariats de manière innovatrice.

La Dre Aubin s'est intéressée plus en détail à deux initiatives phares des IRSC, ainsi qu'aux approches que prennent les IRSC pour promouvoir les partenariats internationaux et la collaboration entre les chercheurs canadiens. Dans le cadre du Consortium canadien de recherche en épigénétique, environnement et santé (CCREES), les IRSC sont devenus un membre à part entière du Consortium international de l'épigénome humain (CIEH) dans le but de stimuler l'établissement de partenariats internationaux. Quant à l'initiative sur les soins de santé primaires communautaires (SSPC), elle a amené les chercheurs à établir des partenariats avec des médecins communautaires dans le but de promouvoir la prévention des maladies et la prestation de soins de santé en milieu communautaire. Les IRSC planifient combiner des aspects de ces deux partenariats dans le cadre d'autres initiatives de recherche.

La Dre Aubin a mentionné qu'il est important d'élaborer des paramètres communs dès le début des partenariats afin de pouvoir évaluer la réussite du projet. En ce qui concerne l'uniformisation des données, la Dre Aubin a remarqué que de nombreux groupes de travail au sein de plusieurs organismes gouvernementaux sont en train d'examiner des façons d'améliorer le partage de dossiers électroniques et de données de biobanques. Elle a également souligné que dans la situation économique actuelle, qui a durement touché les investisseurs en recherche en santé, l'établissement de partenariats permet d'effectuer plus de recherche pour l'argent investi.

Les échanges qui ont suivi ont porté sur les partenariats des IRSC avec les provinces et l'industrie pharmaceutique, et sur les problèmes liés à l'uniformisation et au partage des données. Pour répondre aux commentaires des participants, la Dre Aubin a confirmé que les IRSC sont bien conscients du besoin d'établir des partenariats avec des organismes fédéraux et provinciaux de financement de la recherche. Elle a également mentionné que le Comité d'examen international a recommandé l'augmentation de la collaboration entre les IRSC et les autres organismes fédéraux de financement, et a reconnu le rôle important que les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé jouent toujours dans l'établissement de partenariats avec les IRSC.

Les participants ont convenu que les intervenants qui utilisent les renseignements issus de la recherche devraient être invités aux prochaines réunions, puisqu'ils sont les partenaires ultimes de la recherche en santé et qu'ils ont beaucoup à apporter.

6. Établissement de priorités

Le Tableau 1 présente un résumé des questions de recherche les plus prometteuses. Les participants de l'atelier ont manifesté un intérêt certain pour le sujet de l'influence des facteurs environnementaux sur le développement durant la petite enfance, la génétique et les origines courantes des maladies chroniques (p. ex. inflammation) au Canada, et chez de récents immigrants canadiens, en comparaison avec la situation dans les pays en développement. La conception d'études semblables sur les peuples autochtones et leur migration vers les milieux urbains a également été établie comme prioritaire. Par ailleurs, les participants souhaitent vivement que des recherches soient menées sur la détermination des voies moléculaires spécifiques des interactions entre l'environnement, le génome et l'épigénome aux fins de détermination du phénotype des maladies chroniques. Enfin, ils ont souligné l'importance d'investir dans la bioinformatique, les statistiques et des méthodes améliorées pour étudier le rôle des environnements et des gènes dans l'évolution des maladies chroniques.

Tableau 1 - Questions de recherche les plus prometteuses sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques

Objectif global
Déterminer le rôle, les mécanismes d'interaction et les contributions relatives des environnements et du génome dans l'apparition de maladies chroniques non transmissibles.
Objectifs spécifiques
  • Étudier les effets des facteurs génétiques et environnementaux incluant l'exposition durant des périodes développementales critiques sur les maladies chroniques au Canada, chez les immigrants canadiens récents, en comparaison avec la situation dans les pays en développement.
  • Décrire les voies moléculaires spécifiques des interactions gène-environnement afin de déterminer le phénotype des maladies chroniques, entre autres par le recensement et la validation des biomarqueurs de l'exposition environnementale.
  • Faire progresser la bioinformatique et élaborer de nouvelles approches statistiques et des plans d'étude efficaces permettant de délimiter les interactions gènes environnements et de préciser les facteurs environnementaux clés dans l'apparition des maladies chroniques.
  • Déterminer les effets de l'environnement sur la prédisposition génétique et sur l'expression de différents phénotypes de maladies.Assess how environment-gene interactions modify responses to therapeutic interventions for chronic disease
  • Évaluer la façon dont les interactions gènes-environnements modifient la réponse aux interventions thérapeutiques des maladies chroniques.
  • Déterminer le rôle de l'environnement et des gènes dans les troubles fonctionnels chroniques (des troubles méconnus mais courants).

