Section 4.1 : Théories de l'action planifiée

[ Table des matières ]

Ian D Graham
Jacqueline M. Tetroe
Groupe des théories de l'application des connaissances (AC)


Membres du groupe des théories de l'AC

Doug Angus, Université d'Ottawa; Melissa Brouwers, Université McMaster; Barbara Davies, Université d'Ottawa; Michelle Driedger, Université du Manitoba; Martin Eccles, Université de Newcastle upon Tyne; Gaston Godin, Université Laval; Ian D. Graham, détaché par l'Université d'Ottawa aux Instituts de recherche en santé du Canada; Jeremy Grimshaw, Université d'Ottawa; Karen Harlos, Université du Manitoba; Margaret Harrison, Université Queen's; Sylvie Lauzon, Université d'Ottawa; France Légaré, Université Laval; Louise Lemyre, Université d'Ottawa; Jo Logan, Université d'Ottawa; Jessie McGowan, Université d'Ottawa; MariePascale Pomey, Université de Montréal; Nicole Robinson, Université Carleton; Dawn Stacey, Université d'Ottawa; Jacqueline Tetroe, Instituts de recherche en santé du Canada; Michel Wensing, Université Radboud de Nimègue.

Points à retenir

  • Les données sur la validité et la transférabilité des théories de l'action planifiée sont limitées.
  • Une théorie de l'action planifiée peut porter sur la mise en oeuvre et fournir à tous les intervenants un scénario commun pour comprendre le plan d'action.

Qu'est-ce qu'une théorie de l'action planifiée et quel en est l'intérêt?

Un changement planifié (théorie normative) :

  • est un ensemble de concepts logiquement reliés qui explique de manière systématique les moyens par lesquels un changement planifié se produit;
  • permet de prédire comment les différentes forces à l'oeuvre dans un environnement réagiront dans une situation de changement particulière;
  • aide les planificateurs ou les agents de changement à contrôler les variables qui augmentent ou diminuent la possibilité qu'un changement se produise.

Le changement planifié, dans ce contexte, est l'organisation volontaire d'un changement qui se produit au sein d'un groupe dont la taille et l'environnement peuvent varier.

Les théories traditionnelles du changement :

  • décrivent le changement, mais ne visent pas particulièrement à provoquer ou à orienter le changement dans la pratique;
  • peuvent être très éclairantes et utiles pour établir les déterminants du changement;
  • sont passives : elles expliquent ou décrivent la manière dont le changement se produit;
  • cependant, les chercheurs, les responsables des politiques et les agents de changement s'intéressent plutôt aux théories de l'action planifiée visant précisément à guider ou à provoquer le changement.

Méthodologie

  • Nous avons réalisé une analyse ciblée de la littérature en sciences sociales, en sciences de l'éducation, en gestion et en sciences de la santé.
  • La recherche dans la littérature nous a permis de trouver 78 articles, desquels les données ont été extraites par deux examinateurs.
  • Nous avons cerné 31 théories de l'action planifiée, auxquelles nous avons appliqué une « analyse théorique », un processus utile pour déterminer leurs forces et leurs limites, ainsi que les similarités et les différences qui existent entre elles.

Étapes de l'analyse d'une théorie

  1. Déterminer l'origine de la théorie (Par qui a-t-elle été élaborée? D'où vient son auteur? Pourquoi a-t-elle été créée? Est-elle de type déductif ou inductif? Existe-t-il des données appuyant ou réfutant cette théorie?).
  2. Examiner le contenu de la théorie (Quels sont les concepts et les liens entre eux?).
  3. Analyser la cohérence logique de la théorie (Y a-t-il des failles sur le plan logique?).
  4. Définir le degré de généralisabilité et de concision.
  5. Déterminer la testabilité de la théorie.
  6. Déterminer l'utilité de la théorie.

Description des théories

  • Les 31 théories retenues lors de notre recherche dans la littérature ont été publiées entre 1983 et 2006. Parmi elles, 16 étaient multidisciplinaires, 6 provenaient des sciences infirmières, 2 provenaient de la médecine, 2 provenaient du travail social et les 5 autres provenaient respectivement de la prévention du VIH/sida, de l'ergothérapie, de la planification familiale, de l'éducation sanitaire et de l'informatique de la santé.
  • Ces théories visent :
    • les soins de santé;
    • le travail social;
    • la gestion.
  • Les théories découlaient le plus souvent de la littérature, et ensuite de la recherche ou de l'expérience des auteurs.
  • La majorité (21 sur 31) des théories n'a pas encore subi de test empirique.
  • Le modèle de Graham et Logan a permis de démontrer la validité apparente et la validité de contenu; il a été appliqué lors d'études et de projets de mise en oeuvre non publiés.
  • Il en est de même pour le modèle de Green, qui a été utilisé pour réaliser des entrevues diagnostiques systématiques de référence avec des patients asthmatiques traités aux urgences ou en tant que patients externes.

Méthodologie

Nous avons analysé toutes les composantes de chacune des théories pour établir leurs similitudes et créer une grille de comparaison de l'aspect ciblé. Cette opération a permis de cerner 10 actions requises dont certaines comportent des sous-actions. Nous avons ensuite pu vérifier si chaque théorie incluait chacune des catégories d'action.