Au cours de la longue discussion qui a suivi, les participants ont exprimé un appui solide pour la recherche fondamentale et sur les populations vulnérables. À l'opposé, la recherche interventionnelle, qui avait souvent été mentionnée au cours de l'atelier, n'a pas été beaucoup abordée. Le Dr Malcolm King a émis l'hypothèse que ce changement serait attribuable au doute que la compréhension scientifique actuelle soit suffisante pour appuyer la recherche interventionnelle. Les participants ont suggéré que l'étude des facteurs environnementaux et génétiques déterminants sur les biomarqueurs serait utile, et qu'il existe un lien étroit entre la découverte de biomarqueurs et la découverte de nouvelles voies moléculaires associées aux maladies.

Le partage des données issues des cohortes et des biobanques a été mentionné comme un besoin évident, tout comme l'augmentation de la capacité en bioinformatique, en biologie des systèmes et dans des domaines émergents connexes. Les participants ont également souligné le besoin d'améliorer la communication entre les organismes dans le but d'augmenter les investissements dans les infrastructures de recherche.

7. Résumé de l'atelier

Le Dr Paul Lasko a fait part de ses impressions sur l'atelier. Il a d'abord résumé les principales forces mises de l'avant pour la recherche sur les interactions gènesenvironnements au Canada :

  • La diversité ethnique du Canada, qui compte des populations bien définies, comme les collectivités des Premières Nations des Inuits et des Métis, entre autres, ainsi que des groupes isolés, culturellement ou géographiquement;
  • Un bon bassin de scientifiques dans tous les domaines;
  • Une forte tradition de réseautage productif entre les chercheurs;
  • Une solide capacité de recherche dans les sciences en « omique »; et
  • L'existence de nombreuses études de cohortes, parmi lesquelles plusieurs phénotypes sont déjà bien caractérisés, mais qui posent également des problèmes comme la difficulté d'accès, la qualité variable de la tenue des dossiers et les questions de visibilité et de durabilité.

Le Dr Lasko a ensuite récapitulé une partie des difficultés globales touchant la recherche sur les interactions gènesenvironnements :

  • Les technologies à haut rendement générant des données génétiques, qui sont plus avancées et moins coûteuses que celles générant des données environnementales;
  • Le manque de procédures de fonctionnement normalisées pour mesurer l'exposition environnementale;
  • Les lacunes dans les outils théoriques et méthodologiques permettant d'intégrer les données génétiques et environnementales.

D'autres difficultés touchent le travail dans ce domaine pour le Canada, dont les suivantes :

  • L'intégration, l'utilisation et la coordination sous-optimales des études de cohortes;
  • Les investissements limités dans les études de type EAEE;
  • Les processus complexes des CER, qui ont surtout un impact sur les grands consortiums;
  • Les complications concernant l'uniformisation des données et l'échange de données entre les provinces;
  • Les difficultés passées ayant ébranlé la confiance des populations autochtones et ayant encore des répercussions sur la volonté de ces populations de coopérer avec les chercheurs.

Le Dr Lasko a souligné qu'il est essentiel de s'assurer qu'une nouvelle initiative canadienne touchant les environnements, les gènes et les maladies chroniques soit bien harmonisée aux efforts internationaux afin de tirer le meilleur parti des nouvelles technologies et peut-être d'avoir accès à des cohortes plus vastes. Il a suggéré que cette initiative pourrait aborder un problème particulièrement important pour le Canada. Enfin, il a évoqué le besoin de s'assurer que les nouvelles initiatives canadiennes complètent les initiatives phares que les IRSC sont en train de lancer sur l'épigénétique et la médecine personnalisée.

Au cours des discussions qui ont suivi, le Dr Shoo Lee a indiqué qu'il est essentiel d'assurer la durabilité des études de cohortes, y compris celles qui ne sont pas financées par les IRSC comme le projet GEM. Il a souligné l'importance d'assigner des témoins aux échantillons et aux données des cohortes. À titre d'exemple, il a décrit le Réseau néonatal canadien, qui comprend une cohorte de naissances comptant près de 500 000 sujets et effectuant une collecte de données pour toutes les grossesses à risque au pays. Il s'agit d'une ressource inestimable pour le Canada, qui peut désormais être consultée par la communauté, à la discrétion du Conseil consultatif des sciences.

8. Conclusions

On sait maintenant que de nombreuses maladies chroniques non transmissibles sont causées par des interactions complexes entre des facteurs de risque génétiques et environnementaux. Cet atelier a confirmé qu'il subsiste d'importantes lacunes dans les connaissances liées au rôle des interactions gènes-environnement dans les maladies chroniques ainsi qu'un bon nombre de difficultés et de lacunes propres au Canada touchant les infrastructures. Il est essentiel de combler ces lacunes dans les connaissances et d'attaquer collectivement les difficultés cernées touchant les infrastructures afin de réduire le fardeau des maladies chroniques courantes et rares, d'améliorer la qualité de vie des patients et de diminuer les inégalités en matière de soins de santé pour les populations vulnérables du Canada.

Principaux thèmes qui sont ressortis au cours des discussions de l'atelier

  • besoin de normaliser la collecte des données, d'utiliser de meilleurs paramètres et d'améliorer le partage de données;
  • importance d'améliorer le réseautage entre les chercheurs, notamment grâce à des modèles nouveaux et novateurs permettant de rassembler des gens de différentes disciplines aux vues semblables;
  • urgence de lever les obstacles au processus actuel d'approbation de l'éthique en recherche;
  • besoin d'établir un appui plus centralisé pour la mise sur pied d'études de cohortes ainsi qu'une collaboration et un partage accrus entre les cohortes;
  • importance d'une collaboration entre les organismes ainsi que des partenariats nationaux et internationaux pour faire avancer les projets et les programmes de recherche à grande échelle.

Principaux objectifs de recherche déterminés à l'atelier

  • Étudier les effets des facteurs environnementaux et génétiques, y compris à des stades critiques du développement, sur les maladies chroniques chez les Canadiens, les récents immigrants au Canada et les habitants de pays en voie de développement.
  • Décrire les voies moléculaires caractéristiques des interactions gènes-environnement afin de déterminer le phénotype des maladies chroniques et d'identifier des biomarqueurs de l'exposition environnementale.
  • Mettre au point des plans d'étude novateurs, y compris des approches bio-informatiques et statistiques, afin de définir les interactions gènes-environnement et de décrire les principaux facteurs environnementaux dans l'apparition de maladies chroniques.

L'INMD et l'IG ont fait équipe dans le cadre de cet atelier national afin de mieux comprendre la nature et l'étendue des lacunes et des difficultés au Canada dans la réalisation de recherches sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques. Les discussions et les points de vue détaillés et réfléchis qui ont émergé faciliteront la poursuite des discussions portant sur la meilleure façon de faire progresser cet important domaine de recherche. L'environnement, les gènes et les maladies chroniques sont un sujet d'intérêt international, tel que démontré par un bon nombre d'ateliers récents à ce sujet.[16 17]. Il sera important de s'assurer qu'une nouvelle initiative canadienne portant sur les environnements, les gènes et les maladies chroniques soit bien harmonisée avec les efforts internationaux dans le but de tirer pleinement parti des nouvelles technologies et d'avoir accès à de vastes études de cohortes.


Annexe I - Participants

Nicole Arbour
Chef d'équipe canadienne,
UK Science and Innovation Network
Haut-commissariat de la G.-B. à Ottawa

Jane Aubin
Chef des affaires scientifiques et viceprésidente à la recherche, IRSC

Alain Beaudet
Président, IRSC

Stéphanie Bélanger
Directrice associée
Institut Canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans

Eric Benchimol
Professeur adjoint
Université d'Ottawa

Gillian Booth
Professeure adjointe
Université de Toronto

Pnina Brodt
Professeure
Université McGill

Sally Brown
Consultante

Atul Butte
Professeur agrégé
Université Stanford

Laurie Chan
Professeur
Université d'Ottawa

Xing-Zhen (Eric) Chen
Professeur
Université de l'Alberta

Susanne Clee
Professeure adjointe
Université de la ColombieBritannique

Ken Croitoru
Professeur
Université de Toronto

Ann Dorward
Professeure adjointe
Université Memorial de Terre-Neuve

Trevor Dummer
Professeur agrégé
Université Dalhousie

Nancy Edwards
Directrice scientifique
Institut de la santé publique et des populations des IRSC

Michel Fournier
Professeur
Institut national de la recherche scientifique

France Gagnon
Professeure agrégée
Université de Toronto

Paul Goodyer
Professeur
Université McGill

Robert Hegele
Professeur émérite
Université Western

Marie-France Hivert
Professeure adjointe
Université de Sherbrooke

Howard Hu
Professeur
Université du Michigan

David Irwin
Professeur
Université de Toronto

Gilaad Kaplan
Professeur adjoint
Université de Calgary

Malcolm King
Directeur scientifique
Institut de la santé des Autochtones des IRSC

Michael Kobor
Professeur agrégé
Université de la Colombie Britannique

Daniel Krewski
Professeur
Université d'Ottawa

Catherine Laprise
Professeure
Université du Québec à Chicoutimi

Mathieu Larose
Agent principal de programme
Santé Canada

Paul Lasko
Directeur scientifique
Institut de génétique des IRSC

Shoo Lee
Directeur scientifique,
Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents des IRSC

Joaquin (Quim) Madrenas
Professeur
Université McGill

Guillaume Paré
Professeur adjoint
Université McMaster

William Paterson
Professeur
Université Queen's

Carolyn Pullen
Directrice de la recherche
Fondation des maladies du cœur du Canada

Lisa Robinson
Professeure agrégée
Université de Toronto

Keith Sharkey
Professeur
Université de Calgary

Philip Sherman
Directeur scientifique
Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des IRSC

Guang Sun
Professeur
Université Memorial de Terre-Neuve

Mark Swain
Professeur
Université de Calgary

Frédérique Tesson
Professeure agrégée
Université d'Ottawa

Eytan Wine
Professeur adjoint
Université de l'Alberta

Kue Young
Professeur
Université de Toronto


Annexe II - Références

  1. Agence de la santé publique du Canada (2011). Réduction des inégalités en santé : un défi de notre temps, Ottawa, ON.
  2. Pollex, R. L., et collab. (2005) « Synergism between mutant HNF1A and the metabolic syndrome in OjiCree Type 2 diabetes », Diabetic medicine. vol. 22, no 11, p. 1510-5.
  3. Surendran, R. P., et collab. (2012) « Mutations in LPL, APOC2, APOA5, GPIHBP1 and LMF1 in patients with severe hypertriglyceridaemia ». Journal of internal medicine. vol. 272, no 2, p. 185-96.
  4. Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents. Mesurer l'exposition environnementale : Rapport de l'atelier. (2011). Ottawa, ON: Instituts de recherche en santé du Canada. Retrouvé sur le web au Mesurer l'exposition environnementale : Rapport de l'atelier.
  5. Patel, C. J., J. Bhattacharya et A. J. Butte (2010) « An Environment-Wide Association Study (EWAS) on type 2 diabetes mellitus », PLoS ONE, vol. 5, no 5, p. e10746.
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* La National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) est un programme des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies visant à évaluer l'état de santé et l'état nutritionnel des adultes et des enfants afin de déterminer la prévalence des maladies et facteurs de risque principaux aux ÉtatsUnis. L'enquête combine des entrevues avec des examens physiques, et comprend des questions démographiques, socioéconomiques, alimentaires et liées à la santé, ainsi qu'un examen.

† AllerGen est l'un des cinq réseaux liés à la santé financés en ce moment dans le cadre du Programme des réseaux de centres d'excellence (RCE) du gouvernement fédéral.

‡ Voici les principales études de cohortes en cours au Canada : l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement des IRSC, le projet GEM (interactions génétiques, environnementales et microbiennes) sur les maladies intestinales inflammatoires, l'étude de cohorte CHILD (Canadian Healthy Infant Longitudinal Development) et le projet Espoir pour demain, une cohorte sur le cancer du Partenariat canadien contre le cancer (PCCC) qui combine cinq cohortes provinciales existantes sur le cancer.

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