Les 10 actions requises

  1. Cerner le problème à régler (n = 19)
    • Déterminer le besoin de changement (n = 22)
    • Déterminer les agents de changement (c'est-à-dire les acteurs pertinents qui seront en mesure de susciter le changement) (n = 15)
    • Cerner le public cible (n = 13)
    • Communiquer avec les personnes ou les groupes ayant manifesté un intérêt pour le projet (n = 15)
  2. Étudier les données ou la littérature (n = 21)
  3. Adapter les données et/ou élaborer l'innovation (n = 11)
  4. Évaluer les obstacles à l'utilisation des connaissances (n = 18)
  5. Sélectionner et adapter les interventions pour favoriser l'utilisation des connaissances (n = 26)
  6. Mettre l'innovation en oeuvre (n = 22)
  7. Élaborer un plan pour évaluer l'utilisation des connaissances (n = 14)
    • Faire un essai pilote (n = 11)
    • Évaluer le processus pour déterminer si et comment l'innovation doit être mise à profit (n = 19)
  8. Évaluer les résultats et l'impact de l'innovation (n = 20)
  9. Maintenir le changement - Soutenir l'utilisation continue des connaissances (n = 11)
  10. Disséminer les résultats du processus de mise en oeuvre (n = 7)

Observations/conclusion

  • Aucune des théories ne comporte l'ensemble des actions requises et aucune des actions n'est commune à toutes les théories.
  • Par exemple, certaines théories portent davantage sur l'évaluation, et d'autres mettent l'accent sur le fait de cerner le problème et les obstacles à la mise en oeuvre.
  • Lors du choix d'une théorie de l'action planifiée pour guider la mise en oeuvre, nous conseillons d'analyser méticuleusement ses composantes et leur traduction en actions, et de déterminer quelle théorie correspond le mieux à votre contexte et à votre culture de travail.

Conclusion

Peu importe la théorie choisie (ou si vous décidez d'utiliser la liste des 10 catégories d'action comme une sorte de « métathéorie »), le fait de documenter votre expérience à l'aide du modèle facilitera la compréhension de l'utilisation de la théorie et fournira de l'information à ceux qui tentent un projet semblable.

Recherche future

  • Les théories de l'action planifiée doivent être testées empiriquement pour être utiles.
  • D'autres études sont nécessaires pour déterminer l'avantage relatif d'une théorie par rapport à une autre.
  • Il faut déterminer quels éléments des théories d'action planifiée sont importants, selon les circonstances.

Résumé

  • La mise en oeuvre orientée par la théorie peut faire avancer l'étude de l'application des connaissances en fournissant un cadre qui permet de :
    • comprendre le processus de changement;
    • déterminer quelles composantes de la mise en oeuvre ont produit les résultats visés et lesquelles ne l'ont pas fait.
  • Pour chaque catégorie d'action du cycle des connaissances à la pratique, on pourrait s'inspirer de nombreuses théories de diverses disciplines.

Annexe

Théories de l'action planifiée retenues

  • Ashford, J., M. Eccles, S. Bond, L.A. Hall et J. Bond. « Improving health care through professional behaviour change: introducing a framework for identifying behaviour change stragegies », British Journal of Clinical Governance, vol. 4, no 1, 1999, p. 14¬23.
  • Bartholomew, L.K., G.S. Parcel, G. Kok et N.H. Gottlieb. Intervention mapping: Designing theory and evidence-based health promotion programs, Californie, Mayfield Publishing Company, 2001.
  • Benefield, L.E. « Implementing evidence-based practice in home care », Home Healthcare Nurse, vol. 21, no 12, décembre 2003, p. 804-809.
  • Craik, J. et S. Rappolt. « Theory of research utilization enhancement: a model for occupational therapy », Can J Occup Ther, vol. 70, no 5, décembre 2003, p. 266¬275.
  • Dearing, J. « Improving the state of health programming by using diffusion theory », Journal of Health Communication, no 9, 2004, p. 21-36.
  • DiCenso, A., T. Virani, I. Bajnok, E. Borycki, B. Davies, I. Graham et coll. « A toolkit to facilitate the implementation of clinical practice guidelines in healthcare settings », Hosp Q, vol. 5, no 3, p. 55-60.
  • Dixon, D.R. « The behavioral side of information technology », Int J Med Inform, vol. 56, no 1-3, décembre 1999, p. 117-123.
  • Doyle, D.M., R. Dauterive, K.H. Chuang et A.G. Ellrodt. « Translating evidence into practice: pursuing perfection in pneumococcal vaccination in a rural community », Respir Care, vol. 46, no 11, novembre 2001, p. 1258-1272.
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  • Fooks, C., J. Cooper et V. Bhatia. Making research transfer work: Summary report from the 1st National Workshop on Research Transfer Issues, Methods and Experiences, Toronto, ICES/IWH/CHEPA, février 1997.
  • Graham, I.D. et J. Logan. « Innovations in knowledge transfer and continuity of care », Can J Nurs Res, vol. 36, no 2, juin 2004, p. 89-103.
  • Green, L.W. et M.W. Kreuter. Health promotion planning: An educational and ecological approach, 3e édition, Mountain View (Californie), Mayfield Publishing Company, 1999.
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